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مصر.. سجن بدر

Les organisations de défense des droits humains signataires dénoncent avec la plus grande fermeté la dégradation grave et systématique des conditions de détention à la prison de Badr 3, qui met en danger immédiat la vie des détenus politiques en Égypte et constitue une violation manifeste des normes humanitaires ainsi que des lois internationales et nationales fondamentales.

Lors des audiences de la Cour pénale à la prison de Badr en juillet 2025, des faits choquants et horribles ont été portés à notre connaissance, révélant une véritable tragédie humaine qui a lancé un signal d’alarme. Le 12 juillet, plusieurs avocats présents ont rapporté que le détenu Mohamed Anis Mohamed Al-Sharif a tenté de se trancher les veines des deux mains à l’intérieur du box des accusés. Ce geste désespéré témoigne de la pression psychologique extrême que subissent les prisonniers politiques. Plus inquiétante encore fut l’inaction manifeste des juges, qui n’ont ni assuré une prise en charge médicale immédiate, ni ouvert une enquête urgente pour établir les raisons réelles à l’origine de cet acte désespéré.

Lors de l’audience du 5 juillet, le détenu Khaled Al-Azhari, ancien ministre du Travail, a poussé des cris poignants dont le contenu a été rapporté ainsi : « Nous vivons dans des tombes… nous ne voyons ni soleil ni lumière… à mon âge, en arriver à me trancher les veines… c’est parce que je ne peux plus supporter. » En confirmant sa tentative de suicide et en montrant une blessure à la main, il a ainsi mis en lumière le profond désespoir qui règne au sein de la prison.

Par ailleurs, Hassan Al-Barnes, universitaire et ancien vice-gouverneur d’Alexandrie, ainsi qu’Ahmed Abu Baraka, avocat et ancien parlementaire, ont tous deux rapporté une perte auditive liée à l’isolement prolongé et au silence absolu imposés dans les cellules d’isolement individuel. Ces témoignages mettent en lumière les graves dommages physiques et psychologiques causés par le refus systématique d’accès aux soins médicaux, ainsi que par l’interdiction des visites familiales et juridiques. D’autres détenus ont également confirmé l’existence de tentatives répétées de suicide parmi les prisonniers, témoignant de leur protestation face aux « conditions mortelles » dans lesquelles ils sont contraints de survivre.

Violations flagrantes des lois internationales et nationales 

Ce qui se passe à la prison de Badr 3 ne relève pas d’un simple manquement, mais constitue une violation systématique et délibérée des droits humains, en totale contradiction avec la Constitution égyptienne ainsi qu’avec le droit international des droits de l’homme. Le refus d’autoriser les visites et les contacts avec les familles et les avocats — des droits fondamentaux garantis notamment par l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la règle 58 des Règles Nelson Mandela sur le traitement des détenus — constitue une infraction grave.

La Convention contre la torture des Nations Unies reconnaît que la privation prolongée de tout contact avec l’extérieur peut constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant, voire un acte de torture. De même, l’article 55 de la Constitution égyptienne interdit formellement la torture ainsi que toute forme de traitement inhumain ou dégradant. L’isolement prolongé, la surpopulation extrême, le manque de soins médicaux essentiels, ainsi que le refus d’exposition à la lumière du soleil et d’une ventilation adéquate sont autant de formes de traitements cruels, inhumains et dégradants infligés aux détenus.

Demandes urgentes aux autorités égyptiennes et à la communauté internationale 

Les organisations signataires appellent sans délai les autorités égyptiennes, notamment le Parquet, la magistrature et le ministère de l’Intérieur, à : 

  1. Ouvrir une enquête immédiate et assurer la responsabilité : Mener une enquête transparente et indépendante sur toutes les allégations de torture et tentatives de suicide documentées à la prison de Badr 3, et traduire en justice tous les responsables impliqués conformément à la loi. 

  2. Assurer une prise en charge médicale complète : Fournir sans discrimination des soins médicaux et psychologiques urgents à tous les détenus, en garantissant l’accès à des spécialistes et aux médicaments nécessaires. 

  3. Mettre fin à l’isolement sévère : Cesser immédiatement la politique d’isolement strict et prolongé, permettre aux détenus de bénéficier de promenades quotidiennes et de contacts humains avec leurs codétenus. 

  4. Garantir le droit aux visites : Autoriser sans condition les visites familiales et juridiques, et supprimer toutes les formes d’entraves à l’exercice de ce droit fondamental. 

  5. Ouvrir les établissements pénitentiaires au contrôle : Permettre aux commissions internationales et nationales indépendantes, y compris aux représentants des organisations de défense des droits humains, de visiter la prison de Badr 3 ainsi que tous les lieux de détention, sans restrictions ni obstacles, afin d’évaluer la situation sur le terrain. 

  6. Libérer les détenus arbitraires : Procéder à un examen immédiat des cas de tous les prisonniers provisoires et libérer ceux ayant purgé leur peine légale ou pour lesquels aucune preuve suffisante ne justifie la poursuite de la détention. 

La vie des détenus est en danger immédiat. Les appels désespérés émanant de l’intérieur des prisons réclament une intervention urgente et résolue. Les organisations signataires appellent la communauté internationale dans son ensemble — y compris les mécanismes spécialisés des Nations Unies, les gouvernements et les institutions dédiées aux droits humains — à exercer une pression diplomatique et juridique maximale sur les autorités égyptiennes afin de mettre un terme à ces graves violations des droits fondamentaux et de garantir justice et dignité à tous les détenus en Égypte.

Organisations signataires : 

  1. Justice Human Rights Foundation (JHR) – Istanbul 

  2. AFD International – Belgique 

  3. Association des Victimes de la Torture (AVTT) – Genève, Suisse 

  4. Human Rights Monitor (HRM) – Londres 

  5. Tawasul for Human Rights (THR) – La Haye, Pays-Bas 

  6. Human Rights Solidarity (HRS) – Genève, Suisse 

  7. Al-Shihab Center for Human Rights (SHR) – Londres 

  8. Sawt Hur for Human Rights – Paris 

  9. Egyptian Rights Council – Genève 

  10. Cedar for Human Rights – Liban 

  11. Alkarama for Human Rights – Genève, Suisse 

Addendum : Il convient de rappeler qu’Alkarama a soumis plusieurs rapports parallèles lors des examens de l’Égypte devant les mécanismes des Nations Unies, notamment devant le Comité contre la Torture (octobre 2023) et le Comité des droits de l’homme. Ces rapports mettent en lumière les violations des droits humains en Égypte, en particulier l’usage abusif des lois restrictives sous prétexte de lutte contre le terrorisme, ainsi que les conditions inhumaines de détention des opposants, journalistes et défenseurs des droits humains.

Alkarama a également présenté des rapports de suivi à l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits humains (GANHRI), notamment devant la Sous-commission d’agrément (SCA), appelant à la réduction du statut du Conseil national des droits humains égyptien en raison de son absence d’indépendance réelle et de son incapacité à traiter les violations graves telles que la torture, les disparitions forcées, la détention arbitraire, ainsi que la répression de la liberté d’expression et de réunion pacifique.