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Ayesh Al Harby

Le 16 octobre 2024, Alkarama a adressé un appel urgent au Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires concernant le risque d’extradition qu’encourt le citoyen saoudien Ayesh Al Harby actuellement en détention en Irak. 

Le 10 octobre 2024, Al Harby a été déféré devant le tribunal d'Al Rusafa qui l’a informé de son extradition imminente vers l'Arabie saoudite, où il risque d'être exécuté au mieux torturé. 

Alkarama a donc contacté en urgence le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires afin que l’Irak soit exhorté à s’abstenir de l’extrader. 

Arrestation et condamnation à la prison 

Al Harby était l'un des responsables du détournement non violent d'un avion de la Saudi Airways de Jeddah à Bagdad en septembre 2000, aux côtés de Faisal Naji Hamoud Al Bilawi, pour protester contre la situation désastreuse des droits de l'homme en Arabie Saoudite. 

Après leur arrivée à Bagdad, ils ont tous deux été arrêtés et brièvement détenus. Après une enquête des services de sécurité, qui a démontré leur réticence à commettre des actes de violence, ils ont été libérés et ont obtenu l'asile politique en Irak. La demande d'extradition des autorités saoudiennes avait alors été rejetée. 

Après l'invasion américaine et la chute de Saddam Hussein en 2003, l'associé d’Al Harby, Al Bilawi, a été enlevé dans des circonstances troubles et remis à l’Arabie saoudite où il a disparu, à ce jour sa famille n’ayant plus jamais obtenu de ses nouvelles et craint qu’il n’ait été exécuté. 

Le 17 juillet 2005, Al Harby a été arrêté de nouveau par les forces armées américaines à Bagdad et interrogé sous la torture au sujet du déroutement du vol des lignes saoudiennes. Il a été détenu pendant trois ans, sans inculpation ni jugement avant d’être libéré le 27 septembre 2008. 

Le 18 Décembre 2009, il a de nouveau été arrêté par les services de sécurité relevant du ministère irakien de l'Intérieur. De nouveau interrogé sur le déroutement du vol, il a subi de graves tortures. Il a ensuite été jugé par le tribunal d'Al Rusafa à Bagdad et condamné à 15 ans d'emprisonnement à l'issue d'un procès manifestement inique. 

Alkarama s’adresse au Rapporteur spécial sur la torture 

Détenu dans des conditions inhumaines et en violation de ses droits fondamentaux, Al Harby a mandaté Alkarama afin que son cas soit porté à la connaissance des experts indépendants des Nations Unies. 

Dans une communication en date du 20 novembre 2013, le cas d’Al Harby a été soumis par Alkarama au Rapporteur spécial sur la torture et au Groupe de travail sur la détention arbitraire. 

Le 25 novembre 2013, les deux procédures spéciales ont envoyé une lettre d'allégation au gouvernement irakien pour demander des informations détaillées sur la situation de la victime, en vain. 

Les autorités irakiennes, qui n'ont pas répondu à la lettre d'allégation, se sont toutefois abstenues de l'extrader en 2013 et l'ont informé qu'il ne serait extradé qu’après avoir purgé sa peine. 

Risque d’extradition imminente vers l'Arabie saoudite 

Le 31 mars 2022, Al Harby a donc été déféré devant le tribunal d'Al Rusafa qui a fait droit, à la suite d’une procédure expéditive à la demande d’extradition de l’Arabie saoudite. 

Saisi en appel dans le cadre d'un recours au cours duquel Al Harby a reçu l'appui du HCR, qui est intervenu en constituant une équipe d’avocat, la Cour Suprême irakienne, plus haute juridiction de l’État, a annulé le 16 juin 2022 la décision d’extradition le rejeté la demande de l’Arabie saoudite. 

Cependant et malgré cette décision dotée de l'autorité de la chose jugée, Al Harby a eu la surprise d'être à nouveau déféré devant le tribunal d'Al Rusafa le 10 octobre 2024. 

À l'issue d'une procédure expéditive, au cours de laquelle le juge en charge de l’affaire a rejeté les demandes de report de l’audience et de permettre à Al Harby de désigner un avocat de son choix, il a été décidé qu’il serait extradé vers l'Arabie saoudite. 

Alkarama appelle l’Irak à s’abstenir de procéder à l’extradition 

Dans son appel urgent, Alkarama a exprimé ses préoccupations au regard de cette dernière décision du tribunal de Rusafa relevant que celle-ci viole les principes ne bis in idem, selon lequel une personne ne peut être jugé deux fois à raison des mêmes faits, et l'autorité de la chose jugée. 

Alkarama a rappelé qu’Al Harby avait déjà fait l’objet d’une procédure d’extradition qui s’était conclue par une décision définitive de la plus haute juridiction du pays. 

Alkarama a également rappelé que s’il était illégalement extradé en Arabie Saoudite il risquerait de connaitre le même sort que son coaccusé, Faisal Naji Hamoud Al Bilawi. Une éventuelle extradition l’exposerait à la peine de mort en dépit de toutes les assurances diplomatiques que pourrait donner l’ambassade d’Arabie Saoudite à Baghdad et, dans le meilleur des cas, à de graves tortures et à un procès inéquitables devant une juridiction  totalement contrôlée par le ministère de l’intérieur. 

Pour toutes ces raisons, Alkarama a appelé en urgence le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires à intervenir afin d’exhorter les autorités irakiennes à s’abstenir de renvoyer Al Harby vers l’Arabie Saoudite rappelant que ce renvoi constituerait une violation grave de l’article 3 de la Convention contre la torture à laquelle l’Irak est partie. 

Le cas d’Al Harby porté à la connaissance du Comité contre la torture 

Alkarama suit de près le cas d’Ayesh Al Harby depuis de longues années. 

Dernièrement, son cas particulier avait été mentionné dans sa note additionnelle soumise au Comité des Nations Unies contre la torture dans le cadre du 2ème examen de l’Irak. 

Alkarama avait alors exprimé ses préoccupations quant aux violations de l’article 3 de la Convention contre la torture et du principe de non refoulement en informant le Comité du renvoi de nombreuses personnes vers des pays de la région en dépit du risque sérieux de torture. 

L’article 3 de la Convention dispose qu’« Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. »