Nations Unies : Alkarama soumet son rapport au Secrétaire général sur les représailles contre les personnes coopérant avec les mécanismes des droits de l'homme des Nations Unies

reprisals

Le 15 avril 2021, Alkarama a soumis son rapport au Secrétaire général de l'ONU (UNSG) concernant plusieurs cas de représailles en Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis. En vertu de la résolution 12/2, le Secrétaire général de l'ONU soumet au Conseil des droits de l'homme un rapport annuel compilant les informations reçues sur les actes de représailles pour la coopération avec l'ONU dans le domaine des droits de l'homme. Ce rapport met en lumière la situation dans les pays où la coopération avec l'ONU déclenche des mesures systématiques de représailles et d'intimidations.
De nombreuses personnes avec lesquelles Alkarama coopère ont continué à faire l'objet d'actes d'intimidation et de représailles, soit en raison de leur activisme, soit en raison de l'action de l'ONU en leur faveur. Dans sa contribution au rapport annuel sur les représailles, Alkarama a soumis des informations concernant trois cas particulièrement préoccupants de représailles à l'encontre de personnes ayant déposé des plaintes auprès des Nations Unies.

Dr Salman ALODAH (Salman Al Awda), Abdullah ALAOUDH et Khaled ALODAH (Arabie Saoudite)
Le Dr Salman Fahed ALODAH, ainsi que son fils Abdullah et son frère Khaled ont été la cible de mesures de représailles et d'intimidation après avoir informé les mécanismes des droits de l'homme des Nations unies de l'arrestation du Dr ALODAH et des mauvais traitements qu'il a subis.
Le Dr ALODAH est l'un des penseurs religieux les plus connus d'Arabie saoudite. Le 7 septembre 2017, il a été arrêté dans le cadre d'une campagne de répression, visant des personnalités qui refusaient de cautionner publiquement la politique du prince héritier Mohamed bin Salman.
Maintenu à l'isolement depuis son arrestation et privé de soins médicaux, il a été soumis à de graves tortures physiques et psychologiques. Son procès est en cours devant le tribunal pénal spécial (SCC) de Riyad, sur la base de 37 chefs d'accusation liés à son action militante et pour lesquels l'accusation a requis la peine de mort. Depuis son arrestation, plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales des Nations unies ont considéré que son procès était inéquitable et ont demandé sa libération immédiate.
En réponse aux nombreuses communications adressées aux procédures des Nations unies et à d'autres mécanismes internationaux et régionaux de défense des droits de l'homme, les autorités chargées de sa détention - agissant sous le contrôle direct du prince héritier lui-même - ont intensifié le recours à la torture et à l'isolement cellulaire, ce qui a entraîné une détérioration importante de sa santé physique et mentale et des déficiences permanentes.
Le 26 janvier 2021, Alkarama a soumis une communication au Comité des droits des personnes handicapées. La famille d'Alodah s'est vue à nouveau refuser le droit de le contacter ou de lui rendre visite. La SCC ne cesse de reporter les audiences, plaçant ainsi M. ALODAH en état de détention indéfinie et sous la menace constante d'être condamné à mort, ce qui constitue un traitement totalement cruel et inhumain pour lui et sa famille.

