Maroc : Le Comité des droits de l'homme rend ses observations finales concernant la situation des droits civils et politiques dans le pays
A l'issue de sa 118e session en octobre 2016, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a adopté ses observations finales concernant le Maroc, après avoir examiné le sixième rapport périodique du pays, soumis avec sept ans de retard. Organe onusien composé d'experts indépendants, le Comité des droits de l'homme veille à la bonne application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) par les Etats parties ; il a rendu ses observations en se basant notamment sur le rapport alternatif soumis par les ONG dont Alkarama en septembre dernier.
Les experts ont appelé le Maroc à fournir en priorité et dans un délai d'un an, des informations concernant les mesures prises pour mettre en œuvre leurs recommandations concernant les violations des droits de l'homme dans le cadre de lutte contre le terrorisme, l'interdiction de la torture et des mauvais traitements, la liberté d'association et la liberté d'action des défenseurs des droits de l'homme.
Aborder le problème des violations du passé pour mettre fin à l'impunité et respecter le droit à la réparation des victimes
Les experts onusiens ont noté que, malgré le recul notable de la pratique de la torture, l'impunité des auteurs demeurait un enjeu majeur. Ils ont relevé, en particulier, que les aveux obtenus sous la contrainte avaient été admis comme moyens de preuve devant les tribunaux et que les magistrats étaient généralement réticents à ordonner des enquêtes ou des examens médicaux face à des allégations de torture.
De plus, la dénonciation d'actes de torture entrainait souvent des représailles, menaces et intimidations. Ils ont enfin souligné que le nombre de poursuites et de condamnations prononcées était faible eu égard à l'ampleur de la pratique de la torture par le passé et au nombre de plaintes déposées.
Enfin, malgré le travail de l'Instance Equité et Réconciliation, de nombreuses disparitions forcées commises par le passé n'ont toujours pas été élucidées.
Le Comité a ainsi recommandé au Maroc d'enquêter sur les allégations de torture et à en identifier, juger et punir les auteurs ainsi que d'accélérer le processus d'adoption de la loi établissant le mécanisme national de prévention de la torture.
Renforcer les garanties procédurales et mettre fin au recours excessif à la détention préventive
Dans leurs observations, les experts du Comité appellent le Maroc à fixer la durée normale de la garde à vue à 48 heures et à veiller à ce que l'accès à l'avocat soit garanti dès le début de la détention ; actuellement, cet accès n'est permis qu'en cas de prolongation de la garde à vue, pour une durée maximale de trente minutes.
Le respect des garanties fondamentales pour les personnes arrêtées dans le cadre d'affaires liées au contreterrorisme est particulièrement problématique étant donné que les délais légaux de garde à vue en la matière sont portés à douze jours et que l'accès des suspects à un avocat n'est possible qu'après six jours de garde à vue.
Enfin, Le Comité a exprimé sa préoccupation quant au taux de surpopulation carcérale causé notamment par un recours excessif à la détention préventive.
Les experts ont ainsi recommandé au Maroc de limiter la durée initiale de la garde à vue à 48h en toutes matières et de permettre l'accès à l'avocat dès le début de la détention. Ils ont encouragé l'Etat partie à recourir davantage à des peines de substitution à la privation de liberté pour remédier à la surpopulation carcérale.
Lever les restrictions aux libertés d'opinion, d'expression, d'association et de réunion pacifique
Dans son rapport alternatif, Alkarama avait dénoncé les restrictions aux libertés fondamentales notamment des défenseurs des droits de l'homme, activistes et journalistes. En effet, certaines peines privatives de liberté pour des faits relevant de l'exercice de la liberté d'expression subsistent aujourd'hui dans le Code pénal.
De plus, l'usage excessif et disproportionné de la force pour disperser les réunions pacifiques non autorisées, dénoncé par Alkarama, a été relevé par les experts du Comité, lesquels ont en conséquence appelé le Maroc à se conformer aux dispositions du Pacte.
Ainsi, les experts du Comité ont appelé le Maroc à prendre d'urgence les mesures nécessaires pour mettre un terme à l'incrimination de l'exercice des droits et libertés protégés par le pacte et ont notamment insisté sur la nécessité de mettre le Code pénal en conformité avec l'article 19 du Pacte, qui garantit le droit à la liberté d'expression.
Alkarama entend suivre de près la mise en œuvre des recommandations du Comité des droits de l'homme par le Maroc et appelle ce dernier à rendre compte des mesures prises pour cette mise en œuvre, concernant les violations les plus graves, dans le délai d'un an fixé par le règlement intérieur du Comité.
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