Alkarama dénonce les violations récurrentes des droits humains en Algérie dans un rapport soumis au Comité des droits de l’homme de l’ONU

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Dans le cadre de l’examen périodique de l’Algérie par le Comité des droits de l’homme (Comité DH ) qui se tiendra les 4 et 5 juillet 2018, Alkarama a soumis son rapport alternatif le 4 juin 2018. Dans cette contribution, Alkarama a relevé de nombreux manquements aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ratifié par l’Algérie en 1989, y compris la question de l’impunité des auteurs des graves violations des droits humains commises durant la guerre civile, l’absence de coopération avec le Comité ainsi que les nombreuses atteintes aux libertés fondamentales ; Alkarama propose une série de recommandations afin d'améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays.

La question des disparus et la Charte pour la paix et la réconciliation nationale

Dans son rapport, Alkarama a rappelé que l'Algérie avait le cinquième taux le plus élevé au monde d'affaires pendantes devant le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI), et la visite du pays sollicitée par ce dernier en 2000 a été continuellement reportée par le gouvernement.

Alkarama a soulevé les problématiques posées par la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » de 2006, que le Comité des droits de l’homme avait déjà appelé à abroger puisqu’elle viole plusieurs dispositions du Pacte à commencer par le droit à un recours effectif. Non seulement cette « Charte » instaure un climat d’impunité en établissant une amnistie générale pour les agents de l’Etat auteurs de violations graves du droit humanitaire et des droits de l’homme, mais elle rend également impossible tout recours en justice pour les familles de victimes.

Refus de coopération avec le Comité des droits de l’homme

Bien que le Comité ait adopté de nombreuses décisions sur des plaintes individuelles faisant état de violations graves du Pacte, les autorités algériennes refusent de prendre les mesures nécessaires pour les mettre en œuvre. Au contraire, et en violation de l’obligation de protéger et soutenir les victimes et témoins de violations des droits de l’homme, l’Algérie recourt à des représailles contre certains plaignants.

C’est le cas de Rafik Belamrania, qui a été condamné et emprisonné pour « apologie du terrorisme » après avoir publié sur les réseaux sociaux la décision du Comité des droits de l’homme reconnaissant la responsabilité des forces armées algériennes dans l’exécution extrajudiciaire de son père en 1995.

L’Algérie est tenue de protéger les droits des réfugiés sahraouis installés sur son territoire

Alkarama a également rappelé que l’Etat algérien avait failli à son obligation de garantir à tous les individus sur l’ensemble de son territoire le respect des dispositions du Pacte, en transférant certaines de ses compétences, notamment juridictionnelles, au Front Polisario, dans les camps de réfugiés sahraouis établis dans la région de Tindouf.

Cette situation est préoccupante car cela signifie que les autorités algériennes ne respectent pas leur obligation de prévenir et remédier aux violations des droits humains de toutes les personnes se trouvant sur son territoire. Cette situation conduit Alkarama à assister la famille d’Ahmed Khalil Mahmoud Braih, un haut-responsable du Polisario qui avait été enlevé par les forces de sécurité en 2009 à Alger. Les nombreuses tentatives de ses proches pour connaitre son sort et saisir les autorités algériennes sont restées vaines et ceux-ci ont constamment été renvoyés vers les autorités du Polisario du simple fait de leur statut de réfugié sahraoui. Les enfants de la victime n’ont alors pas eu d’autres choix que de saisir le Comité en 2016 pour faire la lumière sur sa situation.

Des droits fondamentaux qui demeurent entravés en droit et en pratique

Les réformes entamées par les autorités dans le contexte du printemps arabe demeurent bien en-deçà des obligations de l’Etat en matière de protection des droits à la liberté d’opinion, d’expression, de réunion pacifique et d’association.

Si l’état d’urgence a été levé en 2011, l’interdiction de manifester reste en vigueur à Alger en vertu d'un décret promulgué en 2001. Cette mesure d’interdiction est régulièrement invoquée afin de réprimer tout rassemblement pacifique, notamment les manifestations de mères de disparus dans la capitale.

En outre, la loi organique n° 12-05 qui régule l'exercice du droit à l'information et à la liberté de la presse restreint ce droit en imposant des limitations notamment le respect des attributs et des symboles de l’Etat ou de l’histoire nationale. De plus, le Code pénal comporte toujours des dispositions sanctionnant les délits de presse, servant de fondement à des poursuites judiciaires contre des journalistes ou des défenseurs des droits de l’homme tel qu’Hassan Bouras.

Enfin, l’exécutif dispose d’un pouvoir discrétionnaire lui permettant de refuser l’enregistrement d’associations sous le prétexte qu’elles seraient contraires aux « constantes et aux valeurs nationales, à l’ordre public, aux bonnes mœurs et aux dispositions des lois en vigueur ». Les associations de droits de l’homme se voient systématiquement refuser le récépissé de dépôt de dossier sans motif et leurs activités sont en pratique interdites.

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