Safar bin Abdulrahman Al Hawali (Arabie Saoudite)
Cet éminent et pacifique critique des autorités saoudiennes est détenu arbitrairement depuis le 12 juillet 2018. Il a été arrêté quelques semaines après avoir publié un livre dans lequel il critiquait les choix de politique internationale du prince héritier saoudien Mohammed bin Salman et émettait des recommandations à son attention. M. Hawali est resté en disparition forcée pendant deux mois, jusqu'à ce que les autorités informent sa famille qu'il était détenu dans la prison de la Direction générale des enquêtes, agissant sous l'autorité des services de la présidence de la sécurité d'État de La Mecque. De plus, ses quatre fils et son frère ont été arrêtés par les forces de sécurité de l'Etat en guise de représailles et d'intimidation supplémentaire pour avoir signalé son arrestation à la presse, à des ONG et demandé à Alkarama de soumettre son cas aux procédures spéciales de l'ONU.
M. Al Hawali a subi une attaque cérébrale qui a nécessité une intervention chirurgicale à la mi-2005, suivie d'une deuxième attaque en 2006. Ces attaques répétées n'ont pas permis à M. Al Hawali de se rétablir et ont entraîné des déficiences permanentes qui affectent ses capacités de communication et de mobilité, ainsi que sa capacité à prendre soin de lui-même. Le 12 octobre 2020, Alkarama a  soumis une communication au Comité des droits des personnes handicapées, qui a demandé instamment aux autorités de libérer l'universitaire. Cependant, les autorités ont pris de nouvelles mesures de représailles et d'intimidation à l'encontre de M. Al Hawali et de plusieurs membres de sa famille.
Alkarama est convaincue que les fils et le frère de M. Hawali ont été arrêtés comme une forme de punition collective et dans le but de réduire au silence et de menacer toute la famille. Les seuls quelques membres de sa famille qui auraient pu tenter d'intenter une action en justice en son nom - à savoir ses fils et son frère - ont été arrêtés à ses côtés.

M. Ahmad Ali Mekkaoui (Emirats Arabes Unis)
Le cas de M. Ahmad Ali Mekkaoui, citoyen libanais, a déjà été soulevé par Alkarama et inclus dans le rapport 2019 du Secrétaire général après qu'il ait fait l'objet de représailles suite à la publication d'un avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui a jugé sa détention arbitraire en août 2017. Il a été mentionné plus tard dans le rapport du Secrétaire général de septembre 2020.
Le 5 décembre 2018, la chaîne de télévision Al Arabi a diffusé un segment vidéo sur son cas, détaillant ces poursuites aux Émirats arabes unis, les tortures qu'il a subies, ainsi que l'Avis qui a été émis sur son cas par le GTDA. La vidéo contenait également une interview de la sœur de Mekkaoui et de son avocat libanais. Par conséquent, et comme nouvel acte de représailles, Mekkaoui a été déplacé à l'isolement le 17 décembre 2018, et a été placé dans une cellule souterraine, sans lumière naturelle. Depuis lors, il n'a pu contacter sa famille que par intermittence.
En outre, en mars 2019, le ministère public a engagé de nouvelles poursuites judiciaires contre Mekkaoui, sa sœur, son neveu et son avocat, les accusant de "fausse déclaration et d'incitation contre les Émirats arabes unis" sur la base des interviews télévisées ainsi que d'une page Facebook gérée par son neveu. La santé de Mekkaoui reste à un stade critique car il souffre toujours des séquelles des tortures qu'il a subies, notamment de graves douleurs dorsales et d'infections aux endroits où les orteils et les ongles ont été arrachés. Depuis l'apparition du COVID-19 au début de l'année 2020, il est privé de tout contact avec sa famille, qui n'a pas obtenu d'informations sur son état, son sort ou sa localisation.
Dans le rapport du Secrétaire général de septembre 2020, il est indiqué que le 14 juillet 2020, le gouvernement a répondu en se contentant de réfuter que M. Mekkaoui a fait l'objet d'une détention arbitraire ou de torture ou a été placé en isolement.
Le 14 avril 2021, Alkarama a été informée que la situation de M. Mekkaoui ne s'est pas améliorée. Au contraire, il est toujours privé de visites familiales et ne peut appeler sa famille que pendant quelques minutes et de manière sporadique. Comme ses appels sont surveillés, il ne peut pas décrire en détail son traitement actuel. Cependant, l'utilisation de la torture et des mauvais traitements comme moyen de représailles contre toute forme de défense des droits humains est un fait bien établi dans les EAU. Compte tenu de l'histoire de Mekkaoui et du fait que les autorités émiraties persistent à le couper du monde extérieur, Alkarama reste extrêmement préoccupée par son intégrité physique et mentale.