Aller au contenu principal
الفيفا والسعودية

Alkarama a déposé un appel urgent auprès du Groupe de travail des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme ainsi que d’autres procédures spéciales, appelant à une action immédiate concernant le processus de candidature de la FIFA pour la Coupe du Monde 2034 en Arabie saoudite. Cet appel met en lumière de graves préoccupations concernant le calendrier accéléré de 27 jours imposé par la FIFA, l'absence de diligence raisonnable indépendante et complète en matière de droits de l'homme, ainsi que le manque d'indépendance de l'évaluation des risques liés aux droits de l'homme que l'Arabie saoudite a confiée à AS&H Clifford Chance. Ces actions, prises ensemble, indiquent une non-conformité grave avec les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (UNGPs) et un mépris de la propre politique de la FIFA en matière de droits de l'homme. ‏

Alkarama a également publié un rapport basé sur la plainte envoyée à la Procédure spéciale, détaillant les revendications adressées aux titulaires de mandat sur la base de son travail de documentation des violations graves et systématiques en Arabie saoudite au cours des 20 dernières années, tout en tenant compte des obligations de la FIFA en vertu des Principes directeurs des Nations Unies et d’autres instruments internationaux.

Contexte : un processus de candidature accéléré soulevant des préoccupations en matière de transparence et de devoir de diligence  

Le 4 octobre 2023, la FIFA a annoncé de manière inattendue un processus de candidature simultané pour les Coupes du monde 2030 et 2034, imposant un délai de 27 jours aux pays intéressés par l'organisation du tournoi de 2034. L'annonce rapide de la candidature de l'Arabie saoudite, faite quelques minutes seulement après l'appel à candidatures de la FIFA, a immédiatement suscité des interrogations sur une éventuelle pré-coordination. 

À la date limite du 31 octobre, l'Arabie saoudite restait le seul candidat après le retrait de l'Indonésie et de l'Australie, rendant le processus de candidature non compétitif et contournant l'engagement de la FIFA en faveur de procédures de sélection transparentes et équitables. Ce calendrier accéléré a sérieusement limité la capacité de la FIFA à mener une diligence raisonnable robuste en matière de droits de l'homme, comme l'exige sa politique des droits de l'homme et son engagement envers les UNGPs. 

La candidature de l'Arabie saoudite, couvrant cinq villes et nécessitant d'importants projets de construction, néglige les préoccupations documentées en matière de droits de l'homme. L'inclusion de Neom comme lieu principal exacerbe ces risques, compte tenu des expropriations forcées et des exécutions associées à cette ville. Les travailleurs migrants essentiels aux projets liés à la Coupe du monde sont confrontés à l'exploitation, tandis que les voix indépendantes des journalistes et des défenseurs des droits humains sont systématiquement réduites au silence par des lois sur la cybercriminalité et la lutte contre le terrorisme qui répriment toute critiques pacifiques envers les autorités. 

Contexte des droits de l'homme en Arabie saoudite : de graves risques pour un méga-événement sportif 

Dans son appel urgent, Alkarama a basé ses revendications sur des cas qu'elle a documentés en Arabie saoudite auprès des mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, mettant en évidence la nature autoritaire et répressive des politiques saoudiennes dans des domaines clés, soulevant de graves préoccupations quant à leur capacité à organiser une Coupe du monde respectant les principes fondamentaux des droits humains. 

Alkarama a souligné la criminalisation systématique de la dissidence politique et d'autres formes d'activisme pacifique à travers des lois draconiennes et des peines ciblant les défenseurs des droits de l'homme, journalistes, universitaires et autres critiques pacifiques. 

La détention arbitraire, utilisée comme moyen de réprimer la dissidence, est si systématique que le Groupe de travail sur la détention arbitraire a exprimé des préoccupations selon lesquelles elle atteindrai le niveau de crime contre l'humanité. En outre, la torture et les mauvais traitements en détention ont causé des handicaps permanents et des décès parmi les prisonniers politiques. 

Alors que la candidature de l'Arabie saoudite prévoit la construction de 11 nouveaux sites dans des délais record, des préoccupations significatives auraient dû être soulevées concernant le manque de protection des droits des travailleurs, y compris la liberté d'expression et la capacité des travailleurs à s'associer et à dénoncer les abus potentiels. 

En outre, Alkarama a mis en lumière les contradictions des affirmations saoudiennes sur l'inclusivité et le respect des droits des minorités et autres groupes protégés, compte tenu de leur bilan déplorable en matière de discrimination systématique et de préjugés institutionnalisés à leur encontre. 

Violations des Principes Directeurs de l'ONU par la FIFA et AS&H Clifford Chance

Alkarama a affirmé que la FIFA et AS&H Clifford Chance, en tant qu’entreprises étroitement impliquées dans l’attribution potentielle de la Coupe du Monde 2034 à l’Arabie saoudite, ont enfreint plusieurs dispositions clés des Principes directeurs des Nations Unies en ne respectant pas les exigences essentielles en matière de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, d’engagement des parties prenantes et de transparence dans l’évaluation de la candidature saoudienne. ‏

Les violations des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme par la FIFA dans sa décision de soutenir la candidature de l’Arabie saoudite sont significatives, notamment en ce qui concerne le Principe 13, qui traite de la responsabilité de respecter les droits de l’homme. Le Principe 13(a) exige des organisations qu'elles évitent de causer ou de contribuer à des abus des droits de l'homme. Cependant, la décision de la FIFA de poursuivre la candidature saoudienne sans obtenir d'engagements contraignants en matière de droits de l'homme ni mener une évaluation approfondie contribue directement à accroître les risques liés aux droits de l'homme. 

