
Le 20 février 2015, Alkarama a saisi les procédures spéciales des Nations Unies du cas de Rachid Ghribi Laroussi, arrêté en juin 2003 dans le cadre de la vaste campagne de répression qui a suivi les attentats de Casablanca et condamné à 20 ans de prison à l'issue d'un procès inéquitable.
Arrêté sans mandat de justice sur son lieu de travail à Tanger le 2 juin 2003, Rachid Laroussi a été détenu au secret pendant près de trois mois sans aucun contact avec l'extérieur et sans aucune procédure légale.
Après deux premiers jours de détention à la préfecture de police de Tanger, il a ensuite été transféré de nuit vers le tristement célèbre centre de Témara où il a subi une série d'interrogatoires sous la torture. Il rapporte avoir été dénudé, frappé sur toutes les parties de son corps, privé de sommeil, de nourriture et menacé de viol. Lorsqu'il n'était lui-même pas torturé, il entendait les cris et les gémissements d'autres détenus torturés et traînés dans les couloirs. À l'issue de ces 10 jours de supplice, fatigué et terrorisé, M. Laroussi a été contraint à signer des aveux sans même en prendre connaissance.
Transféré par la suite à la prison de Salé, il témoigne y avoir été incarcéré dans des conditions extrêmement pénibles dans un cachot sans hygiène et totalement isolé du monde extérieur jusqu'au 27 août 2003. Il n'a eu le droit de se laver pendant cinq minutes qu'après 45 jours et n'a pu sortir une dizaine de minutes à la lumière du soleil qu'après trois mois.
Au cours de sa détention en isolement à la prison de Salé, Rachid Laroussi a été victime d'une fracture de l'épaule. Après cinq jours de souffrances, il a été évacué à l'hôpital Souissi à Rabat où le médecin, alarmé par son état, a immédiatement requis son hospitalisation pour une intervention chirurgicale, requête aussitôt rejetée par l'administration pénitentiaire. Soigné de manière sommaire, il a été ramené dans son cachot et privé de tout autre soin par la suite. Aujourd'hui encore, il souffre des séquelles de cette fracture mal soignée et de la torture et de ses mauvaises conditions de détention.
Pendant ses 86 jours de détention incomunicado, Rachid Laroussi affirme avoir été conduit à plusieurs reprises devant un magistrat, en l'absence d'un avocat, pour se voir intimer l'ordre de signer des procès verbaux sans avoir la possibilité de les relire. Ce n'est que le 27 août 2003, lors de sa comparution devant le juge d'instruction de Rabat, que M. Laroussi a finalement été autorisé à être assisté d'un avocat qui a immédiatement alerté son épouse de sa situation mettant fin ainsi à trois mois d'angoisse et de recherches.
Déféré devant la cour d'appel de Rabat le 18 septembre 2003 dans le cadre d'un procès expéditif et manifestement entaché d'irrégularités, Rachid Laroussi a été condamné à 20 ans d'emprisonnement pour « constitution d'une bande organisée ayant pour but la commission d'actes terroristes », « possession d'armes et d'explosifs », « réunion sans autorisation préalable » et « exercice d'activités dans le cadre d'une association non autorisée » exclusivement sur la seule base de procès verbaux contenant des aveux signés sous la torture et la menace.
Aujourd'hui, près de 12 ans après sa condamnation, Rachid Laroussi est toujours détenu à la prison de Tanger. Son épouse n'a épargné aucun effort pour attirer l'attention des autorités sur le cas de son mari, mais sans succès ; elle refuse malgré tout de baisser les bras et continue à lutter pour obtenir la libération de son époux et mettre fin à son calvaire.
« Durant de longues années, mes enfants et moi avons goûté à l'amertume de l'injustice après avoir été brusquement privé d'un époux, d'un père et du seul soutien de la famille sans raison valable. Nous avons traversé des épreuves extrêmement dures. Aujourd'hui je continue à saisir toutes les opportunités afin de requérir la libération de mon mari. J'aspire à sauver ce qui peut encore être sauvé après 12 années de souffrance et faire revenir le sourire à mes enfants », a-t-elle déclaré à Alkarama.
Alkarama est fortement préoccupée par la situation de Rachid Ghribi Laroussi, ainsi que celles de plusieurs centaines d'autres personnes arrêtées à la suite des attentats de Casablanca en mai 2003 dans le cadre d'une campagne d'arrestations arbitraires et lourdement condamnées après des procès de masse particulièrement inéquitables. Les autorités marocaines doivent impérativement remédier à cette situation et mettre immédiatement en œuvre les recommandations du Comité contre la torture en particulier « prendre immédiatement des mesures concrètes pour enquêter sur les actes de torture, et poursuivre et punir leurs auteurs » et « examiner les condamnations pénales prononcées exclusivement sur la foi d'aveux afin d'identifier dans quels cas la condamnation s'est fondée sur des aveux obtenus sous la torture ou par des mauvais traitements. »
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