Aller au contenu principal
 رشيد مصلي ــ Rachid Mesli

Dans sa décision rendue le 16 décembre 2015, la justice italienne a, comme attendu, rejeté la demande d'extradition algérienne émise à l'égard du directeur juridique d'Alkarama, Me Rachid Mesli. En observant que ses activités de défense des droits de l'homme semblaient « difficilement conciliables avec celles d'un terroriste », la Cour a conclu que les accusations algériennes pourraient bien être le fruit  « d’une persécution politique ». Le gouvernement d’Alger n'ayant pas fait appel de cette décision, Me Mesli est aujourd'hui libre de voyager en Italie.

La Cour d'Appel de Turin a rejeté la demande d'extradition formulée par le gouvernement algérien à l'encontre du directeur juridique d’Alkarama en relevant notamment que « la présentation des faits dans le mandat [d'arrêt] international n’était pas claire » ainsi que l'incohérence de la condamnation de Me Mesli qui se trouvait détenu à la prison de Tizi Ouzou depuis près de trois ans au moment des faits incriminés.

Le régime d’Alger l’avait en effet accusé  d'avoir dirigé en 1999 une organisation terroriste dans la région de Dellys (100 kms à l’est d’Alger) et de s’être rendu avec ses co-accusés dans les maquis, alors même qu’il se trouvait détenu à la prison de Tizi-Ouzou. Les autorités d’Alger lui reprochaient également d’avoir, à partir de Genève « fourni des informations téléphoniques à des groupes terroristes » et « tenté d’approvisionner ces groupes terroristes avec des caméras et des téléphones ». Ses deux co-accusés, Khider Abdelkrim et Brahim Ladada, militants des droits de l’homme dans la région de Dellys, avaient été arrêtés et gravement torturés pour avoir communiqué par téléphone à Me Mesli des informations sur les violations des droits de l’homme par la police dans leur région et avaient finalement été acquittés après trois années passées en prison.

Les juges de la Cour italienne n’ont pas manqué de souligner également que la condamnation de Me Mesli à 20 ans de prison prononcée le 17 mars 2004 reposait uniquement sur les aveux extorqués sous la torture et rétractés lors du procès de ses deux coaccusés dans l'affaire et que les droits de la défense avaient été violés, la décision ayant été rendue en l’absence d’un avocat.

Il est notable de relever également que la Cour d'appel italienne a rejeté les garanties données par le gouvernement d’Alger selon lesquelles, en cas d'extradition, Me Mesli ne serait pas soumis à des actes de persécution ou de torture et aurait droit à un nouveau procès, les juges considérant que « les violations évidentes des droits de défense de l'accusé […] ne permettent pas de donner plein crédit à ces assurances […] d'autant plus si l'on considère l'histoire personnelle de Me Mesli et ses activités de défenseur des droits fondamentaux des détenus dans les prison algériennes qu'il exerçait en tant qu'avocat en Algérie depuis le début des années 1990 ainsi qu'à l'étranger où il s'est réfugié. »

Les magistrats italiens ont également noté  les nombreux articles de presse publiés dès la nouvelle de son arrestation ainsi que les nombreuses interventions des représentants des organisations internationales des droits de l'homme, dont les directeurs des sections italienne et suisse d'Amnesty International.

Dans les mots de la Cour: « Le tableau qui émerge des informations et éléments susmentionnés rend ardue la conciliation des activités de Me Mesli, qui travaille depuis des années dans la défense des droits de l'homme, subissant personnellement incarcérations et restrictions, avec celles d'un terroriste, comme mentionné dans les accusations à la base de la demande d'extradition; il n’est pas permis de douter que [cette demande d'extradition] ne puisse qu’être le fruit d'une persécution politique à l'égard de Me Mesli et n'est pas justifiée. Pour toutes ces raisons, cette Cour exprime un avis défavorable à la demande d'extradition avancée par les autorités algériennes à l'égard de Rachid Mesli. »

Pour rappel, Me Mesli avait été arrêté à la frontière italo-suisse le 19 août 2015 sur la base d'un mandat d'arrêt international délivré par les autorités d’Alger en avril 2002 ; moins d'un mois après, et anticipant sa décision finale, la Cour d'Appel de Turin, reconnaissant l’important travail de Me Mesli dans la promotion et la protection des droits de l'homme dans le monde arabe, avait décidé de l'autoriser à quitter l'Italie où il était assigné à résidence depuis le 22 août.

Pour plus d'informations ou une interview, veuillez contacter media@alkarama.org (Tél: +41 22 734 1008)