
Alkarama a appris de sources saoudiennes en matière de droits humains que les autorités ont finalement libéré le militant et membre de l’Association saoudienne pour les droits civils et politiques (ACPRA), Abdulaziz Al-Shubaily, après près de huit années de détention.
Alkarama avait suivi de près son cas et avait adressé, le 30 avril 2015, un appel urgent au Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) ainsi qu’au Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, concernant sa comparution devant le Tribunal pénal spécialisé.
Abdulaziz Al-Shubaily est membre de l'ACPRA, fondée en 2009 mais jamais reconnue officiellement par les autorités saoudiennes. Malgré l’absence de statut légal, l’association — connue sous son acronyme "ACPRA" — a œuvré à documenter les violations des droits humains dans le pays et à transmettre ces informations aux Nations Unies. Elle a également appelé à ce que le ministère de l’Intérieur soit tenu responsable de ses atteintes aux droits fondamentaux.
En 2012, les autorités saoudiennes ont lancé une large campagne de répression visant les membres de l’ACPRA et les défenseurs des droits humains, en engageant des poursuites judiciaires ayant conduit à de lourdes peines de prison, ainsi qu’à la dissolution de l’association.
Contexte de l’affaire
Al-Shubaily a été convoqué à plusieurs reprises pour des interrogatoires, et a comparu le 7 mai 2015 devant le Tribunal pénal spécialisé, une juridiction régulièrement dénoncée par les experts et mécanismes des Nations Unies pour son absence d’indépendance et le non-respect des normes d’un procès équitable. Lors de cette audience, il a refusé de reconnaître la légitimité de ce tribunal, estimant qu’il ne devait être compétent que pour les affaires de terrorisme.
Son procès avait débuté le 27 octobre 2014, dans le contexte de la répression menée par les autorités saoudiennes contre ACPRA et ses membres, sur la base de la loi de 2014 relative à la lutte contre le terrorisme et son financement. Cette législation est critiquée pour ses définitions vagues et larges du terrorisme, qui permettent de criminaliser des activités légitimes telles que la liberté d’expression, la critique pacifique ou le militantisme en faveur des droits humains. Al-Shubaily a été arrêté le 17 septembre 2017 dans la région d’Al-Qassim.
Il a ensuite été condamné par le Tribunal pénal spécialisé à huit ans de prison, suivis de huit années d’interdiction de voyager, pour des accusations telles que l’incitation à l’opinion publique, l’outrage à la justice et sa participation à la fondation de l’association ACPRA.
Actions d'Alkarama
Alkarama a suivi de près les cas des membres détenus de l’association ACPRA, soumettant plusieurs plaintes aux procédures spéciales des Nations Unies en matière de droits de l’homme. Elle a régulièrement attiré l’attention sur leur situation à travers des rapports parallèles adressés aux mécanismes onusiens, et a produit de nombreux supports médiatiques pour défendre leur cause, dénoncer les violations dont ils sont victimes et exercer une pression sur le gouvernement saoudien afin qu’il mette un terme à sa politique répressive et garantisse la liberté d’expression.
En octobre 2016, Alkarama, en collaboration avec d'autres organisations non gouvernementales, a lancé une campagne contre la détention arbitraire et la répression ciblant l’association ACPRA. Dans ce cadre, une lettre ouverte a été adressée au Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, l’exhortant à demander la libération immédiate de tous les membres détenus et à appeler à des réformes législatives en vue de garantir les droits fondamentaux de l’ensemble des citoyens saoudiens.
En mars 2018, à l’occasion des premières visites officielles du prince héritier Mohammed ben Salmane dans plusieurs capitales étrangères, Alkarama et d’autres organisations internationales de défense des droits humains ont lancé un appel à la communauté internationale. Elles ont saisi cette opportunité pour rappeler la situation des militants emprisonnés, et attirer l’attention des pays hôtes sur les politiques répressives et les violations systématiques dont sont victimes les défenseurs des droits humains en Arabie saoudite.
En plus d’Al-Shubaily, Alkarama n’a cessé de plaider pour la libération des autres membres de l’ACPRA. Si certains ont été remis en liberté, d’autres ont tragiquement perdu la vie en détention, à l’instar du Dr Abdullah Al-Hamid. Plusieurs restent encore incarcérés, comme le militant Mohamed Al-Bajadi, malgré l’expiration de leur peine.
Alkarama espère que la libération de M. Al-Shubaily constituera une première étape vers la libération de l’ensemble des prisonniers d’opinion en Arabie saoudite, la libération de toutes les personnes détenues pour avoir exercé pacifiquement leur liberté d’expression ou exprimé une opposition politique, ainsi que la fin des politiques de répression, d’intimidation et de l’usage abusif des lois antiterroristes pour museler toute voix critique.