Le Comité contre la torture de l’ONU a formulé plusieurs recommandations en vue de l’amélioration de la situation des droits de l’homme en Irak à l’issue de son 2ème examen lors de la 73ème session qui s’est tenue à Genève entre le 19 avril 2022 et le 13 mai 2022.
Composé d’experts indépendants, le Comité contre la torture surveille la mise en œuvre de la Convention contre la torture ratifiée par l’Irak en 2011 par le biais d’examens périodiques.
Dans ce contexte, Alkarama avait soumis son rapport alternatif et avait attiré l’attention du Comité sur la gravité de la situation des droits de l'homme dans le pays, exprimé ses principales préoccupations et formulé des recommandations.
Définition et criminalisation de la torture
Dans son rapport, Alkarama avait tout d’abord attiré l’attention des experts sur les divergences entre la définition de la torture contenue dans la Convention et celle consacrée par le droit interne indiquant que celles-ci créent un terrain propice à l’impunité. C’est également ce qu’ont relevé les experts du Comité qui ont appelé l’Irak à accélérer « l'adoption du projet de loi anti-torture, en veillant à ce qu'il couvre tous les éléments contenus dans l'article 1 de la Convention ». Par la même occasion, le Comité a rappelé que l’interdiction de la torture revêt un caractère absolu et indérogeable et que tout individu coupable de torture doit être sanctionné eu égard à la gravité de son acte.
Les garanties procédurales en détention
Les experts ont par ailleurs noté que les garanties procédurales visant à prévenir les mauvais traitements et la torture en détention, bien qu’elles soient consacrées dans le droit irakien, ne sont pas, comme soulevées par Alkarama, respectées dans la pratique. L’État partie a ainsi été appelé à « veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté bénéficient, dans la pratique de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention » dont entre autres l’accès à un avocat et à un examen médical indépendant, le droit d’informer leurs proches de leur détention ou encore le droit d’être présenté devant une autorité judiciaire indépendante dans des délais raisonnables.
Les aveux extorqués sous la torture
Alkarama avait également averti les experts que les aveux extorqués sous la contrainte et la torture sont toujours admis comme preuves par les tribunaux irakiens et que les allégations de torture des accusés ne sont, dans la pratique, jamais prises en compte par les juges. Préoccupés par la recevabilité de ces aveux, les experts ont donc demandé à recevoir des informations concrètes « sur les cas dans lesquels des aveux ont été jugés inadmissibles au motif qu'ils avaient été obtenus par la torture ou les mauvais traitements ».
Lieux non officiels de détention
Dans son rapport au Comité, Alkarama avait également fait état de l’existence de lieux de détention non officiels indiquant avoir reçu de nombreux témoignages des familles de victimes de détention illégales et au secret dans des lieux de détention gardées au secret par les autorités. Le Comité a appelé l'État partie à « veiller, à titre prioritaire, à ce que la législation nationale soit effectivement appliquée dans tout le pays et de fermer immédiatement tous les lieux de détention non officiels. ».
Utilisation excessive de la force et de la répression
Les experts qui ont accordé une attention particulière aux manifestations antigouvernementales de 2019, évoquées par Alkarama dans son rapport, ont recommandé à l’État partie de s’abstenir de recourir à la force lors de manifestations pacifiques et de veiller à ce que des enquêtes rapides, impartiales et efficaces soient entreprises contre les auteurs de violences.
Le principe de non refoulement
Enfin, dans sa note additionnelle soumise au Comité, Alkarama avait exprimé ses préoccupations quant aux violations de l’article 3 de la Convention et du principe de non refoulement. Le Comité avait été informé du renvoi de nombreuses personnes vers des pays de la région où il existe un risque sérieux de torture.
Dans sa note, Alkarama avait mentionné le cas particulier de Ayesh AL HARBY, citoyen saoudien, actuellement détenu à la prison d'Al Rusafa à Bagdad où il risque d'être extradé vers l'Arabie Saoudite.
Al Harby, a été arrêté par l'armée américaine en 2005 et a été détenu pendant plusieurs années. Après sa libération, il a été de nouveau arrêté par les autorités irakiennes avant d’être condamné à 15 ans de prison. Al Harby ainsi qu'un second citoyen saoudien, Faisal Al Bilawi, bénéficiaient d’un statut de réfugié politique en Irak dans les années 2000.
Al Bilawi a été remis aux autorités saoudiennes dans des circonstances peu claires et aurait été exécuté selon sa famille qui n'a plus de nouvelles de lui depuis 2005. Quant à Al Harby, il a récemment été informé par l'administration pénitentiaire qu'il serait bientôt extradé.
Le Comité qui s’est dit « préoccupé par les informations reçues selon lesquelles plusieurs individus ont été renvoyés vers des pays voisins, en violation du principe de non-refoulement » et sans que les garanties procédurales ne soient pleinement respectées a ainsi appelé l’État partie à s’abstenir d’ « expulser, renvoyer ou extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture ».
Le gouvernement irakien est tenu de mettre en œuvre les recommandations formulées dans le délai qui lui a été accordé par le Comité. Alkarama veillera au suivi effectif de ces recommandations et attachera une attention particulière à la manière dont le gouvernement mettra en œuvre ces recommandations sur le terrain.