Le 31 mai 2024, Alkarama a soumis au Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire (GTDA) la situation de Bassam AL JALLADI et Mohammed AL WADAEI, deux ressortissants Yéménites arbitrairement détenus par les autorités saoudiennes.
Bassam AL JALLADI, renvoyé par le Yémen vers l’Arabie Saoudite
Le 27 mai 2019, Bassam AL JALLADI a été arrêté par des militaires de l’armée régulière alors qu'il effectuait des démarches administratives dans le gouvernorat d'Al Mahra. D’abord détenu dans une prison militaire à Al Mahra, il a ensuite été livré sans aucune procédure légale et sans que sa famille n’en soit informée, à l’Arabie Saoudite au début du mois de juin 2019. Il a rapporté plus tard avoir été placé en détention dans la prison d'Asir à Abha, puis courant mars 2022, transféré à la prison centrale de Dhahban où il est actuellement détenu.
Pendant plus de quatre mois, AL JALLADI a été détenu au secret et privé de tout contact avec le monde extérieur. Ce n'est que courant septembre 2019, alors qu'il était incarcéré à la prison d'Asir à Abha, qu'il a été autorisé à passer un premier et bref appel téléphonique et à informer sa famille de sa situation.
Sa famille qui n’a plus de ses nouvelles depuis octobre 2022, a pu récemment apprendre par l’intermédiaire des proches d'autres codétenus yéménites en Arabie Saoudite qu’Al JALLADI avait été condamné à 36 ans d'emprisonnement par le Tribunal pénal spécialisé pour de prétendues infractions pour lesquelles il avait été déjà poursuivi au Yémen et qui s'étaient conclues par une décision de non-lieu.
AL JALLADI avait en effet été arrêté au Yémen dans le cours du mois de mars 2016 par les « forces de la ceinture de sécurité » - une milice soutenue et financée par les Émirats arabes unis dans le sud du pays- au motif qu'il était affilié à une organisation terroriste et avait alors été soumis à de graves tortures. Il a ensuite été libéré courant février 2019.
AL WADAEI, arrêté en raison de ses publications
Mohammed AL WADAEI, homme d’affaire yéménite, a été arrêté le 19 octobre 2022 par les forces de sécurité saoudiennes au poste frontière d'Al Wadiah alors qu'il se rendait en Arabie Saoudite, où il bénéficie d’un permis de séjour officiel. Depuis novembre 2022, il est incarcéré à la prison d'Al-Tarfiyah à Buraidah.
Pendant environ trois mois, il a été détenu au secret, avant d’être autorisé à passer un bref appel téléphonique à sa famille. Ce n’est que lorsqu’il a comparu pour la première fois un an après devant le Tribunal pénal spécialisé, qu'il a appris qu’il était poursuivi sur la base des lois antiterroristes et anti-cybercriminalité. Il lui a été reproché d’avoir republié sur son compte Facebook des messages relatifs au différend survenu entre l'Arabie saoudite et la Turquie à la suite de l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à l'intérieur du consulat de son pays à Istanbul en octobre 2018.
Le 14 mai 2024, le Tribunal pénal spécialisé l’a condamné pour ce seul fait à 19 ans de prison.
Alkarama souligne le caractère arbitraire de leur détention
Mandatés par les familles des victimes, Alkarama a soumis la situation des deux Yéménites au Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire pour qu’il appelle les autorités saoudiennes à les libérer.
Dans sa communication, Alkarama a souligné le caractère arbitraire de leur détention et leur condamnation par une juridiction d’exception chargée d’appliquer des lois répressives et liberticides.
Alkarama a rappelé les préoccupations formulées par les différents experts de l’ONU au sujet de ces lois indiquant que les autorités saoudiennes ne manquent pas de recourir à celles-ci pour tenter de justifier la condamnation d’actes relevant de la liberté d’expression et d’opinion, tel qu’en l’espèce.
Il a été démontré que les deux ressortissants yéménites n’ont pu bénéficier des garanties procédurales violant ainsi leur droit à un procès équitable et rendant de fait leur privation de liberté arbitraire.
Alkarama a souligné que les deux victimes ont été placées hors de la protection de la loi avant d’être condamnées à des peines disproportionnées prononcées par une juridiction partiale placée sous la tutelle du ministre de l’intérieur.
Alkarama a souligné la responsabilité conjointe de l’Arabie Saoudite et du Yémen du fait de la restitution extrajudiciaire et la détention au secret d’AL JALLADI notant qu’elles ont eu lieu en dehors de tout cadre juridique. Le fait pour AL JALLADI d’avoir été renvoyé sans aucune possibilité de contester la légalité de cette décision en vertu d'un accord évident entre les deux pays et alors même qu’il existait un risque avéré de torture et de détention arbitraire implique également la responsabilité du gouvernement du Yémen.
Pour ces raisons, Alkarama a appelé les experts du Groupe de travail à reconnaître la responsabilité conjointe du Yémen et de l’Arabie Saoudite et le caractère arbitraire de la détention des deux victimes tout en appelant les autorités saoudiennes à les libérer immédiatement.