
Alkarama condamne avec la plus grande fermeté les verdicts injustes et à caractère politique prononcés le 19 avril 2025 par le tribunal de première instance de la capitale tunisienne, Tunis, à l’encontre de plus de trente figures de proue de l’opposition, à l’issue de procès ne respectant en rien les normes élémentaires de justice et de procédure équitable. Parmi les condamnés figure Noureddine Bhiri, haut responsable d’Ennahda et ancien ministre de la Justice, qui a été condamné à 43 ans de prison dans le cadre de la soi-disant affaire de « complot contre la sûreté de l’État ».
Selon Me Rachid Mesli, directeur juridique d’Alkarama, « ces condamnations s’apparentent à un véritable massacre judiciaire perpétré par les autorités tunisiennes sous la présidence de Kaïs Saïed, qui concentre tous les pouvoirs entre ses mains et mène une campagne de représailles systématiques contre tous les opposants politiques du pays, quelle que soit leur orientation politique ». Il ajoute : « ces verdicts incarnent la profonde crise politique et des droits humains que traverse aujourd’hui la Tunisie — une régression marquée par le retour à la répression, à l’autoritarisme et à l’érosion des libertés et des droits, malgré les avancées obtenues après le printemps arabe, qui avait débuté en Tunisie ».
Les poursuites judiciaires, entamées en février 2023, ont visé des responsables du Front de salut national et son président, des figures de premier plan du mouvement Ennahda, d’anciens ministres, des secrétaires généraux de partis politiques, ainsi que des défenseurs des droits humains de renom, engagés de manière pacifique depuis plusieurs décennies.
Suivi continu d’Alkarama
Alkarama suit avec une vive inquiétude la poursuite de la répression et des poursuites judiciaires menées par les autorités tunisiennes contre les opposants politiques en général, et contre les responsables du mouvement Ennahda en particulier. Le 5 juin 2024, le tribunal de première instance de Tunis a tenu une audience de jugement de l’ancien ministre de la Justice et vice-président d’Ennahda, Noureddine Bhiri, pour une publication sur Facebook. M. Bhiri est détenu depuis le 13 février 2023 et est poursuivi pour un post Facebook qui, selon l’expertise judiciaire désignée par le tribunal, n’existe tout simplement pas.
Auparavant, le 31 décembre 2021, les autorités tunisiennes avaient arrêté M. Bhiri, avant de le relâcher le lundi 7 mars 2022, après 67 jours de détention. Pendant cette période, Alkarama et l’Association des victimes de la torture en Tunisie (AVTT) avaient saisi les experts onusiens compétents en matière de droits humains à son sujet. M. Bhiri avait passé l’essentiel de sa détention arbitraire à l’hôpital de Bizerte, sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui. Il avait été relâché après une grave dégradation de son état de santé, avant d’être de nouveau arrêté le 13 février 2023, et maintenu en détention jusqu’à présent.
Le 6 janvier 2022, Alkarama, l’AVTT, Free Voice et AFD International avaient adressé une plainte au Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture au sujet des cas de M. Noureddine Bhiri et de M. Fathi Beldi, ancien conseiller au ministère de l’Intérieur, tous deux ayant été victimes de traitements cruels, inhumains et dégradants lors de leur arrestation, le 31 décembre 2021, par les forces de sécurité.
Par la suite, Alkarama, l’AVTT, Free Voice et AFD International avaient également saisi le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) concernant la situation de M. Bhiri et de M. Beldi. Les deux hommes avaient été placés en résidence surveillée de manière arbitraire à la suite de leur arrestation violente par des agents de sécurité le 31 décembre 2021.
Un régime autoritaire et répressif
La Tunisie connaît depuis le 25 juillet 2021 un recul alarmant des libertés politiques et civiles. Ce jour-là, le président Kaïs Saïed a limogé le chef du gouvernement, suspendu toutes les activités parlementaires et levé l’immunité des députés, en s’appuyant sur une interprétation erronée de l’article 80 de la Constitution. En violation flagrante de cette dernière, il a ensuite déclaré qu’il prendrait en charge tous les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, assisté d’un chef de gouvernement et de ministres qu’il nommerait personnellement.
Cela a été suivi d’une série de violations des libertés individuelles et collectives, incluant des arrestations arbitraires, des assignations à résidence illégales de députés et hauts responsables — y compris des juges et des figures politiques. Le nombre de limogeages par décret présidentiel n’a cessé d’augmenter depuis le 25 juillet 2021, touchant de nombreux hauts responsables administratifs et judiciaires, certains étant placés en résidence surveillée par simple décision administrative.