
Alkarama a reçu une communication de l’avocat de M. Mohamed Ziane — ancien ministre des Droits de l’Homme, ancien bâtonnier du barreau de Rabat, et fondateur et dirigeant du Parti libéral marocain — détenu depuis près de 30 mois à la prison Al Arjate. La communication confirme que M. Ziane a formé un pourvoi en cassation contre la décision n°8 rendue par la chambre des affaires criminelles financières de la Cour d’appel de Rabat, le 7 mai 2025, le condamnant à trois ans d’emprisonnement ferme.
Son avocat demande sa libération immédiate, affirmant qu’il est « victime d’une injustice et qu’il a subi un grave préjudice ».
La communication précise que « le recours en cassation constitue une démarche légitime, dans la mesure où y renoncer équivaudrait à une reconnaissance implicite des crimes qui lui sont imputés — crimes qu’il n’a cessé de nier tout au long de l’enquête, du procès, et des recours, et qu’il continue de contester tels que décrits dans le jugement ».
« Cette décision le prive de la possibilité de fusionner les peines, prolongeant ainsi sa détention et entraînant son maintien en prison pour une durée indéterminée. Il affirme que la défense de la vérité est plus importante que la liberté elle-même ». ajoute la communication.
Alkarama a, de son côté, informé les mécanismes des Nations Unies de protection des droits de l’homme de ces développements, et a de nouveau appelé à leur intervention urgente en vue de la libération immédiate de M. Ziane et de la cessation des violations dont il est victime.
La Cour d’appel a confirmé les charges retenues contre Me Ziane, tout en réduisant la peine — une décision que ce dernier rejette, estimant être la cible de représailles et de violations en raison de son engagement pour la défense des détenus politiques et de ses dénonciations de pratiques répressives perpétrées par des responsables gouvernementaux.
Activisme d’Alkarama
M. Ziane a été arrêté le 21 novembre 2022 et condamné par la Cour d’appel de Rabat à trois ans d’emprisonnement pour 11 chefs d’accusation sans lien entre eux.
Dans ce contexte, Alkarama a soumis le cas de M. Mohamed Ziane (82 ans) au Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) le 14 mai 2024. Auparavant, Alkarama avait transmis une plainte au Comité des droits de l’homme des Nations Unies, le 24 février 2024, lequel a appelé l’État partie, le 28 février, à adopter des mesures provisoires urgentes, notamment en modifiant le jugement.
Face à la multiplication des atteintes aux droits fondamentaux de M. Ziane et aux représailles politiques qu’il subit, Alkarama, mandatée par sa famille, a également décidé de saisir le Groupe de travail sur la détention arbitraire pour faire reconnaître le caractère arbitraire de sa privation de liberté.
M. Ziane, victime de représailles
M. Ziane a toujours été un ardent défenseur des droits et libertés fondamentales dans son pays. Il a défendu de nombreux prisonniers d’opinion devant les juridictions marocaines et transmis des informations aux mécanismes onusiens de protection des droits de l’homme, par l’intermédiaire d’ONG internationales, dont Alkarama.
Dans ses plaintes adressées aux procédures spéciales des Nations Unies, Alkarama a souligné la nécessité pour les experts du Groupe de travail d’examiner l’ensemble des violations des droits et libertés fondamentales de M. Ziane à toutes les étapes des procédures internes. En tant que défenseur des droits de l’homme et opposant politique, ses critiques à l’encontre des services de sécurité du pays l’ont exposé à des représailles et à des actes d’intimidation de la part des services de sécurité de l’État.
Il a également été souligné que certaines accusations portées contre lui — y compris celles survenues après son incarcération — sont étroitement liées à ses activités politiques pacifiques. D’autres chefs d’accusation résultent de pratiques documentées par la société civile et par des experts indépendants des Nations Unies, consistant en l’usage d’accusations à caractère sexuel par les services de renseignement pour discréditer, salir ou diffamer des opposants politiques, des journalistes et autres militants pacifiques.
Privation arbitraire de liberté sans fondement juridique
Aux termes du droit international, la privation de liberté de M. Ziane est arbitraire, même si elle respecte formellement la législation nationale, dès lors qu’elle s’avère « inappropriée, injuste, imprévisible, déraisonnable ou disproportionnée », et qu’elle contrevient ainsi aux garanties judiciaires fondamentales.
Dans le cas de M. Ziane, il a été arrêté le jour même où la Cour d’appel de Rabat a rendu son jugement par défaut, le 21 novembre 2022, sans qu’un acte de renvoi n’ait été lu à l’audience. Cette omission fondamentale constitue une violation flagrante de la procédure légale prévue par l’article 392 du Code de procédure pénale marocain.
De plus, le fait que le mandat de dépôt émis par le procureur n’ait été remis à l’avocat de M. Ziane que huit jours après son arrestation, dans une tentative de justifier rétroactivement sa détention, constitue également une violation des dispositions constitutionnelles de l’article 23, ainsi que des exigences du Code de procédure pénale marocain, qui imposent expressément des motifs précis et transparents à toute mesure privative de liberté.
Il ne fait donc aucun doute que l’arrestation et la détention de M. Ziane, en violation des exigences légales, témoignent de l’absence de base juridique à son emprisonnement. Par ailleurs, l’absence totale de lien entre les différentes accusations portées contre lui, ainsi que l’absence de description claire et précise des faits retenus à charge, confirment la nature politique de cette affaire.
M. Ziane a été placé en détention provisoire immédiatement, alors qu’il comparaissait librement pendant son procès et qu’il ne représentait aucun danger. Bien que la détention doive constituer l’exception et être d’une durée aussi courte que possible, les autorités n’ont manifesté aucune réticence à l’emprisonner, malgré son âge avancé et sa santé fragile.
Et ce, malgré la décision du Comité des droits de l’homme, qui a appelé les autorités à revoir rapidement la condamnation prononcée à son encontre en tant que mesure conservatoire. Un nouveau mandat de dépôt a néanmoins été émis contre M. Ziane le 7 mars de cette année, fondé sur des accusations tout aussi fallacieuses et infondées.