Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de la Jordanie les 29 et 30 avril 2010. Il a rendu publiques ses observations finales à l'issue de sa 44e session qui s'est déroulée jusqu'au 14 mai 2010. Nous relevons ici les recommandations adressées aux autorités jordaniennes qui reflètent les préoccupations essentielles d'Alkarama.
Le Comité regrette que la Constitution jordanienne qui pourtant comporte un chapitre relatif aux « droits et devoirs des Jordaniens » ne mentionne pas explicitement une interdiction de la torture et d'autres formes de mauvais traitements. Il constate que la loi qui ne considère pas la torture comme un crime mais comme une infraction ne prévoit pas de sanctions appropriées (seulement entre 6 mois et trois ans d'emprisonnement).
Le comité recommande donc de mettre la loi jordanienne en conformité avec la Convention contre la torture (article 1 et 4) et de revoir ses règles et dispositions relatives à la prescription et les ajuster aux obligations qui lui incombent, afin que les actes de torture, les tentatives de torture et actes de toute personne qui constituent une complicité ou une participation à la torture, puissent être étudiés, poursuivis et punis, sans limitation de temps.
De nombreuses allégations de torture ont été transmises aux experts de l'ONU notamment pratiquée dans les centres contrôlés par les services de renseignements (General Intelligence Directorate et le Criminal Investigations Department.). Les responsables ne sont poursuivis qu'en vertu de l'article 37 de la loi de sécurité publique de 1965 qui ne prévoit dans ce cas de figure que des mesures disciplinaires, tandis que l'article 61 du Code pénal stipule qu'une personne ne peut être considérée comme pénalement responsable pour les actes accomplis conformément aux ordres donnés par une personne de rang supérieur. En conséquence le Comité suggère de modifier la législation afin de remédier à cette situation.
Le Comité exprime sa préoccupation devant le nombre élevé de plaintes de torture et de mauvais traitements par la police, les services de sécurité, de renseignement et l'administration pénitentiaire, le nombre limité d'enquêtes menées par les autorités, et le peu de condamnations et recommande à la Jordanie d'y remédier notamment en ordonnant des enquêtes menées par une institution indépendante, des poursuites conséquentes et des sanctions.
Aucune circonstance exceptionnelle quelle qu'elle soit ne devrait être invoquée pour justifier la torture, et toute mesure dans le cadre de la lutte contre le terrorisme doit être mise en œuvre dans le plein respect du droit international des droits de l'homme. « À cette fin, l'État partie devrait revoir le Prevention of Terrorism Act 2006 et le modifier, pour le mettre en conformité avec les normes internationales des droits de l'homme. »
Un autre sujet abordé concerne le manque de garanties juridiques pour les détenus, y compris ceux placés sous le contrôle de la Direction générale du renseignement et le département de la sécurité publique. Parmi ces garanties figurent le droit à une défense et à l'accès à un examen médical, le contact avec la famille et la notification des charges retenues. Les experts onusiens recommandent donc de prendre les mesures appropriées pour que ces droits fondamentaux soient implémentés.
D'une manière générale, les conditions de détention sont à améliorer et l'âge minimum de la responsabilité pénale devrait être mise en conformité avec les standards internationaux.
La pratique de la détention administrative place les détenus hors du contrôle judiciaire et en conséquence les expose à des abus et violations de la Convention. C'est la raison pour laquelle il est recommandé de supprimer cette forme de détention.
Un système national efficace de surveillance et d'inspection de tous les lieux de détention, y compris les installations de la Direction générale du renseignement permettrait d'atténuer les abus, en particulier l'emploi de la torture dans ces centres.
En raison des nombreuses allégations de torture attribuées aux agents des différents services de renseignement, un contrôle civil des institutions chargées de la sécurité en particulier du Département du renseignement général s'impose afin de limiter leurs prérogatives de ses agents et veiller à la séparation des pouvoirs, en droit et en pratique, entre les autorités responsables de la détention des suspects et des personnes chargées de l'enquête préliminaire.
Le Comité s'est aussi penché sur l'existence de différents tribunaux spéciaux et invite l'Etat jordanien à les adapter aux normes internationales ou à les abolir.
Il devrait aussi prendre les mesures nécessaires pour assurer irrecevabilité devant le tribunal de confessions obtenues sous la torture dans une procédure.
L'Etat jordanien est prié de fournir des informations par rapport à quatre des recommandations dans un délai d'un an. Il s'agit notamment d'indiquer quelles mesures immédiates et efficaces ont été prises pour prévenir les actes de torture et de mauvais traitements; que les allégations de tortures fassent l'objet d'enquêtes et que les auteurs soient poursuivis et condamnés conformément à la gravité des actes. La législation doit être modifiée afin de prévoir expressément que l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut être invoquée pour justifier la torture.
Ces enquêtes doivent être effectuées par un organisme indépendant et le suspect suspendu de ses fonctions.
Enfin, la Jordanie est invitée à prévenir la violence et les sévices contre les femmes migrantes employées de maison, de leur garantir leur droit de porter plainte contre les responsables, d'examiner et juger ces cas d'une manière prompte et impartiale un mécanisme de surveillance compétente et d'assurer que tous les employeurs et les représentants des agences d'emploi qui abusent des travailleurs domestiques migrants soient traduits en justice.