ALGERIE : LE CAS D’ABDERRAHMANE ZITOUT SOUMIS AU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA DETENTION ARBITRAIRE

عبد الرحمان زيتوت

Le 30 septembre 2022, Alkarama a soumis au Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire le cas d’Abderrahmane Zitout arrêté le 30 mars 2022 à 18 heures par une dizaine d’agents de la police en civil et armés alors qu’il était dans sa boutique de vente de vêtement situé au rez-de-chaussée de son domicile familial.

Arrestation de M. Aberrahmane Zitout

M. Abderrahmane ZITOUT est le frère de M. Mohamed Larbi ZITOUT. Ancien diplomate algérien, ce dernier s’est exilé à Londres en 1995 où il a obtenu le statut de réfugié politique après avoir révélé et dénoncé les graves violations des droits humains commises par les forces étatiques algériennes dans le cadre de la guerre civile (1993-2000).

Il est depuis lors un opposant politique en exil appelant à l’instauration d’un état de droit et d’une démocratie dans le pays avec la fin de la mainmise de l’armée sur l’État algérien. M. Mohamed Zitout a été récemment inscrit sur la liste des personnes classées comme « personne terroriste » du fait de son engagement au sein du Mouvement Rachad, mouvement politique pacifiste dont il est le cofondateur. Ce mouvement, sans aucune étiquette idéologique, appelle à l’instauration d’un État de droit et d’une démocratie en Algérie, conformément, à ses statuts et à sa Charte.

Le frère de cet activiste politique, M. Abderrahmane Zitout, a été arrêté le 30 mars 2022 à 18 heures par une dizaine d’agents armés dont certains étaient en uniforme et d’autres en civil et cagoulés alors qu’il était dans sa boutique de vente de vêtements situé au rez-de-chaussée de son domicile familial. La police qui a procédé à la perquisition de ses locaux et de son domicile l’a ensuite emmené vers une destination inconnue.

En dépit des recherches effectuées par sa famille, son lieu de détention n’a pas été dévoilé et M. Abderrahmane Zitout est resté détenu au secret jusqu’au 4 avril 2022, date à laquelle sa famille a appris qu’il se trouvait à la prison d’El Harrach (banlieue d’Alger).

Lors d’une première visite rendue par sa famille à la prison, M. Abderrahmane Zitout a rapporté avoir passé les 5 jours suivant son arrestation au commissariat central d’Alger où il a été longuement interrogé par des agents de la police judiciaire. Il a témoigné avoir été questionné sur ses liens avec son frère résidant à Londres, le type de relations qu’il entretient avec ce dernier et s’il partage ses convictions politiques. Il a également rapporté avoir été interrogé sur les évènements liés au mouvement de protestation généralisé du « Hirak» ainsi qu’au sujet de l’aide financière qui aurait été apportée par M. Mohamed Larbi Zitout et ses autres frères installés en Europe à leurs parents. A aucun moment les agents ne l’ont interrogé sur des « activités subversives », ou sur une prétendue « appartenance à un groupe terroriste » ou à propos de « publications de fausses nouvelles ».

Maintien en détention en dépit de l’absence de preuves

C’est donc avec beaucoup de surprise qu’il s’est vu reproché ces crimes et délits lorsqu’il a été présenté le 5 avril 2022 devant le procureur de la République du tribunal de Sidi-Mhamed (Alger).

Ces chefs d’accusation étaient fondés sur un prétendu témoignage de M. Mohamed Benhalima ; cet ancien militaire, devenu lanceur d’alerte, dénonçait sur les réseaux sociaux la corruption parmi les hauts responsables de l’armée algérienne à partir de l’Espagne où il s’était réfugié et où il avait présenté une demande d’asile en 2019.

Dans des circonstances troublantes, alors que l’Algérie et l’Espagne négociaient un accord de livraison de gaz, les demandes d’asile de M. Mohamed Benhalima ont été rejetées sans possibilité de recours en violation de l’obligation de non-refoulement. Le ministère de l’intérieur espagnol s’étant alors contenté d’alléguer sans preuves que M. Benhalima avait participé́ à « des activités contraires à la sécurité́ publique ou susceptibles de nuire aux relations espagnoles avec des États étrangers ».

Livré à l’Algérie par un vol spécial d’Iberia affrété par les autorités espagnoles, M. Benhalima a par la suite rapporté à ses avocats avoir subi de graves actes de tortures infligées en vue de le forcer à faire des déclarations sur la télévision publique diffusées à une heure de grande écoute, lesquelles ont été utilisées entre autres pour « justifier » l’arrestation de M. Abderrahmane Zitout.

En dépit de l’absence totale d’éléments matériels dans son dossier, à l’exclusion des déclarations forcées de M. Benhalima, le juge d’instruction a ordonné son placement en détention. Le 7 avril 2022, ses avocats ont formé un appel à l’encontre de l’ordonnance du juge d’instruction devant la chambre d’accusation. Cependant, le 20 avril 2022, cette juridiction, sous tutelle de fait du pouvoir exécutif, a confirmé l’ordonnance de placement en détention de M. Abderrahmane Zitout au prétexte que les « que les faits pour lesquels l’es accusé est poursuivi sont très graves ».

Afin de contester le caractère arbitraire de sa détention, M. Abderrahmane Zitout a entamé une grève de la faim du 14 août au 1er septembre 2022. Pendant cette période il a été placé à l’isolement dans une petite cellule privé de la lumière du jour. Suite à la dégradation de son état de santé, il a été évacué en urgence à l’hôpital jusqu’au 11 septembre 2022.

M. Abderrahmne Zitout, victime de détention arbitraire

Mandaté par sa famille, Alkarama a soumis son cas au Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire en indiquant que M. Abderrahmane Zitout avait été arrêté pour la seule raison qu’il était le frère d’un opposant politique en exil à Londres.

L’activisme politique pacifique de M. Mohamed Zitout, ainsi que son engagement au sein du Mouvement Rachad, ont conduit les autorités algériennes à l’inscrire sur la liste des personnes classées comme « terroristes ». Bien qu’il s’agisse d’un mouvement sans aucune étiquette idéologique qui prône dans sa Charte et ses statuts le changement politique par la non-violence, il est qualifié par les autorités algériennes de « mouvement islamiste » et de « mouvement terroriste » dans le but évident de susciter son rejet en occident et justifier l’usage du discours contre-terroriste habituel pour discréditer ses membres.

Dans une communication conjointe en date du 27 décembre 2021, plusieurs experts de l’ONU avaient déjà exprimé leurs préoccupations relatives à la loi antiterroriste algérienne. Cette même loi est en effet vivement critiquée par les experts de l’ONU en ce qu’elle manque de clarté quant à la définition du terrorisme qu’elle contient et qui étend son champ d’application pour incriminer des actes relatifs à la liberté d'opinion, d'expression et de réunion pacifique.

Alkarama a souligné que la cause réelle de l’arrestation et de la détention de M. Abderrahmane Zitout constitue des représailles exercées contre son frère en raison de son activisme politique et médiatique et de l'utilisation par celui-ci de ses droits garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Alkarama a par conséquent appelé le Groupe travail à reconnaître le caractère arbitraire de la privation de liberté de M. Abderrahmane Zitout et d’enjoindre à l’Algérie à le libérer immédiatement et à s’abstenir à l’avenir de tout acte de représailles à l’égard des proches des dissidents politiques établis à l’étranger.