Arabie saoudite: Un éminent défenseur des droits de l'homme risque 5 ans de prison pour avoir collaboré avec l'ONU

Mohammad Fahad Al-Qahtani, éminent défenseur des droits de l'homme saoudien et co-fondateur de l'Association saoudienne pour les droits civils et politiques (ACPRA), a comparu le 18 juin dernier devant une juridiction de Riyad pour onze chefs d'accusation liés à ses activités militantes. S'il est reconnu coupable lors de la prochaine audience prévue pour le 1er septembre 2012, il risque cinq ans de prison, une interdiction de voyager ainsi qu'une lourde amende.Outre les accusations spécieuses portées habituellement contre les militants des droits de l'homme, le Docteur Al-Qahtani a été accusé de transmettre des "fausses informations présentées comme des faits établis aux mécanismes officiels internationaux [les mécanismes du Conseil des droits de l'homme de l'ONU]".

Depuis la création de l'ACPRA en 2009, le Dr Al-Qahtani et ses collègues effectuent un important travail de documentation sur les violations des droits de l'homme dans le Royaume, en particulier sur les cas de détention arbitraire dont le nombre est estimé à plusieurs milliers. L'ACPRA fournit notamment une assistance juridique aux familles des personnes détenues arbitrairement en s'adressant au "Conseil des doléances", instance administrative compétente pour examiner des plaintes contre l'Etat et les services publics. L'organisation saoudienne fournit également des informations sur des cas de détention arbitraire aux Procédures spéciales de l'ONU, en particulier au Groupe de travail sur la detention arbitraire, lequel le 2 mai dernier, s'est dit préoccupé par "la pratique systématique des arrestations et detentions arbitraires en Arabie saoudite".

La comparution du Dr Al Qahtani devant la juridiction de Riyad intervient dans le cadre d'une vague de représailles dirigées par les autorités du Royaume depuis le printemps dernier contre les militants de l'ACPRA. Convocations pour interrogatoire, interdictions de voyager, comparutions devant la justice et accusations fallacieuses... Toutes ces mesures ont manifestement pour but de réduire au silence les militants de l'ACPRA et de mettre tout en oeuvre pour les empêcher d'accomplir leurs activités de militants des droits de l'homme.

Dans sa Résolution 12/2 du 12 octobre 2009, le Conseil des droits de l'homme "demande instamment aux gouvernements d'empêcher et de s'abstenir de commettre tout acte d'intimidation et de représailles contre ceux (...) qui recourent ou ont recouru aux procedures mises en place sous les auspices des Nations Unies pour assurer la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tous ceux qui lui ont fourni une assistance juridique." Dans la  Résolution 18/118 , le Conseil encourage également les observateurs du Conseil des droits de l'homme à se "pencher au cours du débat général sur le point 5 de l'ordre du jour sur la question de la cooperation des personnes et des groups avec l'Organisation des Nations unies, ses représentants et les mécanismes des droits de l'homme.". Dans le cadre de la 20e session du Conseil qui se tient actuellement à Genève, l'Institut du Caire pour les études de droits de l'homme (CIHRS) est intervenu pour exprimer sa vive inquiétude concernant la situation du Dr Al-Qahtani et les représailles dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme en Arabie Saoudite. Le CIHRS a appelé la Présidence du Conseil à initier un dialogue franc avec la délégation saoudienne concernant la situation du Dr Al Qahtani afin de garantir que les charges retenues contre lui et d'autres défenseurs des droits de l'homme soient abandonnées.

Cliquez ici pour visionner le vidéo de l'intervention du CIHRS.

Alkarama condamne les autorités saoudiennes dans leur tentative d'instrumentalisation de la justice pour faire taire l'un des plus fervents défenseurs des droits de l'homme en Arabie saoudite et se joint au CIHRS pour demander "une action ferme du Conseil des droits de l'homme et de l'ONU" contre la campagne de représailles menée contre les défenseurs des droits de l'homme.