Aller au contenu principal
Le 5 octobre 2010, l'Office central de la sécurité politique yéménite a libéré le journaliste Kamal Yahya Sharaf après plus d'un mois de détention au secret aux mains des services de la Sûreté de l'Etat. Un juge aux affaires de la Sûreté de l'Etat avait ordonné sa libération, qui n'est devenue effective qu'après 13 nouveaux jours de détention au siège de la Sécurité politique.

Les disparitions et arrestations d'Abd Al-Ilah Haidar Shayie et de Kamal Yahya Sharaf ont provoqué une vague de contestations aux niveaux national et international. Alkarama a adressé un appel urgent au Rapporteur spécial sur la torture et au Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression en leur demandant d'intervenir au nom des deux journalistes arrêtés.

Kamal Yahya Sharaf, Abd Al-Ilah Haidar Shayie et Abd Al-Karim Al-Shami, citoyens yéménites, ont été arrêtés le 16 août 2010 à leurs domiciles respectifs à Sanaa par un un groupe d'agents de la sécurité nationale. Lors de ces arrestations, les agents ont utilisé leurs armes à feu et ont confisqué les ordinateurs et les effets personnels des trois victimes.

L'avocat de Kamal Yahya Sharaf considère que sa récente libération constitue une compensation partielle des sévices qui lui ont été infligés par les services de renseignement avec la complicité de l'Agence de la Sûreté de l'Etat yéménite. En vertu de la législation interne, Kamal Yahya Sharaf a le droit de poursuivre les agents qui ont violé ses droits à la liberté d'expression et d'opinion et qui l'ont placé en détention au secret pendant trente jours. Ces violations ne connaissent juridiquement aucune exonération de responsabilité.

Les autorités yéménites cherchent actuellement à blanchir les crimes commis par les agents de la Sûreté de l'Etat contre Kamal Yahya Sharaf et Abd Al-Ilah Shayie. Ce dernier est toujours détenu aujourd'hui par des agents de la Sûreté de l'Etat. Les autorités les ont présentés devant la Cour spécialisée sur les affaires liées à la Sûreté de l'Etat plus de cinq semaines après leur enlèvement, disparition et mauvais traitements.

Cette cour spéciale est par ailleurs considérée comme illégale par de nombreux militants des droits de l'homme yéménites parce qu'elle légalise les violations commises par les services de sécurité. La cour, dans sa décision du 22 septembre 2010, a ordonné la libération de Kamal Yahya Sharaf mais les responsables de la Sécurité politique n'ont appliqué ce jugement que le 5 octobre 2010.

Cette cour, rejoignant les réquisitions du ministère public, a renouvelé la période de détention d'Abd Al-Ilah Shayie de 30 jours supplémentaires, alors que cet emprisonnement viole le droit interne et tous les engagements internationaux du Yémen en matière de droits de l'homme.

De nombreux représentants des organisations de défense des droits de l'homme, le syndicat des journalistes et des organisations de la société civile continuent à protester et à réclamer la libération d'Abd Al-Ilah Shayie ainsi que l'arrêt des violations de la liberté de la presse par les autorités.

Lors de sa comparution devant le Parquet, Abd Al-Ilah Shayie a montré des traces de torture infligées par les services de sécurité durant sa détention, dont une coupure le long de sa poitrine, une dent cassée et de nombreuses marques de coups visibles sur tout le corps. Il a été placé à l'isolement dans une cellule au sous-sol et sans ventilation, et a déclaré avoir été interrogé par les services de sécurité à plusieurs reprises tard dans la nuit, même après que son cas a été examiné par le juge.

Selon la législation yéménite, la manière dont ces arrestations ont été menées devrait être sanctionnée. Bien que le procureur ait soutenu que les services de sécurité ont reçu des instructions concernant l'arrestation des victimes, ces services sont particulièrement connus pour leurs nombreuses violations des droits de l'homme, de la Constitution et du droit interne. Ces services contrôlent en effet la conduite des poursuites permettant la délivrance des mandats d'arrestation et le placement en détention au secret des victimes pendant trente jours, alors même qu'une telle détention au delà de 24h est interdite.

Alkarama exprime son inquiétude au sujet de la dégradation régulière de la situation des droits de l'homme au Yémen. Les autorités continuent de violer leurs obligations au regard du droit interne et de leurs engagements internationaux relatifs aux droits de l'homme, aux libertés civiles et politiques et à la liberté de la presse. Le procès d'Abd Al-Ilah Haidar Shayie et de Kamal Yahya Sharaf est à cet égard exemplaire de ces violations.

Le système judiciaire est utilisé comme un outil visant à museler la liberté d'expression et à dissimuler les violations de droits de l'homme commises par les services secrets.

Alkarama demande que les autorités mettent fin à l'impunité concernant les violations des droits de l'homme et réclame la libération immédiate du journaliste Abd Al-Ilah Shayie et de tous les autres prisonniers détenus illégalement. Les victimes devront recevoir des excuses officielles de la part des autorités ainsi qu'une compensation financière visant à réparer les préjudices subis.