UAE : Examen périodique universel: la délégation émiratie déploie une rhétorique « progressiste » pour couvrir de graves violations des droits de l’homme

HE Dr Anwar Gargash-2La situation des droits de l'homme aux Emirats arabes unis a été examinée hier à Genève à l'occasion du deuxième cycle de l'Examen périodique universel, examen au cours duquel la délégation émiratie dirigée par le Ministre des Affaires Etrangères Dr. Anwar Gargash a présenté son rapport national devant 90 Etats-membres. Cet examen intervient dans le contexte d'une vague de répression dirigée contre plusieurs dizaines de militants politiques et défenseurs des droits de l'homme arrêtés et détenus arbitrairement ces derniers mois pour avoir appelé à plus de participation des citoyens à la vie politique du pays et au respect des libertés fondamentales.

Le jour de l'examen, Alkarama a, conjointement avec plusieurs organisations de défense des droits de l'homme, appelé les Emirats arabes unis à mettre fin à cette vague de répression et à respecter ses engagements pris en vue de son élection au Conseil des droits de l'homme.

Des Etats membres préoccupés par les atteintes à la liberté d'expression
Au-delà des formules diplomatiques habituelles exprimées par les 90 Etats membres saluant les efforts accomplis par le pays examiné ces quatre dernières années dans divers domaines des droits de l'homme, certains, informés sur la situation actuelle aux Emirats, n'ont pas manqué de soulever un certain nombre de préoccupations parmi lesquelles figurent les graves atteintes à la liberté d'expression. Ainsi, la Norvège s'est déclarée « préoccupée par les informations qu'ils avaient reçues selon lesquelles des militants politiques avaient été arrêtés et détenus arbitrairement sans accusation » et a appelé à « la libération de toute personne détenue pour avoir seulement exprimé librement ses opinions politiques ». Le Danemark a quant à lui recommandé à l'Etat examiné d'ouvrir des « enquêtes promptes et impartiales sur les allégations de torture ». Enfin, la Suède s'est dite préoccupée elle aussi par les récentes atteintes à la liberté d'expression, en particulier sur l'Internet et a recommandé aux Emirats de prendre les mesures pour la garantir. Les Etats-Unis qui se sont également dits préoccupés par la récente vague de répression a appelé les Emirats à garantir « une procédure légale pour toute personne accusée de crime » et à conduire une consultation publique quant au décret relatif à la lutte contre la cybercriminalité afin de garantir que cette loi n'empêche pas la liberté de parole.

La délégation émiratie répond aux préoccupations soulevées par certains Etats membres en déployant une rhétorique « progressiste »

Afin de balayer les craintes exprimées par certains Etats membres, Dr Anwar Gargash a avancé la nécessité de protéger la « sécurité nationale » face à « l'instabilité régionale » et de lutter contre ceux qui s'opposent à « l'agenda progressiste des droits de l'homme » des Emirats, en particulier « la tolérance religieuse » et « l'autonomisation des femmes ». C'est ainsi que le président de la délégation a justifié « l'arrestation d'une organisation extrémiste » qui « constitue une menace à l'agenda progressiste que les Emirats poursuivent ». Si l'argument de la menace à la sécurité nationale est dans la lignée de la rhétorique officielle déployée depuis le début de la vague de répression en mars 2012, l'argument de la menace contre « l'agenda progressiste des droits de l'homme » est pour le moins inédit aux Emirats. Cette rhétorique n'est pas sans rappeler le discours d'anciennes dictatures comme la Tunisie qui ont très souvent justifié les détentions arbitraires et la torture en prétextant que les victimes constituaient une menace à la sécurité nationale et aux valeurs de tolérance.

En outre, Anwar Gargash a tenté de dissiper les préoccupations découlant de l'adoption du Décret No. 5/2012 relatif à la lutte contre la cybercriminalité, affirmant que ces craintes résultaient d'une « interprétation erronée» du texte et rappelant que cette loi n'empêchait pas les Emiratis de fournir des informations à des journalistes ou à des organisations des droits de l'homme. » mais sanctionnait uniquement la transmission de « fausses » informations sans autre précision. Dr Gargash a cependant « omis » de rapporter que les graves violations des droits de l'homme récentes concernent des militants pacifiques et des défenseurs des droits de l'homme qui ont notamment utilisé internet pour transmettre des informations aux journalistes et aux organisations de défense des droits de l'homme.

Le discours officiel relayé lors d'un événement parallèle : « le processus de l'EPU aux Emirats »
Au lendemain de cet examen, le Centre de Genève pour la justice internationale a organisé un événement parallèle sur le « processus de l'EPU aux Emirats » auquel a notamment participé M. Zayed Al-Shamsi, Président de l'Association internationale des juristes nommé par le gouvernement, et au cours duquel les participants ont relayé le discours du Dr. Anwar Gargash sur les récentes atteintes aux libertés fondamentales. Cet événement auquel ont participé une dizaine de personnes a été largement ignoré tant pas les membres des délégations du Conseil que par les autres ONG présentes à Genève.

 

Le rapport final de l'EPU des Emirats Arabes Unis sera disponible le 31 janvier prochain.

Pour revoir l'EPU des Emirats, cliquez icihttp://bit.ly/YkOywM

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