Libye : L’exécution de l’ancien ministre de la défense, Al Mahdi Al Barghathi, portée à l’ONU

Libye

Le 27 décembre 2023, Alkarama a soumis en urgence au Rapporteur spécial de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires, le cas de l’ancien ministre libyen de la défense, M. Al Mahdi AL BARGHATHI, qui aurait été exécuté après avoir été arrêté avec ses compagnons le 6 octobre 2023 par des membres de la "Brigade Tariq bin Ziyad", une milice dirigée par le fils de Khalifa Haftar, Saddam Haftar, dans le quartier Al-Salmani Al-Sharqi à Benghazi (Est de la Libye). 

Bien que l’incertitude persiste sur la situation de ses compagnons, la mort de l’ancien ministre a été annoncée à sa famille par le procureur général de Tripoli confirmant ainsi la crainte de sa famille qu’il ne soit exécuté par les milices de Saddam Haftar. 

Enlevé par la milice « Tariq bin Ziyad » à son retour à Benghazi 

Alkarama avait initialement soumis le cas de l’ancien ministre et de ses compagnons au Groupe de travail de l’ONU sur les disparitions forcées dans un appel urgent du 12 décembre 2023 afin qu’ils soient localisés et placés sous la protection de loi. 

Tous avaient été enlevés le 6 octobre 2023, alors qu’ils se trouvaient dans la maison de la mère de M. AL BARGHATHI située à Salmani Al-Sharqi, un quartier résidentiel de Benghazi, vers 17h30, alors qu’il recevait des proches venus lui souhaiter la bienvenue à Benghazi. Avant d'être nommé ministre de la défense en 2016, M. AL BARGHATHI était le commandant du 204e bataillon de chars à Benghazi et un membre influent de la tribu Al Awaqir. Il a déménagé à Tripoli après la formation du Gouvernement d’Entente National dirigé par M. Fayez AL SARRAJ. 

En 2019, M. AL BARGHATHI s'est ouvertement opposé à la guerre menée par le général Khalifa Haftar contre Tripoli et a appelé le peuple libyen à désengager leurs fils de la bataille. Depuis lors, il a été pris pour cible par Khalifa Haftar et accusé par ce dernier de « soutenir le terrorisme ». 

Après son départ du GNA, plusieurs tribus libyennes de la province orientale ont tenté de le persuader de revenir s’installer à Benghazi après avoir négocié des garanties pour sa sécurité et celle de ses proches avec Khalifa Haftar. Après plus d'un an de discussion, il a finalement accédé à cette demande et est retourné à Benghazi le 6 octobre 2023. 

Incertitude sur le sort de l’ancien ministre 

Au lendemain de l’attaque, les autorités de facto de Benghazi ont déclaré dans une conférence de presse que M. AL BARGHATHI avait été arrêté après avoir refusé de se rendre suite à la présentation d'un mandat d'arrêt par les milices. Cependant, les personnes présentes ont témoigné qu'aucun mandat d'arrêt ne lui avait été notifié avant l'arrestation. 

Suite à l’enlèvement de M. AL BARGHATHI et de ses compagnons, leurs familles ont déposé des plaintes auprès des Nations Unies en Libye et du Bureau du Procureur Général, en vain. 

La famille de l'ancien ministre a été informée quelques jours après par les autorités de Benghazi qu'un de ses fils, également enlevé, était mort dans l'attaque et ont délivré un permis d'inhumer en leur remettant le corps. Ils ont cependant interdit à la famille de le voir et ont ordonné son enterrement immédiat sous haute surveillance. 

Récemment, le procureur général a avisé la famille de M. AL BARGHATHI que celui-ci était également décédé et qu’il avait été inhumé sans fournir plus d’explications ni révélé où le corps avait été enterré. 

Le refus des autorités de remettre la dépouille de l’ancien ministre a sa famille a suscité des doutes parmi ses proches sur la réalité de son décès,  d'autant plus qu'une vidéo filmée par des miliciens le montrait emmené sain et sauf par les miliciens de la "Brigade Tariq bin Ziyad". 

Cependant, si la mort de l’ancien ministre venait à être confirmée, il ne fait aucun doute qu’il ait été exécuté sommairement par la milice du fils de Khalifa Hafter. 

Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires saisi par Alkarama 

Compte tenu du risque qu’il existe pour les compagnons de M. Al BARGHATHI de subir le même sort que ce dernier, Alkarama a saisi en urgence le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires afin qu’il exhorte les autorités de Benghazi à déterminer le sort et le lieu de détention de l’ensemble des disparus et que ceux-ci soient placés sous la protection de la loi. 

Alkarama a également demandé à ce que les autorités libyennes soient appelées à mener immédiatement une enquête indépendante et impartiale sur les circonstances de la mort de M. AL BARGHATHI et que, dans l’hypothèse où son décès venait à être confirmé, que sa dépouille soit rendue à la famille dans le respect de sa dignité et après qu'une autopsie soit réalisée. 

Alkarama a souligné la nécessité pour les autorités libyennes de faire toute la lumière sur les circonstances du décès de M. Al Mahdi AL BARGHATHI et de sanctionner les responsables à savoir les milices de la "Brigade Tariq bin Ziyad" et leur chef direct, Saddam Haftar.