Arabie Saoudite: Le défenseur des droits de l'homme Dr Yousef Al Ahmad condamné à 5 ans de prison

Le Docteur Yousef Al Ahmad, Doyen de la faculté de Droit à Université islamique de l'Imam Mohamed Ben Saoud à Riyad, a été condamné à 5 ans de prison, suivie d'une interdiction de voyager pendant 5 ans ainsi que d'une amende de 103'000 Riyal saoudien (environ 27 500 USD) par le Tribunal Pénal spécial de Riyad le 11 Avril 2012. Son arrestation est survenue le 8 Juillet 2011, après qu'il eût publiquement critiqué le gouvernement saoudien, en particulier le recours généralisé à la détention arbitraire.
Son arrestation ainsi que sa détention représentent une violation de ses droits et libertés fondamentales énoncées dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. En effet, il ne fait aucun doute que son sort est lié au fait qu'il se soit exprimé publiquement sur un sujet de préoccupation générale.
Le 8 Juillet 2011, des agents du Mabahith (police d'investigation saoudienne) sont venus arrêter le Dr Youssef Al Ahmad au domicile de son père à Dammam, en Province Orientale de l'Arabie saoudite. Il a été arrêté sans qu'on ne lui montre un mandat d'arrêt, ni qu'on lui explique les raisons de son arrestation. Il a ensuite été emmené en garde à vue, puis transféré à la nouvelle prison de procédures à Riyad. L'arrestation est intervenue un jour après qu'il ait posté une vidéo sur YouTube, dans laquelle il demande au Ministre de l'Intérieur, le prince héritier Nayef Bin Abdulaziz Al Saoud, d'assurer le respect des lois saoudiennes pour tout ce qui a trait aux procédures pénales. Dr Al Ahmad a discuté en particulier du recours généralisé à la détention arbitraire, en se référant à sa lettre ouverte de 17 mai 2011 adressée au roi d'Arabie Saoudite dans laquelle il a inclus les noms de 1225 personnes détenues arbitrairement.

Alkarama a informé les procédures spéciales des Nations Unies sur la situation du Dr Al Ahmad plusieurs jours après son arrestation. Celles-ci ont demandé au gouvernement saoudien de répondre aux allégations énoncées plus haut. Selon le rapport sur les communications des procédures spéciales du 23 Février 2012, les autorités saoudiennes n'ont pas répondu à l'appel urgent des procédures spéciales conjointes du 27 Juillet 2011 ni celles du 31 Janvier 2012. Alkarama regrette ce manque patent de coopération de la part du gouvernement saoudien avec les mécanismes onusiens des droits de l'homme.

Non seulement les autorités saoudiennes refusent d'expliquer la détention arbitraire de M. Al Ahmad, mais nos sources indiquent qu'il a été mis en accusation devant le Tribunal Pénal spécial à Riyad, un tribunal qui est chargé d'examiner le cas de personnes soupçonnées de terrorisme. Lors d'une première audience le 29 Octobre 2011, l'avocat du Dr Al Ahmad a été empêché de se présenter dans la salle d'audience tandis que le juge lisait les accusations. Parmi les chefs d'accusation (plus de 20) figure «soutien à une organisation terroriste», «diffusion de fausses informations» et «trouble à l'ordre public». Ces accusations ont été principalement basées sur les déclarations du Dr Al Ahmad faites sur un large éventail de questions dans un ensemble de vidéos postées sur YouTube.
À la troisième audience, le juge a décidé que le Dr Al Ahmad devrait être placé en résidence surveillée, en partie en raison de son état physique faible. Toutefois, le ministère de l'Intérieur a refusé de mettre en œuvre cette décision et le Dr Al Ahmad reste dans la nouvelle prison de procédures à Riyad jusqu'à ce jour. En outre, il n'était pas en mesure d'être en contact régulier et direct avec son avocat jusqu'à mi-Février, plus de sept mois après son arrestation. De plus, il aurait été informé seulement quelques heures avant que des audiences n'aient lieu. Il ne peut donc pas être considéré comme ayant bénéficié d'un soutien juridique ni d'avoir eu le temps nécessaire pour préparer sa défense.

Finalement, le 11 Avril 2012, le tribunal a jugé le Dr Al Ahmad coupable de plusieurs chefs d'accusation, parmi lesquels «soutien à une organisation terroriste», «diffusion de fausses informations» et «trouble à l'ordre public». Il a été condamné à 5 ans de prison suivie d'une interdiction de voyager pendant 5 années. Il a aussi écopé d'une amende de 103'000 Riyal saoudien pour avoir discuté dans les clips vidéos -mentionnés plus haut, de l'incapacité des autorités d'aborder la question de la détention arbitraire en Arabie Saoudite.

Comme indiqué plus haut, le Dr Youssef Al Ahmad a été arrêté sans qu'on ne lui montre un mandat d'arrêt. Il a appris les charges retenues contre lui que quatre mois après son arrestation. Il a ensuite été condamné après un procès inéquitable pour des actes qui sont protégés par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Alkarama a donc soumis aujourd'hui son cas au Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire et d'autres procédures spéciales. Alkarama demande la libération immédiate et inconditionnelle du Dr Al Ahmad et recommande aux autorités saoudiennes, en particulier le Ministère de l'Intérieur, de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin au recours généralisé à la détention arbitraire.