Les violations commises contre des journalistes ont augmenté au cours de l'année 2020

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Alkarama exprime sa préoccupation face à l'escalade des violations contre les journalistes dans le monde arabe au cours de l'année 2020.  Selon les données publiées par les organisations internationales concernées par la défense des journalistes, y compris les statistiques publiées par la Fédération internationale des journalistes basée à Bruxelles, une soixantaine de journalistes et de professionnels des médias ont été assassinés en 2020.  Le Comité pour la protection des journalistes, basé à New York, rapporte qu'il y a au moins 274 journalistes derrière les barreaux, le nombre le plus élevé enregistré par le Comité depuis le début des années 1990. Depuis une quinzaine d'années, Alkarama défend les droits des journalistes et blogueurs dans le monde arabe, victimes de pratiques répressives inacceptables et illégales, et a déposé des plaintes individuelles en leur nom auprès des mécanismes des droits de l'homme des Nations Unies. 

Au Yémen, Alkarama a travaillé sur le cas de neuf journalistes enlevés le 9 juin 2015. Ils ont été emmenés dans les prisons des rebelles houthis et soumis à la torture, en raison de l'exercice de leur droit d'expression et de surveillance des violations des droits de l'homme. Cinq d'entre eux ont été libérés à la mi-octobre 2020, dans le cadre d'un accord d'échange de prisonniers entre les combattants houthis et le gouvernement yéménite, mais leurs quatre autres collègues sont toujours détenus dans des conditions extrêmement mauvaises et font face à des décisions d'exécution rendues par un tribunal houthi.

En Arabie saoudite, justice n'a pas été rendue contre les assassins du journaliste Jamal Khashoggi, qui a été sauvagement assassiné dans le consulat de son pays à Istanbul, en raison de sa vision critique de la politique de son pays et de ses revendications  en matière de liberté et de réforme politique et économique. َAlkarama a communiqué, avec d'autres organisations, son cas aux procédures de l'ONU relatives aux droits de l'homme, et son cas a été porté devant le Conseil des droits de l'homme dans le cadre de l'Examen périodique universel de l'Arabie séoudite  le 5 novembre 2018.
Le 5 juillet 2020, le décès du journaliste Saleh Al-Shehi a été annoncé alors qu'il souffrait  de maladie depuis sa libération en mai de la même année. Al-Shehi a été arrêté en 2018 pour avoir critiqué la corruption qui existait au sein de la Cour royale. Il était connu comme défenseur des droits des citoyens et pour sa lutte contre la corruption. Des sources disent qu'il a été contaminé par le covid-19 alors qu'il était en prison, mais en fin de compte, c'est aux  autorités saoudiennes qu'il incombe  de porter la responsabilité de son sort.

En Égypte, les journalistes sont confrontés à des mesures de répression systématiques depuis l'arrivée au pouvoir du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, et de nombreux journalistes sont toujours derrière les barreaux, dont neuf journalistes au sujet desquels Alkarama a informé le 19 mai 2015, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, et qui ont été jugés devant le tribunal pénal du Caire.  Ils ont été accusés d'avoir couvert le sit-in de Rab'a et d'avoir incité les manifestants à affronter l'État et semer le chaos dans le pays. Les journalistes ont également été accusés d'avoir répandu de fausses rumeurs accusant les autorités au recours excessif à la force et de violation des droits de l'homme, lors de la violente dispersion par l'armée et les forces de sécurité de sit-in sur les places de Rab'a et al-Nahda au Caire le 16 août 2013. À la lumière des informations documentées fournies par Alkarama et d'autres organisations aux procédures spéciales des Nations Unies, M. David Kaye,  Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a adressé, le 6 octobre 2015, une lettre aux autorités égyptiennes  qui a par ailleurs été publiée dans les rapports des procédures spéciales soumis lors de sa 31e session.  Le Conseil des droits de l'homme s'est dit préoccupé par l'état de la liberté d'expression en Égypte, où des dizaines de journalistes ont été arrêtés ces dernières années.

En Algérie, la violation du droit à la liberté d'expression reste un problème majeur dans le pays. Des exemples incluent la détention du journaliste et défenseur des droits humains, Khaled Drarni, qui a été arrêté en août 2020 et condamné à 3 ans de prison pour avoir filmé des policiers attaquant des manifestants à Alger.

Les experts des Nations Unies ont condamné la décision à son encontre, de même  que pour Fadel Breica, originaire du Sahara occidental et défenseur des droits humains, actuellement en détention, pour qui Alkarama avait fait appel aux procédures spéciales de l'ONU. Alkarama a également récemment appelé à l'abrogation des articles du code pénal algérien qui criminalisent la liberté d'expression et d'association.
Les gouvernements arabes attaquent systématiquement journalistes et blogueurs, les considérant comme une menace pour leur stabilité et leur sécurité, et parfois comme insultant les hommes au pouvoir, les harcelant juridiquement, les détenant secrètement et  arbitrairement,  les torturant,  et allant même parfois à leur execution, dans le but de faire taire ceux qui dénoncent les violations qu'ils commettent.
Dans les pays en proie à des conflits armés, les journalistes font face à un plus grand danger et sont vulnérables aux représailles de toutes les parties au conflit. Ainsi, dans les pays où le travail des journalistes et blogueurs qui critiquent leur politiques, est considéré comme une menace pour la sécurité, certains journalistes ont fait l'objet de poursuites et de procès pour terrorisme. À un moment où le monde est témoin d'un échange massif d'informations, de nombreux pays de la région ont récemment adopté des lois strictes qui restreignent les libertés et criminalisent tous les médias pacifiques ou les activités en ligne.