Alkarama vient d'être informée de l'avis 11/2008 rendu le 9 mai 2008 par le Groupe de travail sur la détention arbitraire concernant M. Amer Al Qahtani, emprisonné depuis plus de 10 ans. Alkarama avait soumis deux communications à son sujet, la première en date le 18 mai 2006.
M. Amer b. Saïd b. Mohamed Al Thaqfan Al QAHTANI, enseignant, demeurant à Riyad, était âgé de 29 ans au moment de son arrestation en mars 1998. Il a été gravement torturé au siège des services des renseignements généraux où il a été détenu incommunicado pendant plusieurs jours.
Transféré à la prison d'Al Hayr à Ryadh, il a continué à subir des mauvais traitements et a été détenu au secret et dans un isolement total durant plusieurs mois au cours desquels il ne pouvait pas recevoir de visites de sa famille. Il a passé ses premières années de détention dans une cellule d'isolement.
Selon nos informations M. Al Qahtani n'a jamais fait l'objet d'une véritable procédure judiciaire ni été inculpé d'une manière formelle après son arrestation. Il n'a pas eu accès ni à un avocat ni à une procédure légale de recours pour contester la légalité de sa mise en détention.
Selon le gouvernement saoudien, M. Al Qahtani a été jugé le jour même de son arrestation alors qu'il se trouvait détenu dans les locaux des services de renseignement, et condamné à 10 années d'emprisonnement notamment pour " avoir propagé l'idéologie fondamentaliste dans la société ".
Dans leur réponse au Groupe de travail, les autorités n'ont pas précisé la nature de l'infraction pénale imputée à M. Al Qahtani ni la qualification légale des faits en affirmant cependant, que " n'ayant pas renié ses convictions, il devra purger l'intégralité de sa peine ".
De fait, M. Al Qahatani n'a pas été libéré à l'issue de sa peine en mars 2008 et a donc continué à être détenu arbitrairement, et ce, après avoir été condamné à cause de ses convictions religieuses à la suite d'un procès expéditif et particulièrement inéquitable.
De telles condamnations sont courantes en Arabie Saoudite où des milliers de personnes sont poursuivies et jugées à cause de leurs opinions politiques ou de leurs convictions religieuses et sans que des faits matériels précis ne leur soient reprochés.
Les autorités invoquent souvent pour justifier de telles détentions arbitraires le prétexte de la lutte antiterroriste, le fondamentalisme religieux, l'idéologie takfirie ou le seul fait d'avoir des " idées non conformes ". Dans de nombreux cas les personnes détenues, parfois durant plusieurs années, ne sont même pas traduites devant un juge et sont ensuite libérées sans avoir été jugées.
Le Groupe de travail onusien qui a estimé la détention de M. Al Qahtani arbitraire, a considéré que celle ci constituait une violation des articles 9 (Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu) ; 10 (droit d'être entendu équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial) et 11 (présomption d'innocence) de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Il recommande au gouvernement saoudien de remédier à cette situation et de ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Nous rappelons que l'Arabie saoudite est membre du Conseil des droits de l'homme et qu'à se titre, elle est tenue de respecter les droits fondamentaux de ses citoyens et de collaborer effectivement avec les procédures spéciales de l'ONU.