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Près de 20 ans après l'arrestation de Abdelhamid Al Daquel, sa famille apprend des autorités libyennes qu'il serait décédé en 1996. Elle n'a aucune preuve, ne peut récupérer le corps et faire procéder à une autopsie. Elle soumet le 5 mai 2009 une plainte devant le Comité des droits de l'homme.


Abdelhamid AL DAQUEL , pilote de l'armée de l'air, né en 1963 et demeurant à Beni Walid, avait été arrêté le jeudi 26 janvier 1989 vers 16 heures 30 par plusieurs agents de la sécurité intérieure (Al Amn Addakhili) à Foum Molghat près de Tarhouna.

Au moment de son arrestation Abdelhamid Al Daquel se trouvait à bord d'un véhicule en compagnie de trois personnes : Deux de ces hommes ont été libérés le 10 février 1989 après 15 jours de détention au secret dans les locaux de la sûreté intérieure à Tripoli. Le troisième, quant à lui a été détenu plusieurs années au secret avant d'être libéré de la prison de Abou Slim, près de Tripoli, le mois de mars 1995 sans jamais avoir été jugé ou comparu devant un magistrat ou un tribunal.

C'est à la suite de cette libération que la famille de Abdelhamid Al Daquel a pu recevoir pour la première fois des informations sur son sort et apprendre qu'il était vivant et se trouvait également détenu au secret dans la prison d'Abou Slim et qu'il il n'avait jamais fait l'objet d'une procédure judiciaire.

En dépit des nombreuses démarches de la famille auprès de la direction de la prison de Abou Slim et des différentes autorités politiques et judiciaires, celles-ci n'ont jamais reconnu la détention de M. Al Daquel.

Son cas avait été soumis au Groupe de travail sur les disparitions forcées le 06 janvier 2006 dans l'espoir que le gouvernement libyen apporte des éclaircissements sur son sort ; celui-ci n'a cependant jamais cru devoir répondre à cette procédure spéciale.

Le 8 novembre 2008, et pour la première fois depuis sa disparition, la famille de Abdelhamid Al Daquel a reçu la visite d'agents de la sécurité intérieure de Beni Walid qui l'a informée de son décès sans toutefois donner de détails ni sur la date du décès ni sur les circonstances de celui-ci. Ils se sont contentés de demander " d'annoncer publiquement ce décès " en ajoutant qu'ils lui délivreraient prochainement un certificat officiel.

Quelques jours plus tard, les mêmes agents lui ont remis une attestation datée du 6 novembre 2008 établissant que Abdelhamid Al Daquel était décédé à Tripoli le 23/6/1996, décès enregistré sur les registres de l'état civil de l'année 2008.

Il faut rappeler que le 23 juin 1996 correspond à l'un des plus grands massacres de prisonniers de l'histoire contemporaine, massacre au cours duquel, selon des sources concordantes, au moins un millier de détenus ont été tués à l'intérieur de la prison d'Abou Slim par les services de sécurité libyens sous la direction du chef des services de renseignements.

Selon ces sources, les prisonniers avaient voulu protester contre leurs conditions de détention et le fait qu'ils n'étaient pas déférés, depuis plus d'une dizaine d'années, pour certains d'entres eux,  devant des tribunaux.

Après ces évènements, les autorités n'ont jamais publié de listes des victimes et ont interdit toutes visites dans les prisons durant plusieurs années de sorte que des milliers de familles de détenus sont restées dans l'angoisse et l'incertitude quant au sort de leur proche.

En dépit de l'insistance du père de M. Al Daquel, les agents de la sécurité intérieure ont refusé de restituer le corps à la famille ou de lui dire où celui-ci avait été inhumé.

C'est la raison pour laquelle la famille Al Daquel leur a fait part de son refus d'annoncer publiquement le décès de leur fils tant que les autorités ne restituaient pas son corps à sa famille et ne lui communiqueraient pas les causes exactes du décès après qu'une autopsie ne soit effectuée pour les déterminer de façon certaine. Alkarama avait saisi en novembre 2008 le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires et le Rapporteur spécial sur la torture de ce cas.

La famille exprime des doutes sérieux sur la date du décès de M. Al Daquel, celui-ci ayant été enregistré en 2008 sur les registres de l'état civil de Tripoli alors que l'attestation comporte la date du 23 juin 1996 . Elle craint que le décès soit récent et que les autorités ont pu prendre prétexte des évènements de la prison d'Abou Slim pour faire croire au décès au cours de ces évènements.

Ne disposant d'aucune possibilité de se faire entendre par une quelconque autorité judiciaire ou administrative en Libye, la famille a été contrainte de saisir les procédures spéciales des Nations Unies.

La Libye, partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques depuis le 15 mai 1970, ainsi qu'à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants depuis le 16 mai 1989, est tenue de respecter ses engagements internationaux et de garantir à ses citoyens l'application effective des droits internationalement protégés.

Alkarama demande en conséquence au Comité des droits de l'homme :

- De constater les nombreuses violations commises par les représentants de l'Etat parmi lesquelles le droit à la vie, la liberté et la sécurité, à ne pas être torturé.

- D'enjoindre à l'Etat partie d'ordonner une enquête approfondie et diligente sur la disparition et le décès de Abdelhamid Al Daquel, et de rendre compte à sa famille des résultats de celle-ci.

- D'enjoindre à l'Etat partie d'engager des poursuites pénales contre les personnes responsables de la disparition et du décès de Abdelhamid Al Daquel, de les traduire en justice et de les condamner conformément aux engagements internationaux de l'Etat partie.

- De prier instamment l'Etat libyen d'offrir une réparation appropriée  à chacun des ayants droit de la victime du chef des graves préjudices moraux et matériels qu'ils ont subis du fait des violations des droits protégés par le Pacte dont ils sont victimes.

- D'ordonner à la Libye de rendre compte, dans un délai de 3 mois, des suites qu'elle aura données aux Conclusions du Comité.