
Les autorités koweïtiennes ont récemment adopté une décision imposant aux citoyens de se soumettre à la fois à une identification génétique et biométrique afin de vérifier leur droit à la nationalité. Cette mesure a suscité de vives critiques en raison de son atteinte au droit à la vie privée. L’instauration de l’enregistrement biométrique obligatoire, en vigueur depuis mars 2024, a soulevé de sérieuses inquiétudes concernant la protection de la vie privée des citoyens koweïtiens. Présentée comme une nécessité de sécurité nationale, cette politique implique la collecte obligatoire de données biométriques sensibles.
Cependant, elle s’accompagne de mesures punitives portant atteinte aux droits fondamentaux, telles que le gel des comptes bancaires, la privation d’accès aux services publics, ou encore le refus de soins de santé pour les personnes refusant de s’y soumettre. Les citoyens protestataires, qui appellent le ministère de l’Intérieur à garantir que les données collectées ne seront pas utilisées de manière abusive, ne disposent d’aucun recours juridique pour contester cette obligation.
Alkarama a soulevé cette question — parmi d'autres — dans son rapport soumis au Conseil des droits de l'homme dans le cadre de l’Examen Périodique Universel du Koweït, prévu lors de la 49e session, du 28 avril au 9 mai 2025 à Genève.
Le cas d'Al-Muwaizri
Début octobre 2024, les autorités koweïtiennes ont refusé l’entrée sur le territoire à l’ancien député et président de la commission parlementaire des finances, Shuaïb Al-Muwaizri, en raison de son refus de se soumettre à l’identification biométrique. Al-Muwaizri, critique reconnu de la corruption gouvernementale, a ainsi été empêché de rentrer dans son pays, ce qui constitue une violation de son droit à la liberté de circulation — en particulier le droit de quitter son pays et d’y revenir sans restrictions, tel qu’énoncé à l’article 13, paragraphe 2, de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Le ministère de l’Intérieur a reconnu l’incident, mais a déclaré dans un communiqué que « le citoyen a quitté [le pays] de son plein gré sans se conformer aux procédures gouvernementales officielles, qui incluent l’accomplissement de l’enregistrement biométrique approuvé lors de l’entrée dans le pays ». Les autorités ne se sont pas arrêtées là : elles ont convoqué des citoyens ayant exprimé leur solidarité avec Al-Muwaizri, poursuivant ainsi la politique de répression amorcée depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en mai 2024.
Auparavant, le 5 octobre 2017, la Cour constitutionnelle du Koweït avait annulé la loi n° 78/2015 — qui imposait la collecte de données génétiques — au motif que certaines de ses dispositions étaient incompatibles avec les droits à la vie privée et à la liberté individuelle garantis par les articles 30 et 31 de la Constitution koweïtienne. Néanmoins, les autorités ont récemment rétabli cette pratique par le biais de la décision ministérielle n° 678 de 2025, intitulée « Principes et règles d’utilisation des méthodes scientifiques modernes dans l’octroi, le retrait, la perte ou la déchéance de la nationalité koweïtienne ».
Cette décision, publiée dans le journal officiel Koweït Al-Youm, énonce les méthodes scientifiques pouvant être utilisées dans ce cadre — y compris l’analyse de l’empreinte génétique, les données biométriques, ainsi que toute autre méthode scientifique moderne existante ou à découvrir à l’avenir.