En outre, le Principe 13(b) exige des organisations qu'elles préviennent ou atténuent les impacts négatifs sur les droits de l'homme directement liés à leurs activités. L'absence de mesures proactives ou d'engagements contraignants de la part de la FIFA illustre son incapacité à atténuer efficacement ces risques. ‏Par ailleurs, le calendrier accéléré de la FIFA a compromis sa capacité à mener un processus de diligence raisonnable complet, comme l’exige le Principe 17. Ce principe demande aux organisations d’identifier, de prévenir, d’atténuer et de remédier aux impacts sur les droits de l’homme. Dans le cas de la FIFA, sa dépendance à une évaluation limitée menée par AS&H Clifford Chance, s’appuyant fortement sur des sources gouvernementales saoudiennes – excluant ainsi les parties prenantes indépendantes – a conduit à l’exclusion de questions critiques soulevées par les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, notamment les violations du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. Réalisée en seulement six semaines, cette évaluation, strictement limitée par les autorités saoudiennes elles-mêmes, n’a pas respecté les Principes directeurs. ‏

En outre, le manquement de la FIFA et de AS&H Clifford Chance à engager un dialogue avec des groupes de la société civile indépendante, des défenseurs des droits des travailleurs migrants ou d'autres communautés directement affectées par les questions de droits humains en Arabie saoudite constitue une violation directe du Principe 18, qui exige l’identification et l’évaluation des impacts sur les droits humains. ‏

La décision de la FIFA de ne pas divulguer d’informations détaillées sur les considérations relatives aux droits humains associées à la candidature saoudienne, ainsi que la nature limitée de l’évaluation de Clifford Chance, sapent davantage la responsabilité. Ce comportement contrevient également aux exigences de transparence énoncées dans le Principe 21, qui impose une communication ouverte sur les impacts en matière de droits humains. 

‏De plus, le Principe 23, qui exige une diligence raisonnable adaptée au contexte dans les environnements à haut risque, n’a pas été respecté. Le contexte à haut risque en Arabie saoudite, caractérisé par des lois restrictives, une protection juridique inadéquate et des violations documentées des droits de l’homme, nécessitait un niveau plus élevé de diligence. ‏

Enfin, les actions de la FIFA contredisent le Principe 24, qui met l'accent sur la nécessité de prioriser les mesures pour remédier aux impacts graves sur les droits de l'homme. La décision de la FIFA de poursuivre la candidature sans établir de normes rigoureuses en matière de droits de l'homme ou de mécanismes de mise en œuvre démontre une préférence pour la rapidité au détriment de la protection des populations vulnérables. La portée limitée de l’évaluation menée par AS&H Clifford Chance n’a pas permis de garantir des mesures de protection suffisantes pour les groupes concernés, reflétant un mépris pour les priorités urgentes des droits de l’homme définies dans le Principe 24. ‏

Conclusion et responsabilité de la FIFA et AS&H Clifford Chance

La FIFA et AS&H Clifford Chance sont conjointement responsables de ne pas avoir respecté les normes en matière de droits humains dans le processus de candidature pour la Coupe du Monde 2034. Le calendrier déraisonnablement court de la FIFA, son absence d’évaluation indépendante et son exclusion de la société civile traduisent un mépris sérieux pour les droits de l’homme. L’évaluation limitée de AS&H Clifford Chance, réalisée sous des restrictions imposées par le gouvernement et sans consultation des parties prenantes, compromet encore davantage la crédibilité de ce processus de diligence. ‏

« La décision de la FIFA d’avancer sur la candidature pour la Coupe du Monde sans diligence raisonnable adéquate ni consultation significative des parties prenantes met en danger les protections fondamentales des droits humains et constitue un exemple classique de complicité des entreprises dans le 'sportswashing' », a déclaré Rachid Mesli, directeur d'Alkarama. « Nous appelons les experts des Nations Unies à intervenir immédiatement pour tenir la FIFA et AS&H Clifford Chance responsables et empêcher une potentielle complicité dans de nouvelles violations des droits fondamentaux de milliers de personnes. » 

‏À cet égard, Alkarama a demandé au Groupe de travail des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme ainsi qu’aux autres procédures spéciales concernées de prendre les mesures suivantes concernant la FIFA et AS&H Clifford Chance : ‏

Recommandations à la FIFA :

  • Alkarama a demandé aux experts de l’ONU de recommander à la FIFA de prendre des mesures immédiates pour garantir l’intégrité de son processus de candidature, notamment en suspendant le processus de candidature actuel, y compris le vote prévu pour décembre 2024. La FIFA devrait rouvrir le processus de candidature avec un calendrier révisé permettant des évaluations complètes des droits humains et une consultation significative de toutes les parties prenantes concernées. En outre, la FIFA devrait mener une évaluation indépendante des droits humains, libre de toute influence gouvernementale, afin de garantir l’impartialité. À l’avenir, la FIFA devrait être incitée à établir des normes mesurables et exécutoires en matière de droits humains pour tous les futurs pays hôtes et à obtenir des engagements contraignants de l’Arabie saoudite pour remédier aux risques identifiés. 

Recommandations à AS&H Clifford Chance :

  • ‏Alkarama a appelé le Groupe de travail des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme ainsi que d'autres experts à conseiller à AS&H Clifford Chance de respecter pleinement les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et les Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle des avocats. Cela inclut la révision de leur évaluation actuelle pour garantir une analyse complète et indépendante des droits humains, exempte de partialité et d’influence gouvernementale. De plus, AS&H Clifford Chance devrait s'engager activement avec des organisations de la société civile indépendante et des communautés concernées, renforçant ainsi la transparence et la crédibilité de leurs conclusions par une large consultation des parties prenantes pertinentes.