Maroc : Alkarama recommande l'accréditation du Conseil National des Droits de l'Homme au statut B en raison de son manque d'indépendance

 Alkarama recommande l'accréditation du Conseil National des Droits de l'Homme au statut B en raison de son manque d'indépendance

Dans sa contribution soumise au Sous Comité d'Accréditation (SCA) du Comité International de Coordination des institutions nationales des droits de l'homme (CIC) – en vue de l'examen par celui-ci de l'institution nationale des droits de l'homme marocaine, le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH), lors de sa prochaine session en novembre 2015 – Alkarama a recommandé le déclassement de cette dernière du statut A au statut B pour marquer son manque de conformité avec les Principes de Paris, et en particulier son manque d'indépendance vis-à-vis de l'autorité royale.

Les Principes de Paris énumèrent une série de conditions auxquelles doivent se conformer les Institutions Nationales de protection et de promotion des Droits de l'Homme (INDH) afin de garantir leur indépendance du pouvoir exécutif ainsi qu'un fonctionnement harmonieux et efficace. Ainsi, seules les institutions totalement conformes à ces principes peuvent bénéficier du statut A, tandis que celles qui n'y sont que partiellement conformes se voient attribuer le statut B, voire le statut C pour celles qui ne sont pas du tout conformes.

Passant en revue les divers aspects relatifs au fonctionnement du CNDH, Alkarama a relevé le manque de conformité de l'INDH marocaine à de nombreuses exigences essentielles énumérées dans les principes de Paris pour assurer son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, tant sur le plan de son fondement juridique, que sur le processus de nomination de ses membres, ou de ses résultats sur le terrain.

Fondement juridique insuffisant

Alkarama a tout d'abord exprimé son inquiétude vis-à-vis du fondement juridique de l'INDH marocaine. Créé par le dahir royal no 1-11-19 du 1er mars 2011 pour succéder au Conseil Consultatif des Droits de l'Homme, le CNDH aurait dû bénéficié d'un texte législatif émanant du Parlement.

Un « dahir royal » est en effet émis unilatéralement par le roi sans consultation de l'organe législatif, une procédure qui viole donc le paragraphe A-2 des principes de Paris qui stipule qu' « Une institution nationale est dotée d'un mandat aussi étendu que possible, et clairement énoncé dans un texte constitutionnel ou législatif, déterminant sa composition et son champ de compétence. » Or, comme le souligne le rapport d'Alkarama, si la Constitution prévoit bien la création du CNDH, cette disposition reste toutefois très vague et n'énonce ni le mandat ni le champ de compétence de l'institution.

Indépendance compromise par le large pouvoir de l'autorité royale

L'indépendance du CNDH est également compromise par le large pouvoir laissé à l'autorité royale dans la nomination du président et des membres de l'institution. En effet, le dahir ne définit pas de manière précise les critères de sélection des membres du Conseil, laissant ainsi une vaste marge d'appréciation à l'autorité de nomination et ouvrant la porte à des nominations arbitraires et à l'exclusion.

De plus, bien que le dahir prévoie la consultation de la société civile durant le processus de sélection des membres, ceux-ci sont en dernier ressort choisis par le roi. Ainsi, au cours de ce processus, seules des organisations présélectionnées avaient été invitées à proposer des candidats, excluant une partie importante de la société civile. Par ailleurs, le dahir ne prévoit pas non plus la publicité des appels à candidature.

Inefficacité de l'action du Conseil

Habilité à recevoir des plaintes individuelles de la part des victimes de violations, le CNDH est tenu de veiller à rester accessible et d'être à l'écoute des préoccupations des victimes. Il doit également effectuer un suivi des cas qui lui sont soumis et agir auprès des autorités afin de remédier à des situations d'atteintes aux droits et libertés fondamentales. Si le CNDH affirme remplir ce rôle conformément aux principes de Paris, les victimes et les organisations et associations locales ne partagent pas cet avis. En effet, dans plusieurs cas documentés par Alkarama, les familles se sont plaint du manque de réactivité du CNDH qu'elles considèrent comme un médiateur au service des autorités pour désamorcer les situations de crises par des promesses non tenues.

Constatant que le CNDH « ne joue pas le rôle attendu d'une institution nationale dotée du statut A », le rapport se conclut par une série de recommandations adressées tant au CNDH lui-même qu'au Sous-comité d'accréditation (SCA), préconisant en particulier que le CNDH soit accrédité avec le statut B en raison de son manque de conformité avec les principes de Paris.

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