Le 26 juin 2022, à l'occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, Alkarama, plusieurs ONG œuvrant pour la protection des droits de l’homme et l’association du Barreau de Tripoli ont appelé, à travers une déclaration conjointe, les autorités libanaises à se conformer à leurs obligations découlant de la Convention contre la torture et son protocole optionnel ratifié par le Liban.
Dans cette déclaration, l’accent a été mis sur les lacunes de la législation libanaise et les manquements de l’État partie pour y apporter les correctifs nécessaires. Les autorités libanaises ont été exhortées « à protéger efficacement toute personne se trouvant sur son territoire, y compris les personnes en détention, contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants » et à « enquêter sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements » en condamnant les auteurs de ces actes s’ils sont reconnus coupables. A noter que les plaintes sont rarement portées devant les tribunaux, la plupart des affaires étant classées sans qu'une enquête efficace n’ait été menée.
Bien qu’il existe des textes législatifs interdisant la torture, la pratique reste répandue à travers le pays. Cette législation reste en effet insuffisante en ce qu’elle ne répond pas aux exigences requises en matière d’interdiction de la torture au sens de la Convention. Elle prévoit, en effet, un délai de prescription de 3 à 10 ans pour les poursuites en matière de torture en violation des normes internationales qui disposent qu'il ne devrait pas y avoir de délai de prescription pour la torture. Les peines prévues dans le cadre de la loi ne reflètent pas non plus de manière adéquate la gravité du crime de torture.
L’absence de procédures efficaces de lutte contre la torture a également été soulignée par les associations qui ont rappelé que « le mécanisme national de prévention, chargé de surveiller l'application de la loi anti-torture et qui est habilité à effectuer des visites régulières et inopinées dans tous les lieux de détention, n'a pas encore reçu de budget pour pouvoir commencer ses travaux. »
Par ailleurs, des exemples concrets de violations ont été mentionnés. Plusieurs ONG locales libanaises de défense des droits de l'homme ont documenté « des manquements répétés des forces de sécurité et du système judiciaire dans l'application de la loi anti-torture et des dispositions du Code de procédure pénale visant à protéger les droits des détenus ». Les autorités judiciaires libanaises ont, par exemple, manqué à leur devoir d’enquêter de « manière adéquate sur les graves allégations de torture formulées par Hassan al-Dika avant sa mort en détention le 11 mai 2019 » et « sur les allégations crédibles de torture et de disparition forcée que l'acteur Ziad Itani - accusé mais ensuite disculpé d'espionnage pour Israël - a formulées contre des agents de la Sûreté de l'État. »
Certains avocats ont également fait l’objet de représailles pour avoir dénoncé les actes de torture. Parmi eux se trouve notamment, Me Mohamed Sablouh, avocat inscrit au barreau de Tripoli qui représente des victimes de torture et de détention arbitraire. Me Sablouh a été menacé et harcelé à la fois par la Direction générale de la sécurité et par le parquet militaire en raison de son travail. Le 28 septembre 2021, après qu'il ait déposé une plainte au nom d'un client concernant des actes de torture et d'autres mauvais traitements au titre de la loi anti-torture, le parquet militaire a demandé au barreau de Tripoli de lever son immunité d'avocat afin de pouvoir le poursuivre sous l’accusation de diffusion de fausses informations. Le barreau de Tripoli a rejeté cette demande.
Si la législation dans le cadre de la lutte contre la torture a été renforcé en théorie, les efforts en la matière restent très insuffisants dans la pratique tel que l’a affirmé le sous-comité des Nations unies pour la prévention de la torture qui s'est dit préoccupé par le peu de progrès réalisés en matière de prévention de la torture à l'issue de sa deuxième visite au Liban en mai 2022.
A l’occasion de la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, les associations signataires ont recommandé à l’État partie de respecter ses engagements internationaux découlant de la Convention contre la torture en réformant sa législation afin de la mettre en conformité avec cette dernière et de mener des enquêtes promptes et impartiales sur toute allégation de torture.
L’État partie a également été appelé à soumettre son deuxième rapport périodique au Comité des Nations unies contre la torture, en retard depuis mai 2021, et de reconnaître la compétence du Comité des Nations unies contre la torture pour recevoir et examiner les plaintes individuelles des victimes, comme le prévoit l'article 22 de la Convention des Nations unies contre la torture.