Maroc : Ali Aarrass victime de mauvais traitements en dépit d'une grève de la faim

 Ali Aarrass

Le 16 novembre 2015, Alkarama a envoyé une communication au Rapporteur spécial sur la torture (SRT) pour l'informer de la récente dégradation de l'état de santé d'Ali Aarrass, un citoyen belgo-marocain accusé de « participation à un réseau terroriste et trafic d'armes » dans le cadre de l'affaire Belliraj, extradé de l'Espagne vers le Maroc en 2010. Ce dernier est actuellement incarcéré à la prison de Salé dans la banlieue de Rabat, où de nombreux détenus, allèguent avoir été soumis à des mauvais traitements par les gardiens de la prison, qui continuent à jouir d'une totale impunité. Abderrahim Abourkha, père de deux enfants, avait également été condamné dans la même affaire par le tribunal de Rabat à 10 années de prison, à l'issue d'un procès entaché d'irrégularités et sur la base d'aveux obtenus sous la torture.

« Seuls ses aveux qui ont été obtenus par la torture − comme l'a constaté le médecin indépendant accompagnant le Rapporteur spécial sur la torture en 2012 − sont utilisés par la justice marocaine pour condamner M. Aarrass », explique son avocate belge, Mme Alamat Dounia. « Et pourtant, M. Aarrass a été innocenté par l'Espagne qui est le seul État à avoir mené une enquête répondant au standards internationaux. Nous appelons donc le Maroc à revoir sa position et à prendre dûment compte des décisions internationales qui ont été rendues », conclut-elle.

Une extradition vers le Maroc injustifiée et lourde de conséquences

Arrêté en Espagne en avril 2008 où il résidait, M. Aarrass a été extradé en décembre 2010 en dépit d'un non-lieu prononcé par la justice espagnole et de l'injonction du Comité des droits de l'homme (CDH) à l'Espagne de ne pas l'extrader. Détenu au secret au centre de Témara, connu comme l'« Abu Ghraib à la marocaine », il a été gravement torturé pendant 12 jours. Il a finalement été condamné pour terrorisme, le 2 octobre 2012, à 12 années de prison ferme au terme d'un procès inéquitable, en l'absence de preuves tangibles et sur la seule base d'aveux obtenus sous la torture. Depuis, il ne cesse de clamer son innocence et de contester sa détention manifestement arbitraire.

À la suite d'une requête présentée par Alkarama le 23 octobre 2012, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA) a reconnu, dans son avis no 2013/25 du 21 octobre 2013, le caractère arbitraire de sa détention et s'était prononcé en faveur de sa libération immédiate, décision que les autorités marocaines refusent, encore à ce jour, de mettre en œuvre.

Grève de la faim et mauvais traitements à Salé

M. Aarrass a ainsi entamé, à plusieurs reprises, une grève de la faim pour contester sa détention et dénoncer les mauvaises conditions dans lesquelles il est détenu, la plus récente ayant duré du 25 août au 4 novembre dernier. En guise de réponse, il a de nombreuses fois fait l'objet de mesures de représailles de la part de l'administration pénitentiaire. Ainsi, le 29 septembre 2015, plusieurs personnes apparemment étrangères à la prison, ont pénétré dans sa cellule au prétexte de la fouiller et l'ont violemment battu alors même qu'il était très affaibli par sa grève de la faim.

Contre l'avis du médecin de la prison, la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion a tout d'abord refusé son évacuation vers l'hôpital sous prétexte que sa grève de la faim n'était qu'un simulacre, avant de l'y évacuer d'urgence le 27 octobre 2015 après que son état se soit davantage dégradé. Malgré la suspension de sa grève de la faim, son état de santé reste cependant préoccupant et sa famille craint qu'il ne soit à nouveau victime de mauvais traitements.

Alkarama appelle donc les autorités marocaines à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la conformité des conditions de détention aux standards du droit international. En tant qu'État partie à la Convention des Nations Unies contre la Torture (UNCAT) depuis juin 1993, les autorités pénitentiaires marocaines doivent immédiatement mettre un terme à tout mauvais traitements à l'encontre d'Ali Aarrass et de toutes les personnes détenues dans les prisons du pays quels que soient les motifs de leur détention et s'assurer que de telles violations ne se reproduisent plus.

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