Suite à la révision du cas du Yémen, à New York, les 14 et 15 mars le Comité des droits de l'homme a adopté ses observations finales concernant le Yémen, disponibles ici.
Rachid Mesli, Directeur Juridique d'Alkarama déclaire: « Avec ce document, le Comité a fourni une feuille de route pour le Yémen pour répondre aux questions essentielles nécessitant une solution immédiate pour assurer les droits et libertés basiques de la population yéménite.Avec la nomination d'un Ministre des Droits de l'Homme dévoué, le 7 décembre 2011, nous avons bon espoir que des améliorations progressives puissent être apportées au pays, tout en tenant compte des 20 années de dictature qu'il a traversé, et du fait que ceux qui étaient officiellement au pouvoir ont gardé une influence significative sur le pays. »
Un nombre de questions soulevées dans le rapport alternatif d'Alkarama ont été relevées par le Comité. Parmi les principales préoccupations, la loi d'amnistie adoptée par le Parlement le 21 janvier 2012. En accord avec Alkarama sur le caractère illégitime de la loi, le Comité a déclaré que « l'État partie devrait abroger la Loi Amnistie No 1 de 2012 et se conformer au droit international relatif aux droits de l'homme interdisant l'immunité des responsables de graves violations des droits de l'homme en vertu de laquelle les États doivent amener les auteurs en justice ».
Le Comité s'est également concentré sur la création d'un établissement national pour les droits de l'homme, les activités antiterroristes, les droits de la femme, la discrimination contre les minorités et la peine de mort. Le Comité a aussi accueilli positivement l'accord du Yémen d'ouvrir un bureau des droits de l'homme pour l'ONU dirigé par le Haut-commissariat aux droits de l'homme (HCDC), mais souligne que celui-ci devrait détenir les pleins pouvoirs concernant la surveillance et les enquêtes sur la situation du pays.
Comme recommandé par Alkarama, le Comité a également exigé une enquête sur « toutes allégations d'implication des membres des forces d'application des lois et de la sécurité dans les meurtres de civils, le recours excessif à la force, les détentions arbitraires y compris les disparitions forcées, la torture et les mauvais traitements, qu'ils soient liés aux troubles de 2011, ou à ceux du Sud, au conflit du Nord et à la lutte contre la présence d'Al Qaida sur le territoire de l'État partie. En outre, l'État partie devrait engager des procédures pénales contre les auteurs présumés de tels actes, condamner ces responsables et offrir réparation aux victimes, y compris une indemnisation adéquate » (voir le §15 des observations finales).
Alkarama, ainsi que d'autres organisations pour les droits de l'homme ont également mis en évidence le rôle des forces de sécurité dans les violations des droits de l'homme, aussi bien dans les rapports alternatifs que pendant les instructions des ONG au Comité. En réponse à ces inquiétudes, le Comité a recommandé à l'État partie de « s'engager à totalement prendre le contrôle civil et à réaliser une réforme complète des instruments de sécurité, y compris des forces armées. » (§ 16). Le Comité a également souligné la nécessité d'un « programme efficace de désarmement, démobilisation et réintégration des acteurs non étatiques » (§ 16), et ont appelé à la fermeture immédiate de toutes les prisons tenues par des particuliers.
Le rôle et le fonctionnement du système judiciaire ont également été abordés, y compris la corruption endémique et l'injustice des procès, particulièrement pour exclure les confessions extraites sous la torture. Le Comité a recommandé que les tribunaux spéciaux -à savoir le Tribunal Pénal spécialisé soient abolis. Les conditions dans les prisons étaient également un sujet de préoccupation.
Le Comité a également abordera question des réfugiés, des personnes déplacées à l'intérieur du pays et des enfants-soldats, ainsi que la liberté de réunion et d'association. Le Comité a, en particulier exprimé ses inquiétudes concernant la situation des journalistes et le rôle du Tribunal spécialisé dans la presse et les publications, qui devrait être aboli. Il a également demandé l'abrogation de toutes les lois qui restreignent la liberté de réunion, telle que celles qui ont été utilisées pour disperser les manifestants au cours de l'année 2011.
Bien que la mise en évidence des questions essentielles posées par Alkarama et ses organisations partenaires, ainsi que d'autres ONG internationales soient satisfaisante, le silence du Comité sur la question spécifique de l'utilisation de drones, y compris par les États-Unis sur le territoire yéménite pour commettre des exécutions extrajudiciaires, est surprenant, compte tenu, en particulier du fait que cette question ait été posée à la délégation yéménite par le Comité pendant la révision.
Alkarama espère que les changements politiques au Yémen seront accompagnés par un changement de la situation des droits humains dans le pays. Celui-ci devrait commencer avec la mise en œuvre des recommandations du Comité, ce qui représenterait une cassure avec les exemples passés d'absence de mise en œuvre. Alkarama va aussi contribuer à ces efforts en assurant une large diffusion de ces recommandations dans la société civile locale et en effectuant une visite de suivi au Yémen dans les 12 prochains mois pour contrôler les avancées de la mise en œuvre des recommandations.