Libye : l'assassinat de criminels de guerre est une mesure proactive pour effacer les preuves contre les commanditaires
La Libye a connu récemment des assassinats de commandants sur le terrain dans les forces du général Khalifa Haftar. Il s'agit notamment de commandants recherchés pour crimes internationaux en raison de leur implication dans des crimes de guerre, y compris des exécutions contre des civils. Ces assassinats pourraient faire partie d'un stratagème pour liquider les témoins à charge contre les grands criminels recherchés pour la justice, et leurs partisans régionaux et internationaux.
À cet égard, Alkarama s'adressera aux organes de l'ONU concernés par le dossier libyen, en particulier la mission d'enquête sur les violations commises par toutes les parties en Libye établie par le Conseil des droits de l'homme, pour les appeler à enquêter sur ces assassinats et à révéler leurs circonstances.
Mohammed Al Kani
Le 27 juillet 2021, le chef de la milice de Haftar accusé de crimes de guerre, Muhammad al-Kani, a été assassiné avec un de ses compagnons dans leur lieu de résidence dans la zone de Bouatni, au sud-est de Benghazi. .
Plusieurs sources affirment que le chef d'al-Kaniyat, "Muhammad al-Kani", a été tué par la milice de Tariq bin Ziyad, affiliée au fils de Haftar, Saddam. Ce dernier aurait agi sur ordre de son père. Des sources de presse ont rapporté que Muhammad al-Kani a été tué dans une ferme de la ville de Benghazi.
Al-Kani commandait la 9eme brigade d'infanterie de la ville de Tarhuna, connue sous le nom de milice Al-Kaniyat, sous les ordres du général Khalifa Haftar.
Malgré les célébrations dont la ville de Tarhuna a été témoin avec le meurtre d'Al-Kani, mais que l'Association des victimes de Tarhuna a condamné dans un communiqué, Al-Kani "le criminel" a été exécuté de manière sommaire, car il possédait des informations et des secrets sur les tombes collectives et leurs auteurs ainsi que de nombreux autres crimes. L'association a ajouté: "Il est primordial de mener des enquêtes crédibles et non pas tenter de "clore le dossier" en tuant des criminels".
L'association a aussi appelé à une enquête urgente du ministère public et à « remettre le reste des criminels de la région orientale à la justice».
Selon un rapport du Washington Post, la milice Al-Kani, apparue en 2017, a tué des centaines de Libyens de diverses manières, notamment en tirant à bout portant sur les victimes enchaînées.
Le rapport faisait référence à toute une famille torturée puis exécutée par la milice Al-Kani. Alkarama a obtenu de nombreux témoignages sur l'enlèvement, la détention et le meurtre par la milice armée, de personnes qui refusaient son diktat, ainsi que sur des tombes collectives où étaient enterré un grand nombre de victimes civiles, y compris des familles entières qui comprenaient des femmes, des enfants et des nourrissons. Plusieurs ambassadeurs présents en Lybie ainsi que des membres de la Commission d'enquête ont pu visiter ces tombes collectives.
En mars 2021, l'Union européenne a imposé des sanctions à Muhammad et Abd al-Rahim al-Kani ainsi qu'aux autres chefs de la milice al-Kani qui contrôlait la ville de Tarhuna, pour leur implication dans des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées.
La chaîne Russia Today TV a aussi rapporté, citant le journaliste Mahmoud Al-Misrati, proche du général Khalifa Haftar, que Muhammad Al-Kani a été tué « lors de sa résistance au raid contre sa résidence à Benghazi pour l'arrêter, sur la base de deux mémorandums de la justice civile et militaire".
Mahmoud Al Werfalli
Le 24 mars 2021, des inconnus ont assassiné le chef de milice, Mahmoud al-Werfalli, lui aussi sous les ordres du général Khalifa Haftar.
Al-Werfalli a été inculpé à deux reprises par la Cour pénale internationale de La Haye, soupçonné d'avoir tué plus de 40 captifs, Il est apparu en 2018 dans une vidéo dans lsquelle il filmait une dizaine de prisonniers aux yeux bandés.
Ces assassinats laissent à penser que Haftar et ses fils ont intérêt à neutraliser les "officiers d'exécution" de la nouvelle scène libyenne, à blanchir leur image et à se soustraire à la responsabilité des crimes en tant que décideurs.
La milice de Haftar est soutenue par : l'Egypte, l'Arabie Saoudite, la Russie et la France.
Alkarama appelle le Conseil des droits de l'homme à prolonger le mandat de la mission d'enquête en Lybie lors de la prochaine session du Conseil des droits de l'homme en septembre prochain, afin qu'elle puisse enquêter sur les assassinats de criminels de guerre. Le Conseil des droits de l'homme et la Mission d'appui des Nations Unies en Libye doivent assumer leurs responsabilités vis-à-vis de ce qui est commis, afin de préserver la vie des témoins et l'intégrité des preuves jusqu'à la fin des enquêtes.