Alkarama for Human Rights a saisi les groupes de travail sur la détention arbitraire, sur les disparitions forcées et le rapporteur spécial sur la torture à propos du sort réservé à de nombreux membres de la famille Al Judran.
Ibrahim et Oussama Al Judran, nés respectivement en 1983 et 1985 ont été arrêtés le 29 janvier 2005 par des agents des services de la sécurité intérieure. Ces derniers, en tenue civile, ont investi le domicile familial situé à Ajdabiya, ville située à 170 km au sud de Benghazi et ont emmené les deux frères sans mandat d'arrêt. Détenus dans les locaux de la sécurité intérieure d'Ajdabiya, ils ont été sauvagement torturés, en particulier par deux officiers de ce service, dont l'identité est connue.
Après deux semaines de détention au secret, ils ont été transférés à la prison de Essaka à Tripoli, où ils ont à nouveau été maltraités durant plusieurs jours. Ils ont été battus à coups de bâtons et torturés à l'électricité par des officiers supérieurs, dont l'identité est connue.
Les deux frères Ibrahim et Oussama Al Judran étaient accusés d'entretenir des relations téléphoniques avec des membres de l'opposition libyenne réfugiés en Europe ainsi qu'avec leur frère Salem qui se trouvait alors en Mauritanie.
Jamel Al Judran, né en 1968 a été arrêté le 12 août 2005 par des agents de ces mêmes services de la sécurité intérieure. Ils avaient investi le domicile familial à la recherche de Salem qui se trouvait à l'étranger. Ne l'ayant pas trouvé, ils ont embarqué son frère.
Meftah Al Judran, né en 1973 et son cousin Ali Senouci Al Judran, né en 1978 qui habite la maison voisine ont été arrêtés dans des circonstances similaires le 16 août 2005.
Jamel, Meftah et Ali Senouci Al Judran ont été détenus ensemble dans un endroit secret où ils ont été sauvagement torturés, avant d'être transférés à la prison de Slim à tripoli.
Meftah Al Judran conserve de graves séquelles des tortures subies: Suite des multiples fractures infligées par ses tortionnaires, il est actuellement handicapé et ne peut plus se déplacer de façon autonome.
Toujours à la recherche de Salem Al Judran, les services de sécurité intérieure ont fait à diverses reprises irruption au domicile familial. Ces visites nocturnes ont cessé après l'extradition de Salem par les autorités nigériennes le 24 mars 2006. Depuis il a disparu.
La famille Al Judran n'a su le lieu de détention des quatre frères et du cousin qu'après de nombreuses démarches. Tous sont détenus à la prison de Abou Slim de Tripoli. Cette prison est située dans un complexe de la police militaire, dans la zone d'Abou Slim, une banlieue de Tripoli. Elle possède un statut pénitentiaire spécial car elle est dirigée par la Sécurité intérieure et non pas comme les autres prisons par le Comité populaire général de la Justice. Des centaines de prisonniers politiques y sont détenus.
La famille Al Judran n'a toutefois pas pu constituer d'avocat pour défendre ses enfants car aucun n'a accepté de prendre en charge le dossier en raison de l'inexistence d'une procédure légale ou de poursuite judiciaire. Les quatre frères et le cousin ont été traduits devant un tribunal spécial de Tripoli qui relève d'une juridiction d'exception ne garantissant pas aux accusés les garanties minimum d'un procès équitable, public, respectant le droit à la défense.
Ce n'est que dans le courant du mois d'août 2006 que les familles ont appris que leurs fils avaient été condamnés à la réclusion à perpétuité pour Ibrahim et Oussama, à dix années pour Meftah et Jamel et à deux années pour Senouci Ali. L'accusation retenue contre eux est d'avoir "entretenu des relations avec des opposants libyens à l'étranger". En réalité ils n'avaient été en contact qu'avec leur frère qui se trouvait en Mauritanie à ce moment.
Ibrahim, Oussama, Jamel, Meftah et Ali Senouci Al Judran n'avaient pas été informés des raisons de leur arrestation; n'ont jamais reçu notification des accusations portées contre eux, n'ont pas été traduits dans le plus court délai devant un juge, n'ont pas pu bénéficier de la possibilité d'introduire un recours pour contester la légalité de leur détention et n'ont pas été jugés lors d'un procès équitable et public. Ils ont tous été détenus au secret et gravement torturés
Quant à Salem Al Judran, il est victime d'une disparition forcée depuis son extradition du Niger le 24 mars 2006. Il aurait été vu par des détenus de la prison d'Esseka transférés à la prison d'abou Slim le 25 mars 2006. Depuis donc près de 14 mois, la famille est sans nouvelle de lui.
Alkarama for Human Rights demande aux groupes de travail sur la détention arbitraire, sur les disparitions forcées et le rapporteur spécial sur la torture de vérifier qu'il y a eu violation de nombreux articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le gouvernement libyen le 15 mai 1970 ainsi que la convention contre la torture ratifiée le 16 mai 1989.