Par sa Résolution 60/251 du 15 mars 2006, l’Assemblée générale des Nations Unies, a institué le Conseil des droits de l’homme en le plaçant sous son autorité directe, contrairement à l’ancienne Commission des droits de l’homme qui était un organe subsidiaire du Conseil Economique et social.
Cette Résolution a chargé ce nouveau Conseil de « promouvoir le respect universel et la défense de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, pour tous, sans distinction aucune et de façon juste et équitable » (article 2), plus particulièrement en procédant à « un examen périodique universel, sur la foi d’informations objectives et fiables, de la manière dont chaque état s’acquitte de ses obligations et engagements en matière de droits de l’homme de façon à garantir l’universalité de son action et l’égalité de traitement de tous les états » (article 5-e).
Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies tient sa
première session consacrée à l’Examen périodique universel, du 7 au 18
avril 2008, pour examiner les rapports de 16 pays dont 4 pays arabes :
le Bahreïn, la Tunisie, le Maroc et l’Algérie. La Tunisie sera examiné
le mardi 8 avril par un collège de rapporteurs représentant la Bosnie
Herzégovine, l’île Maurice et la Chine.
A la veille de cet examen périodique universel (EPU/UPR) sur la
Tunisie, le Conseil des Droits de l’Homme se trouve lui-même devant un
examen sérieux par lequel il doit rassurer et prouver que ce mécanisme
d’examen périodique n’a pas été fait pour servir la raison des Etats ni
pour disculper des pays longtemps connus, à l’exemple de la Tunisie,
par leurs violations systématiques et répétées des droits de l’homme.
Il sied de rappeler que le rapport tunisien a déjà fait l’objet
d’un examen, le 17 et 18 mars 2008, par la Comité des droits de l’homme
qui a rendu, en date du 28 mars 2008, son projet d’observations finales
sur ledit rapport.
Dans ces observations, le Comité des droits de l’homme a continué à
soulever de très grands et réels sujets de préoccupations et à mettre
l’accent, même si le discours parait cette fois édulcoré et adouci, sur
le fait que les autorités tunisiennes n’avancent quasiment pas sur le
plan de la sauvegarde des droits de l’homme et du respect de la
démocratie.
Conscientes des failles du système, les autorités tunisiennes ont
cependant réussi à passer sous silence le grand retard sciemment voulu
dans la présentation de leurs rapports périodiques, le Comité a été
également pris dans le piège de l’argumentaire tunisien en faisant
passant les autorités tunisiennes comme victimes de «
l’instrumentalisation politique de la religion et à l’extrémisme
religieux lesquels compromettent les droits de l’homme et constituent
une négation de la tolérance, représentent un défi tant pour la société
que pour l’Etat », en leur donnant ainsi indirectement le moyen pour
continuer à éluder leurs responsabilités.
C’est dans ce contexte à la fois nouveau et plus complexe, que le
rapport tunisien sera examiné, le 8 avril 2008, par les rapporteurs des
trois Etats désignés (Bosnie Herzégovine, Iles Maurice et Chine) par le
Conseil des Droits de l’Homme.
La complexité provient d’une part, des limites intrinsèques de ce
nouveau système dans lequel des Etats eux-mêmes accusés de violation
des droits humains doivent se déterminer sur le cas d’un pays, tel la
Tunisie, qui excelle dans le jeu de tenir un « large fossé entre le
discours et la réalité », pour reprendre les termes du rapport
d’Amnesty International de 1993 sur la Tunisie et qui profite de ces
limites pour creuser l’écart entre un discours qui se veut respectueux
des droits et une réalité des plus liberticides.
Cette complexité provient, d’autre part, de la stratégie du
gouvernement tunisien consistant à diluer les droits de l’homme dans
une approche dite « totale » qui nous rappelle le discours soviétique
sur les droits réels et les droits formels, et ce par l’intermédiaire
de plusieurs procédés trompeurs, dont notamment :
* la manipulation d’un groupe d’organisations véritablement
gouvernementales (OVG ou GONGO’s) prétendant défendre des droits de
l’homme pour mieux masquer les entraves à la liberté d’association qui
frappent les vrais défenseurs des droits de l’homme et leurs
associations (voir article 27 du rapport tunisien) ;
* l’aide à ces organisations, présidées dans leur majorité par
des officiels et des parlementaires, pour déposer des rapports, mener
la propagande et usurper le rôle de la vraie société civile autonome.
Les 19 contributions présentées dans le cadre de la session actuelle
n’ont aucun lien avec le sujet de l’Examen (le cas de l’Association
Tunisienne des Mères et la ‘Tunisian Modher’s Association’ qui n’est
qu’une seule association présidée par la députée Saida AGREBI et qui a
présenté le même rapport en deux langues pour atrophier les débats
autour du cas tunisien).
* La manipulation des procédures et des délais à chaque fois
qu’il s’agit de répondre aux recommandations et aux sollicitations
d’informations, surtout auprès des organes de suivi (cas du jeune
Fayçal Barakat, décédé en 1991, dans des conditions suspectes en
détention et pour lequel la Tunisie refuse toujours de mettre en œuvre
l’exhumation du corps selon décision du Comité contre la torture, dans
le seul but de noyer la procédure qui risque d’être déclarée forclose
après l’écoulement du délai de 10 ans dés décision)
C’est pour ces raisons et bien d’autres que l’examen périodique
universel du 8 avril 2008 doit être l’occasion de clamer haut et fort
des actes concrets des autorités tunisiennes concernant le respect des
droits humains par l’abolition de la torture, l’ouverture le champ de
l’exercice légal aux associations libres et indépendantes, par l’arrêt
des arrestations massives et en toute impunité de centaines de jeunes
innocents sous le prétexte d’une lutte contre le terrorisme, dont les
contours n’ont été jusqu’ici jamais définis.
En effet, pour que cet examen soit un vrai bilan et non une
cérémonie de bonnes ou mauvaises intentions, il faut que la discussion
porte sur les détails, sur le vécu au quotidien des défenseurs des
droits de l’homme et des tous les citoyens en général et non sur
l’énumération de l’arsenal juridique théorique par le biais duquel la
Tunisie cache ses torts dans le domaine du respect de la démocratie et
de la citoyenneté.
Fortes de ces constatations, les associations signataires appellent le Conseil des Droits de l’Homme à :
1. Honorer son mandat et à rassurer la société civile
tunisienne en étant attentif face à toute manipulation par les discours
éloquents ou les promesses à non tenir.
2. Prendre les mesures nécessaires susceptibles d’obliger la
Tunisie à respecter ses engagements en matière de respect des droits de
l’homme et des libertés individuelles et publiques.
3. Exiger de la Tunisie des mesures concrètes en faveur de la
société civile tunisienne qui devront être appliqués de suite et sans
avoir à attendre le nouvel examen périodique de 2012.
4. Exiger de la Tunisie des garanties suffisantes concernant
l’arrêt des procès politiques de tout genre, de la torture et la mise
en œuvre de moyens efficaces pour lutter contre l’impunité.
Les associations signataires, qui saluent le soutien précieux des
divers partenaires de leur action, s’engagent à maintenir leur
collaboration dans la défense des droits de l’homme et d’une vraie
démocratie.
Ainsi fait à Genève le 7 avril 2008
Collectif des associations tunisiennes à Genève :
- Vérité-Action
- Union des tunisiens en Suisse
- Association des Victimes de la Torture en Tunisie
- Association Zeitouna