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La détention arbitraire persiste malgré les avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire

Le 19 août 2015, Alkarama a soumis au Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire (GTDA) une communication de suivi concernant la situation de Mohamed Hajib, Abdessamad Bettar, Ali Aarrass et Mustapha El Hasnaoui. Le Groupe de travail avait estimé, dans l'ensemble de ces cas, que la détention était arbitraire et a appelé les autorités marocaines à les libérer immédiatement et les indemniser de manière appropriée.

Près de deux ans après la première visite du Groupe de travail au Maroc, aucun des avis n'a été mis en œuvre par les autorités marocaines. Alkarama souhaiterait ainsi que le gouvernement marocain suive les recommandations du Groupe de travail et libère au plus vite les quatre hommes dont les conditions de détention ne cessent de se dégrader, ainsi que toutes les victimes de détention arbitraire.

Mohamed Hajib

Mohamed Hajib avait été arbitrairement arrêté à son arrivée à l'aéroport de Casablanca, le 17 février 2010, et détenu au secret, pendant 15 jours, dans les locaux du commissariat d'El Maarif où il avait été torturé et contraint de signer des aveux. M. Hajib avait ensuite été transféré à la prison de Salé. Au cours de sa détention dans cette prison, M. Hajib avait fait l'objet d'actes de torture qui avaient été attestés par les services consulaires allemands qui avaient finalement obtenu l'autorisation de lui rendre visite.

A la suite d'un procès inéquitable, il avait été condamné à 5 ans d'emprisonnement au prétexte d'avoir combattu en Afghanistan contre les armées américaine et pakistanaise en dépit de l'absence de toute preuve ou de tout élément matériel dans le dossier et sur la seule base d'aveux extraits sous la torture.

Le Groupe de travail, saisi par Alkarama, avait retenu, dans son Avis N°40/2012 l'existence d'actes de torture et l'absence de garanties pour la victime laquelle n'avait pu bénéficier de l'assistance d'un avocat et avait conclu que « les violations du droit à un procès juste et équitable sont d'une gravité suffisante à rendre sa détention arbitraire » et demandé aux autorités marocaines de procéder à sa libération et à son indemnisation.

En août 2015, Mohamed Hajib a de nouveau mené une grève de la faim de plusieurs semaines. Il a également adressé une requête écrite au Roi pour demander sa libération. Selon sa famille, l'état psychologique Hajib est actuellement très fragile. Alkarama craint ainsi que l'état de détresse psychologique de la victime et ses conditions de détention ne conduisent à la dégradation de son état de santé.

Abdessamad Bettar

En 2012, Alkarama avait saisi les procédures spéciales des Nations Unies du cas de ce jeune artisan accusé d'avoir participé à l'attentat de Marrakech du 28 avril 2011. Abdessamad Bettar avait été gravement torturé et forcé de signer des aveux sous la torture puis condamné à 10 ans de prison à la suite d'un procès manifestement inéquitable. En mars 2013, le GTDA avait rendu l'Avis no 3/2013 considérant sa détention arbitraire et demandant qu'il soit immédiatement libéré.

En mai 2015, à l'occasion de la date anniversaire de son arrestation, Abdessamad Bettar a entrepris une grève de la faim afin de contester sa détention arbitraire et demander la mise en œuvre de l'avis du Groupe de travail. En réponse, il a été torturé et transféré en cellule d'isolement.

La famille de Bettar a encore constaté récemment lors d'une visite effectuée en juillet 2015 de nouvelles blessures à son poignet. Celui-ci les a informés qu'il était resté enchainé pendant plusieurs jours. Il a également fait part à sa famille avoir reçu de nombreuses injections – sans son autorisation et sans être informé de leur contenu –, qui lui auraient causé de l'hyperthermie, des vomissements et d'importants vertiges.

Ali Aarrass

Ali Aarrass avait été arrêté en 2008 à Melilla et accusé de terrorisme, accusation dont il avait par la suite été blanchi par la justice espagnole. Il a néanmoins été illégalement extradé vers le Maroc, en 2010, où il a été condamné en 2012, à 12 ans de prison pour les faits dont il avait précédemment été accusé en Espagne.
Purgeant actuellement sa peine à la prison de Salé, Ali Aarrass fait régulièrement l'objet d'intimidations et de mauvais traitements de la part de l'administration pénitentiaire.

Saisi par Alkarama de ce cas, le GTDA avait rendu l'Avis n°25/2013 considérant que sa privation de liberté était arbitraire et demandant sa libération immédiate.
Le 15 juillet dernier, M. Ali Aarrass a publié une lettre ouverte informant qu'il entamait une grève de la faim illimitée du fait des nombreuses intimidations, mesures de représailles et confiscations d'effets personnels dont il faisait l'objet notamment de la part des membres de la direction de la prison, en raison de ses revendications à obtenir un traitement respectueux de ses droits de prisonnier. Aujourd'hui, Ali Aarrass continue à subir des pressions de la part de l'administration de la prison.

Mustapha El Hasnaoui

Mustapha El Hasnaoui était journaliste à « Assabil », quotidien particulièrement critique sur la question de la répression des personnes accusés de terrorisme depuis les attentats de Casablanca de 2003, et membre d'une ONG marocaine de droits de l'homme, Forum de la Dignité et des droits de l'homme (FDDH). M. Mustapha El Hasnoui a été poursuivi et condamné à quatre ans de prison ferme pour ses seules activités de défenseur des droits de l'homme et de journaliste.

En Novembre 2013, le GTDA a rendu son Avis n° 54/2013 dans lequel il estime que « la détention de M. Mustapha El Hasnaoui est arbitraire dans la mesure où elle résulte de l'exercice de ses droits à la liberté de pensée, d'opinion, d'expression et de religion, et de ses activités de défense des personnes persécutées en raison de leurs pensées, idéologies ou opinions, prévus aux articles 18 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Maroc est partie [...]. La détention est aussi arbitraire en raison de graves violations des normes internationales relatives au droit à un procès équitable ». Le GTDA a ainsi demandé au Maroc de remettre en liberté immédiate et inconditionnelle M. Mustapha El Hasnaoui et de lui octroyer une réparation appropriée pour les préjudices causés.

A l'heure actuelle, Mustapha El Hasnaoui subit des sanctions dans la prison de Kenitra. Dans le courant du mois de juillet 2015, il a été placé pendant 18 jours dans un cachot d'isolement de la prison. En août 2015, Mustapha El Hasnaoui a été sauvé de justesse d'une asphyxie provoquée par une fuite de gaz survenue dans la prison de Kénitra et dont l'origine reste aujourd'hui inconnue.

Action d'Alkarama

Alkarama a ainsi demandé au Groupe de travail sur la détention arbitraire de rappeler aux autorités marocaines leurs engagements en matière de respect de leurs obligations internationales telles qu'affirmées dans la Constitution et soutenus à l'occasion des élections du Conseil des droits de l'homme los duquel le Royaume du Maroc s'est engagé « à continuer le dialogue avec les procédures spéciales tant sur le plan des visites qu'au niveau des activités de mise en œuvre de leurs mandats et de leur coopération avec le Conseil » et de leur enjoindre de mettre en œuvre les avis rendus par le Groupe de travail.

Pour plus d'informations ou une interview, veuillez contacter l'équipe média à media@alkarama.org (Dir: +41 22 734 1008).