Maroc : Mme Doha Aboutabit victime de sévices à la prison de Salé

Mme Doha Aboutabit, arrêtée le 3 décembre 2009, est détenue à la prison de  Salé. Lors du mouvement de révolte du 16 mai 2011 dans la prison, les forces de sécurité ont fait usage d'armes à feu blessant de nombreux prisonniers. Bien qu'épargné par ces événements, le quartier des femmes a pourtant été investi par les agents. Mme Aboutabit a subi de tels sévices qu'il est à craindre qu'elle n'ait des membres fracturés. L'administration de la prison refuse de la faire examiner.

Alkarama a saisi en urgence le 19 mai 2011 le Rapporteur spécial sur la torture lui demandant d'enjoindre aux autorités marocaines de cesser les persécutions dont Mme Doha ABOUTABIT est victime et d’ouvrir une enquête exhaustive et impartiale sur les mauvais traitements qu'elle a subis.

Mme ABOUTABIT, âgée de 26 ans, médecin, est de nationalité marocaine et française. De retour au Maroc, en avril 2009, après ses études de médecine, elle a été nommée en juillet 2009 Chef de service à l’hôpital Aït-Qamra dans la région d’Al-Hoceima au nord du pays.

Elle est accusée d’avoir « financé le terrorisme » pour avoir, plusieurs années auparavant, été sollicitée par son frère pour lui envoyer une modique somme d’argent sans savoir quel usage il en ferait. Celui-ci se serait par la suite rendu en Irak où, selon les autorités, il aurait trouvé la mort en 2008.

Elle a subi d'énormes pressions psychologiques et des violences pour qu'elle avoue ce qui lui était reproché. Elle n’a cessé d’exprimer ses protestations par plusieurs grèves de la faim contre le caractère inéquitable de son procès, à l'issue duquel elle a été condamnée à quatre ans de prison, et ses très mauvaises conditions de détention. Alkarama avait saisi par le passé le Rapporteur spécial sur la torture.

Lundi 16 mai 2011, la prison de Salé a connu un vaste mouvement de révolte des détenus politiques, essentiellement les personnes condamnées à la suite des attentats de Casablanca en mai 2003 à la suite de procès expéditifs et inéquitables.

Les services de sécurité intervenus au cours de ces événements ont d’abord fait usage de gaz lacrymogènes contre les détenus rassemblés sur les toits avant de tirer, selon des sources proches des détenus, à balles réelles contre certains d’entre eux faisant un nombre indéterminé de blessés dont certains gravement atteints.

Le quartier de la prison réservé aux femmes, épargné par ce mouvement de protestation, a néanmoins été investi par les forces spéciales d’intervention.  Mme Doha ABOUTABIT a été saisie par plusieurs agents des forces spéciales qui l’ont jetée à terre et violemment battue sous les yeux des gardiens et des autorités de la prison.

Visitée par son père le mercredi 17 mai, celle-ci portait des traces visibles de coups sur son visage et s’est plainte de nombreuses autres blessures et hématomes sur le corps. Elle se trouvait dans l’impossibilité totale de remuer ses membres supérieurs laissant craindre qu’elle souffre de fractures. L’administration de la prison n’a pas cru utile de lui faire subir un examen médical.

La Résolution 64/168 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée le 18 décembre 2009 rappelle explicitement que les Etats doivent veiller à ce qu’aucune forme de privation de liberté ne soustraie la personne détenue à la protection de la loi et à respecter les garanties relatives à la liberté, à la sûreté  et à la dignité de la personne conformément au droit international.