D’importantes délibérations relatives à la situation des droits de l'homme dans le pays ont été formulées au cours du dialogue interactif de l'Examen Périodique Universel (EPU) du Royaume d'Arabie Saoudite devant le Conseil des droits de l'homme qui s’est tenu le 4 juillet 2024 au Palais des Nations à Genève.
La session qui s’est déroulée dans le cadre de la cinquante-sixième session a été marquée par une participation active des représentants d'organisations de la société civile.
Au cours de la session, de nombreux États ont pris la parole au préalable de l’intervention des organisations de la société civile, lesquelles ont eu l'opportunité de formuler leurs préoccupations et observations sur des questions primordiales.
Dans le cadre de l’EPU, Alkarama avait soumis un rapport parallèle au Conseil des droits de l'homme au sujet de diverses problématiques dans le pays illustrées par des cas de violation qu'elle a elle mêmes documentés.
Lors du dialogue interactif, l'Arabie Saoudite, par l'intermédiaire de sa représentante Mme Hala Mazyad Al-Tuwaijri, présidente de la Commission saoudienne des droits de l'homme, a rappelé les quelques 354 recommandations formulées par les 135 États membres à l’attention du Royaume. Elle a affirmé que ces recommandations avaient été examinées par les autorités nationales saoudiennes et a soutenu qu'elles avaient été favorablement accueillies.
Parmi les 273 recommandations acceptées, 24 l'ont été partiellement. En revanche, cinq recommandations ont été rejetées, tandis qu'une cinquantaine d'autres ont été notées, a-t-elle précisé, arguant que la majorité d’entre elles avaient déjà été mises en œuvre.
Les déclarations de la représentante saoudienne ont montré que les recommandations portant sur la santé, l'éducation et la protection des personnes âgées ont été acceptées, tandis que celles concernant les législations et le cadre juridique et institutionnel des droits de l'homme ont rencontré moins d'engagement.
Bien que l'Arabie Saoudite ait accepté la recommandation relative à la coopération avec les mécanismes des Nations Unies, Alkarama note que le pays n’a pas réagi favorablement aux avis émis par les procédures spéciales des droits de l'homme, notamment ceux du groupe de travail sur la détention arbitraire.
Lors du dialogue interactif, les organisations non gouvernementales ont soulevé la question des répressions, des persécutions et des harcèlements perpétrés par les autorités saoudiennes à l'encontre des activistes et des défenseurs des droits de l'homme. Elles ont également mis en lumière les conditions de travail difficiles des travailleurs et les conséquences dévastatrices des attaques conjointes saoudo-émiraties sur les infrastructures des services de base au Yémen.
Au cours de son intervention, la délégation de l'organisation ALQST pour les droits de l'homme en Arabie Saoudite, a mis en exergue les recommandations concernant l'adhésion de l'État à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Elle a abordé la situation des détenus d'opinion et des activistes emprisonnés, notamment l'avocat Mohammad al-Qahtani et d'autres. L’inaction de l'Arabie Saoudite face aux recommandations précédentes visant à garantir la liberté d'expression a été critiqué tandis que son refus de ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques a été condamné.
D’autres intervenants ont soulevé la question des condamnations à mort prononcées en Arabie Saoudite en lien avec l'exercice de la liberté d'expression et ont appelé à s'abstenir de soutenir l'adhésion de l'Arabie Saoudite au Conseil des droits de l'homme lors de la prochaine session courant novembre.
Réforme de la législation
Dans ce cadre, la nécessité de réformer, en conformité avec les normes et traités internationaux, les législations sur la lutte contre le terrorisme et les crimes électroniques a été réitérée. Bien qu’il s’agisse d’une recommandation qui avait déjà été formulée lors des sessions antérieures, les actions des autorités saoudiennes indiquent un manque de volonté à ce niveau.
Certains intervenants ont critiqué le refus de l'Arabie Saoudite d'accepter la recommandation visant à mettre fin aux représailles contre les défenseurs des droits de l'homme et les collaborateurs des mécanismes onusiens de protection des droits de l'homme.
L'activiste saoudienne Lina Al-Hathloul a critiqué le refus de son pays d'accepter la recommandation de la Belgique relative à la nécessité de mettre un terme aux représailles contre les défenseurs des droits de l'homme qui interagissent avec les mécanismes de l'ONU. Elle a mis en avant l'acharnement du gouvernement saoudien dans sa politique de ciblage des activistes tel qu’illustré à travers son propre cas et celui de sa sœur, l'activiste Loujain Al-Hathloul.
Al-Hathloul a souligné que l'Arabie Saoudite refuse de mettre en œuvre les avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire concernant les détenus d'opinion. Elle a également critiqué le rejet de la recommandation visant à lever les interdictions de voyager imposées aux défenseurs des droits de l'homme et aux détenus d'opinion ayant purgé leur peine.
Activité d'Alkarama
Les interventions de la société civile lors de la session ont mis en avant l'importance des efforts déployés par Alkarama au fil des années. Cela inclut les plaintes individuelles soumises aux procédures spéciales des Nations Unies, l'obtention des Avis auprès du Groupe de travail sur la détention arbitraire et la rédaction de rapports parallèles dans le cadre des différentes procédures.
Alkarama a notamment soumis des rapports successifs lors des précédentes sessions relativement aux problématiques en matière des droits de l'homme en Arabie Saoudite.
Le Groupe de travail sur l’EPU a pris en considération un nombre significatif de ces recommandations formulées notamment par Alkarama dans son dernier rapport. Parmi elles, la ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, ainsi que la révision des législations sur la lutte contre le terrorisme et les crimes électroniques.
Dans son rapport, Alkarama avait notamment attiré l’attention sur la question des "centres de réhabilitation" créés en 2007. Si les autorités saoudiennes allèguent que ces centres sont destinés à la mise en œuvre de programmes de réintégration et de réhabilitation pour les personnes ayant purgé leur peine de prison pour terrorisme, ces centres sont, en réalité, utilisés pour maintenir la détention arbitraire de nombreuses personnes après leur libération, sans procédure judiciaire, sous prétexte qu'elles pourraient constituer une "menace" future en raison de leurs opinions dissidentes. Dans la pratique, ces centres visent à contraindre les prisonniers politiques à exprimer une loyauté inconditionnelle envers le pouvoir royal en échange de leur libération.
Dans son rapport, Alkarama a également mis en avant l'importance de définir la torture de manière précise, de la sanctionner conformément aux standards de la Convention des Nations Unies contre la torture, de garantir des enquêtes efficaces sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements et, enfin, de poursuivre les responsables de ces actes.