Egypte: Le Conseil des droits de l'homme fait l’impasse sur les violations les plus graves
Alkarama avait pour sa part présenté un rapport dans le cadre de l'Examen périodique universel dans lequel elle exprimait de nombreuses préoccupations tant sur le plan législatif que des pratiques illégales en particulier du Service de renseignements de la sûreté de l'État. Un des problèmes abordés est celui de l'état d'urgence en vigueur depuis 1981. Dans la lignée de ses engagements précédents jamais tenus à ce jour, l'Egypte a déclaré vouloir le lever une fois la nouvelle loi antiterroriste promulguée.
De l’avis de tous les observateurs et des ONG de défense des droits de l’homme, cette nouvelle loi ne servira qu'à «légaliser l'exception » en restreignant encore plus la liberté d'expression et d'association ainsi que les libertés syndicales. Le parlement a d’ailleurs déjà voté le 19 mars 2007, en l'absence de l'opposition, des modifications de 34 articles de la Constitution, intégrant des dispositions de l'état d'urgence qui favorisent de graves violations des droits de l'homme, particulièrement l'arrestation, la détention arbitraires et la torture.
La loi relative à l'état d'urgence permet au président de la République de renvoyer devant un tribunal d'exception toute personne sous l’accusation d’activités criminelles ou de terrorisme, même celles acquittées par des tribunaux civils. Il peut aussi désigner les membres de ce tribunal d'exception en y nommant des juges militaires. Les procès qui s'y déroulent se caractérisent par leur iniquité. La juridiction militaire n'est pas indépendante, le droit à la défense n'est pas garanti et les jugements qu’elle rend sont définitifs, non susceptibles de recours et ne peuvent être réexaminés que par le Président de la république.
L'article 3 de la loi relative à l'état d'urgence permet au ministre de l'Intérieur d'ordonner une détention administrative, détention prolongée, sans inculpation ni jugement, pour toute personne soupçonnée de « menacer l'ordre public ou la sécurité nationale ». Légitimée comme instrument dans la lutte contre le terrorisme, cette loi est de plus en plus appliquée pour réprimer les mouvements sociaux. Plusieurs milliers de personnes sont encore aujourd’hui détenues sur simple décision du ministre de l'Intérieur. Il s'agit très souvent de personnes contre lesquelles aucune charge n'a été retenue ou acquittées par les juridictions civiles ; elles sont placées en détention administrative pendant des années sans possibilité réelle de recours, le ministre de l’intérieur disposant d’un droit de véto contre toute décision judiciaire de libération.
Quelques délégations ont recommandé lors de l'Examen périodique universel que « les personnes placées en détention administrative sans qu’aucune charge n’ait été retenue contre elles doivent faire l’objet d’un procès équitable ou être libérées immédiatement » (recommandation 83).
Les autorités égyptiennes ont accepté cette recommandation et il faut espérer qu'elle sera rapidement suivie de libérations de toutes les personnes détenues arbitrairement.
L'Egypte s'est engagée à réviser la définition de la torture et à l'adapter à celle de la Convention contre la torture. Elle s'est engagée à renforcer la lutte contre la torture et à « mener dans les plus brefs délais des enquêtes efficaces et indépendantes sur les allégations de torture en vue de poursuivre les auteurs de ces infractions » (recommandation 39). De même qu'elle prévoit d' « instaurer un contrôle indépendant des conditions de détention et des prisons associé à une procédure efficace de plainte pour les victimes de torture » (recommandation 92). A propos de la demande d'autorisation de visite du Rapporteur spécial contre la torture, les autorités égyptiennes éludent le sujet prétendant vouloir attendre la désignation du prochain Rapporteur. Rappelons que la première demande date de 1996.
Alors que les autorités égyptiennes promettent de prendre toutes les mesures nécessaires afin de respecter les libertés fondamentales des citoyens, Alkarama est quotidiennement alertée à propos de nombreux cas de violations des droits de l’homme et en particulier de la répression dont sont victimes de nombreuses personnes voulant exprimer pacifiquement leurs positions politiques.
Comme nous le rapportons régulièrement aux procédures spéciales de l'ONU, de nombreux rassemblements et sit-in pacifiques sont violemment réprimés par les forces de sécurité, des journalistes et blogueurs sont poursuivis, des militants politiques arrêtés et incarcérés. De simples citoyens sont arbitrairement arrêtés, torturés, tués ou placés en détention administrative sans que les pouvoirs publics ne prennent de dispositions sérieuses pour remédier à cette situation d'impunité généralisée.