Egypte : La torture continue d'être pratiquée en dépit des promesses faites après la révolution

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Ahmad AbdallahAlkarama condamne le fait que la torture continue d'être pratiquée jusqu'à aujourd'hui en dépit des promesses qui avaient été faites après la révolution. Le gouvernement avait assuré vouloir respecter les droits des citoyens, interdire la torture et lutter contre l'impunité des tortionnaires en les poursuivant pénalement. Force est de constater que ces promesses n'ont pas été suivies d'actes et de mesures concrets. Les cas documentés par Alkarama et d'autres organisations de défense des droits de l'homme confirment que la torture continue d'être pratiquée dans les commissariats et les prisons. L'histoire d'Ahmad Abdallah, vendeur de voitures de 33 ans actuellement détenu à la maison d'arrêt de Tora dans l'attente de son procès, est exemplaire de cette réalité.

Ahmad Abdallah a été gravement torturé en détention. Il aurait selon sa famille une côte cassée et qu'il a perdu l'usage de son oeil droit du fait de ces mauvais traitements. Sadate Abdallah, le frère du détenu nous a rapporté que leur mère, lui-même et son épouse ont pu constater les traces de torture qu'il portait sur le visage et sur le corps lors d'une visite à la prison de Tora le 12 mai dernier. Pendant la rencontre, Ahmad Abdallah leur a confirmé que tout cela était dû aux violents coups qu'il avait reçus sur la tête et à l'interdiction qui lui avait été faite de consulter un médecin pour se faire soigner. Il a également raconté être détenu à l'isolement dans une cellule sans lumière et dont le sol était recouvert d'eau souillée. Il n'avait de plus pas le droit de porter l'uniforme des prisonniers et devait rester dans sa minuscule cellule en sous-vêtements, sans même une couverture.

« Même si tu es un jour officiellement libéré, tu sortiras d'ici handicapé ou mort. », Inspecteur de la maison d'arrêt de Tora

Sadate a ajouté que l'inspecteur de la maison d'arrêt de Tora s'acharnait délibérément sur son frère, l'humiliant et le menaçant continuellement. Lors d'une visite, il a même fait expulser la famille. Il a ensuite fait tomber Ahmad à terre avant de le rouer de coups de pieds à la nuque en le menaçant : « Même si tu es un jour officiellement libéré, tu sortiras d'ici handicapé ou mort. »

Le frère d'Ahmad a confirmé que son frère était effectivement devenu handicapé, qu'il avait perdu un de ses enfants et que leur mère avait été hospitalisée juste après sa visite à la prison.

Après les événements qui ont eu lieu au commissariat Thani Al Arish, les forces de l'ordre se sont mises à suivre Ahmad sans même une preuve de son implication. Se sachant recherché, ce dernier s'est spontanément présenté à la police, prouvant par de nombreux témoignages qu'il n'était même pas présent sur les lieux quand se déroulaient les événements. Il voulait, ce faisant, qu'on le traite de façon légale. Personne ne peut accepter d'être humilié ou torturé de la sorte.

Sadate a insisté sur le fait que les autorités étaient coutumières des arrestations arbitraires et aléatoires à l'encontre des habitants du Sinaï, sans preuve aucune de leur implication dans les événements. C'est ce qui est arrivé à des dizaines de membres de la famille Abdallah, qui ont été arrêtés sans aucune preuve, après les explosions de Taba.

Ahmad Abdallah n'est pas la première victime de la maison d'arrêt de Tora. Pour preuve, la grève de la faim entamée par quatre détenus en mars dernier, en protestation contre la torture et les mauvais traitements qu'ils y subissent. En octobre 2011, Issam Atta est décédé, selon de nombreux témoignages, des suites de la torture dont il avait été victime et de l'interdiction qui l'avait empêché de consulter un médecin pour recevoir des soins.

Ahmad Mefreh, chercheur de l'équipe juridique au bureau d'Alkarama au Caire indique: "Il n'y a aucune volonté politique d'arrêter ces pratiques de la part des fonctionnaires, dont la mission première est pourtant de protéger les droits et non de les violer. L'impunité systématique dont bénéficient les bourreaux montre que le gouvernement est responsable du fait que la torture continue d'être pratiquée après la révolution. »

Alkarama rappelle au gouvernement égyptien qu'il a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Pourtant, il continue à refuser au Rapporteur spécial sur la torture des Nations unies l'accès au territoire égyptien. En outre, les organisations locales et internationales ne sont pas autorisées à visiter les prisons et les lieux de détention pour vérifier l'application des normes internationales que le gouvernement a acceptées et ratifiées. Alkarama va soumettre en urgence au Rapporteur Spécial sur la Torture le cas d'Ahmad Abdallah.