Algérie : La privation de liberté d’Abderrahmane Zitout jugée arbitraire par les experts de l’ONU

Abderrahmane ZITOUT

Le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire a appelé les autorités algériennes à libérer immédiatement M. Abderrahmane Zitout, citoyen algérien arbitrairement détenu depuis son arrestation sur son lieu de travail le 30 mars 2022 par des agents des services de renseignements. 

Dans son Avis No.53/2023, rendu à la suite de la plainte déposée par Alkarama le 30 septembre 2022, le Groupe de travail a reconnu le caractère arbitraire de la privation de liberté de M. Zitout. Arrêté en représailles de son lien familial avec son frère en exil au Royaume Uni M.Zitout est le frère de M. Mohamed Larbi Zitout, ancien diplomate algérien exilé à Londres en 1995 où il a obtenu le statut de réfugié politique après avoir révélé et dénoncé les graves violations des droits humains commises par l’armée et la police algériennes  pendant la guerre civile. 

Il est depuis lors un opposant politique appelant à l’instauration d’un état de droit et d’une démocratie en Algérie avec la fin de la mainmise de l’armée sur l’État algérien. Mohamed Zitout a été récemment inscrit sur la liste des personnes classées officiellement comme « terroriste » du fait de son engagement au sein du Mouvement Rachad, mouvement politique pacifiste dont il est le cofondateur. Ce mouvement, sans aucune étiquette idéologique, appelle à l’instauration d’un État de droit et d’une démocratie en Algérie, conformément, à ses statuts et à sa Charte

Arrêté le 30 mars 2022 sous prétexte d’activités subversives, d’affiliation à un groupe terroriste ou encore de fausses publications, M. Zitout, a été conduit vers une destination inconnue où il a été détenu au secret sans contact avec le monde extérieur. Ce n’est que le 4 avril 2022 que sa famille a pu apprendre qu’il se trouvait à la prison d’El Harrach (banlieue d’Alger). 

Lors d’une première visite rendue par sa famille à la prison, il a rapporté́ avoir passé les 5 jours suivant son arrestation au commissariat central d’Alger où il a été longuement interrogé sur ses liens avec son frère et s’il partage ses convictions politiques et celles du « Hirak ». A aucun moment les agents ne l’ont interrogé sur les faits pour lesquels il a prétendument été arrêté. 

Le Groupe de travail conclut au caractère arbitraire de sa détention 

Dans son Avis No.53/2023, le Groupe de travail de l’ONU a noté que l’absence de notification des raisons de l’arrestation, le retard dans la traduction devant une autorité judiciaire, le délai excessif de la garde à vue, le maintien de la détention provisoire au détriment des mesures de substitution, la détention au secret et la disparition forcée de M. Zitout sont autant d’éléments conférant un caractère arbitraire à sa détention. 

Les experts indépendants de l’ONU ont indiqué qu’en « (…) affirmant dans sa réponse à la plainte que M. Zitout a été arrêté pour avoir publié des tracts considérés comme insultant les symboles de l’État, soutenant le mouvement politique Rachad et appelant à la rébellion des forces de l’ordre », l’État reconnaît en réalité qu’il a été poursuivi pour l’exercice de son droit à la liberté d’expression. 

Le Groupe de travail a également réitéré ses préoccupations quant au « caractère vague de la loi algérienne de lutte contre le terrorisme, sur la base de laquelle M. Zitout est détenu » rappelant que les « lois rédigées de manière vague et générale peuvent avoir un effet dissuasif sur l’exercice de droits protégés » en ce qu’elles « peuvent donner lieu à des abus, y compris la privation arbitraire de liberté ». 

Les experts ont relevé plusieurs violations du droit de M. Zitout à un procès équitable et sa condamnation en l’absence d’éléments de preuves matérielles. Enfin, comme souligné par Alkarama dans sa plainte, les experts de l’ONU ont noté que M. Zitout faisait l’objet d’une « culpabilité par association » puisque « détenu sur une base discriminatoire, notamment en raison de ses seuls liens familiaux et en mesure de représailles au militantisme et aux opinions politiques du membre de sa famille exilé. »