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Bassam AL JALLADI

Le 30 mai 2025, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) a rendu un Avis n°37/2025 concluant à l’arbitraire de la détention de Bassam Al Jalladi, ressortissant yéménite détenu en Arabie Saoudite depuis 2019. 

Cet avis fait suite à une procédure engagée en mai 2024 par Alkarama, saisie par la famille de la victime après plusieurs années d’absence de recours effectif. 

Rappel des faits 

Le 27 mai 2019, Bassam Al Jalladi a été arrêté à Al Mahra au Yemen par des militaires sans qu’il ne soit informé ni des raisons de son interpellation ni de l’existence d’un quelconque mandat. Après avoir été détenu dans une prison militaire locale, il a été transféré début juin en Arabie Saoudite sans procédure légale, sans décision judiciaire, et sans que ses proches n’en soient informés. 

Il a ensuite été détenu dans la prison d’Abha, dans le sud du pays, puis transféré en 2022 à la prison centrale de Dhahban à Jeddah. Durant ses premiers mois de détention, il a été totalement coupé du monde extérieur. Ce n’est qu’en septembre 2019 qu’il a été autorisé à passer un premier appel téléphonique. Les contacts avec sa famille ont ensuite été limités jusqu’à cesser totalement en octobre 2022. Depuis cette date, ses proches sont sans nouvelles. 

En juin 2022, soit trois ans après son arrestation, M. Al Jalladi a comparu pour la première fois devant le Tribunal pénal spécialisé, une juridiction d’exception instaurée et contrôlée par le ministère de l’intérieur. Il a découvert alors qu’il était poursuivi pour des faits d’appartenance à une organisation terroriste, les mêmes pour lesquels il avait été interpellé au Yémen en 2016, avant que la justice yéménite ne décide de le mettre hors de cause et de classer l’affaire en 2019. Il a été condamné à 36 ans de prison. 

Alkarama soumet le cas au Groupe de travail de l’ONU 

Dans le cadre de la procédure devant l’ONU, Alkarama a soumis une demande d’avis documentant les nombreuses violations dont M. Al Jalladi a été victime, tant au moment de son arrestation que tout au long de sa détention. Alkarama a notamment mis en lumière l’absence de procédure légale lors de son transfert vers l’Arabie Saoudite, sa détention au secret, le défaut d’assistance juridique, ainsi que le caractère profondément inéquitable de son procès. 

De son côté, le gouvernement saoudien, dans sa réponse à la plainte d’Alkarama, a nié toute irrégularité, affirmant que l’arrestation, au Yemen et son transfert en Arabie Saoudite avaient été conduits dans le respect du droit, que M. Al Jalladi avait été informé de ses droits et qu’il avait bénéficié d’un procès équitable. 

Le Groupe de travail onusien a cependant fait droit à la plainte d’Alkarama et a retenu ses observations formulées dans le cadre de la procédure, constatant que M. Al Jalladi n’avait pas eu accès à un avocat pendant trois ans, que son procès s’était tenu devant une juridiction dont l’indépendance est contestée, et que les charges retenues reposaient sur une base juridique vague et instable. 

Reconnaissance du caractère arbitraire de la détention 

Dans son Avis n°37/2025, le Groupe de travail a conclu que la détention de M. Al Jalladi était arbitraire, dénuée de tout fondement juridique, et violait des règles fondamentales du droit international, notamment le droit à un procès équitable, engageant ainsi la responsabilité de l’Arabie Saoudite mais également du Yémen. 

Conformément aux requêtes d’Alkarama, les experts indépendants de l’ONU ont appelé à la libération immédiate de Bassam Al Jalladi, à l’octroi de réparations adéquates, et à l’ouverture d’une enquête indépendante sur les circonstances de son arrestation et de sa détention. Le Groupe de travail a également rappelé l’interdiction absolue des transferts extrajudiciaires entre États sans garantie judiciaire, même dans un contexte de coopération sécuritaire. 

Contexte plus large et appel à la coopération 

Dans son Avis, le Groupe de travail a souligné à juste titre qu’au cours de ses 34 années d’existence, il a été démontré que l’Arabie Saoudite a systématiquement violé ses obligations internationales en matière de droits humains dans plus de 75 cas documentés. 

Les experts ont exprimé leur vive préoccupation face à une situation, qu’ils considèrent comme révélatrice d’un problème profondément enraciné et généralisé de détentions arbitraires dans le pays, constituant une violation grave et persistante du droit international. 

Face à ces manquements répétés et préoccupants, le Groupe de travail a réitéré sa demande pressante d’effectuer une visite officielle en Arabie Saoudite (demandes renouvelées les 24 août 2021 et 4 février 2022), insistant sur l’urgence d’un dialogue constructif avec les autorités saoudiennes afin de les accompagner dans la mise en œuvre de mesures concrètes pour mettre fin à ces graves violations des droits fondamentaux liées à la privation arbitraire de liberté.