Mauritanie : L’examen de la Commission Nationale des Droits de l’Homme reporté à l’automne 2017

CNDH

En février 2017, le Sous-Comité d'accréditation (SCA) de l’Alliance Globale des Institutions Nationales des Droits de l'Homme a publié ses premières conclusions suite à sa session de novembre 2016, au cours de laquelle la Commission Nationale des Droits de l'Homme mauritanienne (CNDH) a été examinée, et décidé de renvoyer l’examen de la CNDH à sa seconde session de 2017. Evaluant la conformité de la CNDH avec les Principes de Paris – qui garantissent l’indépendance et l’efficacité des Institutions Nationales des Droits de l'Homme (INDH) –, le SCA a exprimé de nombreuses préoccupations, notamment le manque de transparence dans la sélection de ses membres et le manque d’indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. En juillet 2016, Alkarama et plusieurs ONGs locales avaient soumis un rapport au SCA faisant état du sérieux manque de conformité de la CNDH avec les Principes de Paris, et souligné le fait que la CNDH ne jouait pas le rôle attendu d’une institution dotée d’un statut A, dont elle jouit depuis 2011. 

Sur l’indépendance de la Commission : sélection, désignation de ses membres et représentation politique au sein de la CNDH

Dans son rapport, le SCA a souligné que le processus de sélection et de désignation de ses membres n’était pas suffisamment transparent et ouvert et n’était donc pas basé sur le mérite et l’expertise. Le SCA a ainsi encouragé la CNDH à mettre en œuvre un processus de sélection équitable et participatif à même d’assurer le pluralisme de sa composition. D'après de nombreux activistes des droits de l'homme consultés par Alkarama, les ONGs les plus actives et les plus critiques envers les autorités sont en effet régulièrement écartées du processus de désignation, sans aucune justification. Cette exclusion avait notamment poussé de nombreuses ONGs à dénoncer dans un appel public d’avril 2016 le caractère exclusif et unilatéral du processus de nomination.

Le SCA a ainsi rappelé qu’en vertu des Principes de Paris, l’INDH devait être indépendante du gouvernement dans sa composition, ses prises de décisions et son mode de fonctionnement, ce qui n’est toujours pas le cas à ce jour en Mauritanie. Alkarama avait d’ailleurs souligné que malgré les réformes entreprises en 2012, la CNDH manquait d’indépendance vis-à-vis de l'exécutif, puisque la CNDH était tenue de rendre des comptes quant à ses activités, directement et exclusivement, à l'exécutif.          

Manque de coopération avec la société civile

Suite aux allégations de la société civile transmises par Alkarama au SCA selon lesquelles la CNDH ne coopère pas avec certaines organisations, notamment les plus critiques envers le gouvernement, le SCA a encouragé la CNDH à fournir des renseignements supplémentaires sur le sujet. Il a en outre rappelé l’importance d’une ample coopération avec un large éventail d’organisations de la société civile afin de permettre à l’INDH d’être plus efficace dans l’exécution de son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme.

Pour rappel, le manque d’indépendance de la CNDH vis-à-vis de l'exécutif avait entraîné une défiance de la part de nombreuses ONGs, notamment celles travaillant sur des sujets considérés comme sensibles tels que l'esclavage, la torture ou encore la détention arbitraire. La Commission n'a en effet jamais dénoncé ces pratiques persistantes et s’est contentée, au contraire, à adopter à plusieurs reprises la position gouvernementale félicitant les autorités de l’absence de recours à la torture par exemple, alors que de nombreux cas avaient été documentés par la société civile.

Non dénonciation des cas de violations des droits de l’homme

Dans son rapport, Alkarama s’était inquiétée d’une déclaration de la CNDH sur son site internet datée du 7 janvier 2014, favorable à l’exécution de Mohamed Cheikh Ould Mohamed, un ingénieur de 28 ans condamné à mort pour apostasie. Alkarama avait considéré qu’une telle prise de position portait atteinte à la crédibilité de la CNDH en tant qu’organe indépendant, et rappelé qu’il ne relevait pas de son rôle de plaider à charge contre un justiciable avant même la tenue de son procès, particulièrement lorsque ce justiciable est poursuivi de manière arbitraire et risque la peine de mort. Le SCA a souligné l’absence de rétractation officielle ou de déclaration publique de la CNDH affirmant l’incompatibilité de l’application de la peine de mort pour un crime de cette nature avec les normes internationales des droits de l’homme.

Notre rapport conjoint avait de même souligné qu’en octobre 2016, la CNDH avait également failli à son rôle en ne condamnant pas l’arrestation d’activistes anti esclavagistes alors qu’un groupe de sept experts des droits de l’homme des Nations Unies avait publié un communiqué de presse afin d’exprimer leur « grave préoccupation » quant à leur situation. Ils avaient été « emprisonnés en raison de leur rôle présumé dans une manifestation contre les expulsions forcées à Nouakchott » et « ciblés par le gouvernement pour leur plaidoyer anti-esclavagiste ». 

Le SCA a ainsi rappelé que « les INDH sont censées promouvoir et assurer le respect de tous les droits humains, ainsi que les principes démocratiques et le renforcement de l’Etat de Droit en toutes circonstances et ce, sans aucune exception ».

Quelle suite ?

Le Sous-Comité d’Accréditation de l’Alliance Globale des Institutions Nationales des Droits de l'Homme ayant décidé le renvoi de l’examen de la Commission Nationale des Droits de l'Homme mauritanienne, la décision finale sur le maintien de son statut A ou de sa rétrogradation au statut B sera publiée à l’issue de sa seconde session de 2017.

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