Algérie: l'ONU appelle les autorités à mettre fin au recours à la violence contre les manifestants

hirak

Le Haut-Commissariat des droits de l'homme des Nations Unies a exprimé sa profonde inquiétude concernant la détérioration de la situation des droits de l'homme en Algérie et la répression continue et croissante des membres du mouvement pacifique appelant à la démocratie et à la promotion des libertés. Alkarama a suivi avec une grande inquiétude la détérioration de la situation des droits de l'homme et l'escalade de la répression depuis le début du mouvement en Algérie, et a partagé l'inquiétude des familles face au retour des arrestations et des disparitions forcées. Rupert Colville,  porte-parole du Haut-Commissariat des droits de l'homme des Nations Unies, a déclaré à ce sujet dans un communiqué : " Les protestations algériennes, qui se poursuivaient sur Internet en raison de la pandémie de Covid-19, ont repris dans les rues ces dernières semaines". Il a ajouté que les autorités répondent à ces protestations de la même manière répressive que celle qu'en 2019 et 2020. Il a souligné que "le nombre  d'incidents à travers le pays, au cours desquels les forces de sécurité ont eu recours à une force inutile ou excessive et à des arrestations arbitraires pour réprimer des manifestants pacifiques est considérable." Selon des informations fiables, des centaines de personnes ont été arrêtées depuis la reprise des manifestations le 13 février. Le porte-parole a déclaré que ces agissements répètent ce qui s'est passé en 2019 et 2020, lorsqu'au moins 2 500 personnes ont été arrêtées et détenues pour leurs activités pacifiques. Il a ajouté que les poursuites pénales dont ont été témoins ces deux dernières années des militants, des défenseurs des droits de l'homme, des étudiants, des journalistes, des blogueurs et des citoyens ordinaires de l'opposition, se sont poursuivies au cours des deux premiers mois de cette année. M. Colville a indiqué que des journalistes ont été arrêtés pour avoir couvert les manifestations, et que 16 sites Internet de médias indépendants connus pour leurs reportages critiques ont également été bloqués. Il a ajouté que les dispositions du Code pénal algérien, formulées en termes vagues, sont utilisées pour restreindre la liberté d'expression et poursuivre les personnes exprimant des opinions dissidentes. Selon des informations crédibles, environ 1 000 personnes ont été poursuivies pour avoir participé au mouvement ou publié des messages critiques à l'égard du gouvernement sur les médias sociaux. 

Activité d'Alkarama
La violation du droit à la liberté d'expression en Algérie est restée l'une des principales préoccupations d’Alkarama. Des plaintes individuelles ont été soumises concernant les victimes aux procédures spéciales de l'ONU, et un exemple en est l'arrestation et la détention du militant politique Karim Tabou le 11 septembre 2019, pour qui  Alkarama a sollicité les mécanismes du Haut-Commissariat des droits de l'homme  demandant sa libération immédiate et l’assurance  de sa sécurité par l'Etat-major.
De la même façon que pour le militant Brahim Douadji, militant du mouvement de Mostaganem, arrêté arbitrairement par la police le 11 octobre 2019, et le militant Fadel Breica, d'origine Sahraoui et défenseur des droits de l'homme est toujours en détention alors que l'avis adopté par le Groupe de travail sur la détention arbitraire sur son cas, après qu'Alkarama ait déposée une plainte en sa faveur, confirme le caractère arbitraire de sa détention. Dans ce contexte également, Alkarama a soulevé, avec le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et le Secrétaire général des Nations Unies, le recours continu à la violence et aux arrestations arbitraires de manifestants pacifiques, étant donné que ces actes violent non seulement le droit international et algérien, mais incombent également à la responsabilité pénale individuelle de ceux qui en sont responsables et  ceux qui travaillent sous leur contrôle.
En avril 2019, Alkarama a écrit aux mécanismes des Nations unies pour la protection et la promotion des droits de l'homme, afin qu'ils interviennent de manière urgente pour protéger le droit de réunion pacifique des citoyens algériens impliqués dans le mouvement populaire. Alkarama a également demandé l'abolition des articles du code pénal algérien qui criminalisent la liberté d'expression et d'association afin de mettre un terme à ces pratiques. Suite aux modifications apportées au code pénal avec l'adoption de la loi n° 06-20 du 28 avril 2020, Alkarama a demandé à plusieurs experts indépendants de réaliser une étude conjointe sur la situation des libertés et droits fondamentaux en Algérie, qui continue de se détériorer depuis le début du mouvement populaire en février 2019 . Les violations des droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association sont devenues une politique systématique, car de nombreux opposants politiques, journalistes et autres militants pacifiques ont été jugés et condamnés à des peines de prison ou à des sanctions injustes pour des actions qualifiées d'"atteinte à la morale de l'armée" ou à "l'unité du territoire national" par les autorités judiciaires, sans que ces concepts soient du tout précisés.

Lors du dernier examen par le Comité des droits de l'homme en 2018, ce dernier avait déjà exprimé ses préoccupations concernant la violation par les autorités algériennes des libertés fondamentales, en particulier la liberté d'opinion et d'expression. À cet égard, les experts de l'ONU se sont dits préoccupés par le fait que les articles 144 et 144 bis du Code pénal "continuent de criminaliser ou d'imposer des amendes à des activités liées à l'exercice de la liberté d'opinion et d'expression, telles que la diffamation ou l'outrage à des fonctionnaires ou à des institutions publiques."
Selon certaines informations, au moins 23 personnes sont actuellement détenues pour avoir exercé légitimement leurs droits. Certaines risquent de longues peines de prison, tandis que d'autres sont toujours en détention provisoire. Le porte-parole du Haut-Commissariat des droits de l'homme des Nations unies, Rupert Colville, a déclaré que des allégations de torture et de mauvais traitements en détention, notamment de violences sexuelles avait également été reçues. Le Haut-Commissariat des droits de l'homme a appelé les autorités algériennes à cesser le recours à la violence contre les manifestants pacifiques, et à mettre fin aux arrestations et détentions arbitraires. Il a exhorté les autorités à libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes qui ont été arrêtées ou détenues arbitrairement en raison de leur  soutien au mouvement Hirak, et à abandonner toutes les charges retenues contre elles. Le porte-parole a également appelé les autorités algériennes à mener des enquêtes rapides, impartiales et efficaces sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, à demander des comptes aux responsables et à garantir une compensation aux victimes. Le Haut-Commissariat des droits de l'homme a  également exhorté les autorités à abroger les dispositions légales et les politiques qui sont utilisées pour poursuivre les personnes qui violent leurs droits à la liberté d'expression, d'opinion et de réunion pacifique.