Maroc: Mme Doha Aboutabit, victime de tortures psychologiques lors de sa garde à vue à Casablanca

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Mme Doha Aboutabit a subi des tortures psychologiques et des traitements cruels lors de sa garde à vue dans les locaux des services de la police judiciaire de Casablanca à la suite de son arrestation le 03 décembre 2009.

Alkarama s'est adressée le 27 avril 2010 aux Rapporteurs spéciaux sur la torture et  sur la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste pour leur demander d'intervenir auprès des autorités marocaines afin que celles-ci ordonnent une enquête exhaustive et impartiale sur les violences subies par Mme ABOUTABIT.

Mme ABOUTABIT, âgée de 25 ans, médecin, est de nationalité marocaine et française ; elle résidait au moment de son arrestation à Rabat au Maroc. De retour au Maroc, en avril 2009, après ses études de médecine, elle a été nommée en juillet 2009 Chef de service à l’hôpital Aït-Qamra dans la région d’Al-Hoceima au nord du pays.

Le 3 décembre 2009, à 10 heures du matin, elle a été arrêtée au domicile de ses parents à Rabat par quatre agents de la police judiciaire et a été emmenée au poste de police d’Al-Maarif à Casablanca. Quatre jours après, il a été demandé à son père, sans qu’il ne lui soit permis de la voir, de lui apporter quelques effets personnels en raison de la décision de prolonger sa garde à vue.

Mme ABOUTABIT est restée détenue douze jours dans les locaux des services de sécurité, soit la durée légale maximum de garde à vue dans le cadre d’une enquête préliminaire en cas d’infraction terroriste. Déférée devant le juge d’instruction de la Cour d’appel de Rabat à l’issue de cette garde à vue, elle a été mise en examen et placée sous mandat de dépôt à la prison de Salé où elle est à ce jour encore détenue.

Elle est accusée d’avoir « financé le terrorisme » pour avoir, plusieurs années auparavant, été sollicitée par son frère pour lui envoyer une somme d’argent ; celui-ci se serait par la suite rendu en Irak où, selon les autorités, il aurait ultérieurement trouvé la mort en 2008.

Selon le témoignage reçu par ses parents au cours de leur première visite à la prison de Salé, Mme ABOUTABIT se trouvait dans une situation psychologique déplorable et s’est plaint d’avoir fait l’objet, durant sa garde à vue de 12 jours de graves tortures psychologiques.

Elle a été détenue au secret sans aucun contact avec le monde extérieur durant toute la durée de sa garde à vue, et ce, en violation de la loi interne qui prévoit la possibilité pour un prévenu de communiquer avec un avocat quarante huit heures après la première prolongation de la garde à vue en matière d’infraction terroriste.

De plus, et durant cette période, les policiers ont exercé sur Mme ABOUTABIT toutes sortes de menaces d’atteintes physiques et notamment d’avoir le visage brûlé avec un briquet ; en effet, et à plusieurs reprises, ses tortionnaires rapprochaient un briquet allumé de son visage pour la terroriser.

Elle a également été menacée directement et à plusieurs reprises de ne plus revoir son enfant si elle ne reconnaissait pas tous les actes dont on l’accusait; elle n’a donc pas hésité à confirmer tous les aveux suggérés par ses tortionnaires en raison de l’état de terreur dans lequel elle se trouvait plongée.

Le Comité contre la torture dans ses observations finales à l’issue de l’examen du rapport périodique du Maroc en date du 5 février 2004 (CAT/C/CR/31/2) se disait déjà très préoccupé de « l’extension considérable du délai de garde à vue, période pendant laquelle le risque de torture est le plus grand, tant dans le droit pénal général que dans la loi antiterroriste » (Par. 5).

Aussi, les experts du Comité ont recommandé aux autorités marocaines de limiter au strict minimum le délai de garde à vue (Par. 6). Cette Recommandation n’a cependant pas été prise en compte à ce jour par l’Etat partie.

Alkarama exprime des craintes fondées que les aveux arrachés à Mme ABOUTABIT dans les conditions telles que décrites ne soient utilisés contre elle au cours de son procès en dépit de l’Art 293 du nouveau Code de procédure pénale qui prévoit que tout aveu arraché par la violence ou la contrainte ne peut être retenu.

Nous rappelons que le Maroc a ratifié le Pacte relatif aux droits civils et politiques le 3 mai 1979 et la Convention contre la torture le 21 juin 1993.