Alkarama rappelle la possibilité de recourir aux juridictions universelles à l’encontre des responsables irakiens impliqués dans les exécutions arbitraires collectives, dont la fréquence a récemment augmenté.
Les autorités irakiennes ont récemment procédé à l'une des plus grandes vagues d'exécutions depuis 2003, en remettant en septembre les corps d'au moins 50 détenus exécutés par pendaison dans la prison centrale de Nasiriyah, au sud du pays.
Rachid Mesli, directeur d’Alkarama, a déclaré : « Il est alarmant que les autorités irakiennes continuent depuis des années à priver des vies et à commettre des massacres sous le couvert de la peine de mort, basée sur des procès politisés qui ne respectent pas les normes minimales de justice. »
« Alkarama suit de près depuis des années l'érosion du droit à la vie dans un pays souffrant de grandes lacunes structurelles dans son administration, et où le système de justice n'est pas apte à émettre des peines de mort alors que le pays reste sous l'influence de forces étrangères conflictuelles, compromettant l'indépendance des institutions, notamment la justice. », a-t-il ajouté.
Crime contre l'humanité
Mesli a souligné que « les exécutions collectives en Irak équivalent à des crimes contre l’humanité », un point également soulevé par des experts des Nations unies.
Des experts en droits de l'homme ont alerté sur les exécutions systématiques menées par le gouvernement irakien contre des prisonniers condamnés à mort, fondées sur des aveux obtenus sous la torture et sur une loi antiterroriste imprécise. Selon le droit international, ces exécutions constituent une privation arbitraire de la vie et pourraient être qualifiées de crime contre l'humanité.
Dans un communiqué en date du 27 juin 2024, les rapporteurs spéciaux ont déclaré : « Nous sommes alarmés par le nombre élevé d'exécutions rapportées publiquement depuis 2016, près de quatre cents, dont 30 cette année, ainsi que par l'engagement politique explicite à continuer d'appliquer les peines de mort, en totale ignorance des irrégularités signalées dans l'administration de la justice, des cas de disparitions forcées et des aveux entachés de torture ayant conduit à ces condamnations injustes. »
Les experts ont une nouvelle fois exhorté le gouvernement irakien à suspendre immédiatement toutes les exécutions, à garantir un nouveau procès équitable pour les prisonniers condamnés à mort, en particulier ceux accusés de crimes liés au terrorisme, et à mener des enquêtes complètes et impartiales sur toutes les allégations de disparitions forcées, de torture et de mauvais traitements, conformément aux normes internationales, et à rendre les résultats publics.
Un registre officiel en Irak recense environ 8 000 prisonniers en attente d'exécution. Selon les experts, les exécutions arbitraires généralisées et systématiques peuvent constituer des crimes contre l'humanité, engageant la responsabilité pénale de tout responsable impliqué, que ce soit directement ou par consentement.
Activité d’Alkarama
Depuis deux décennies, Alkarama travaille sur de nombreux cas de violations des droits de l’homme en Irak, y compris les exécutions après des procès inéquitables, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les détentions arbitraires et la torture.
Alkarama a déposé des plaintes auprès des procédures spéciales, mais le problème persistant reste le manque de coopération du pays avec les mécanismes des Nations unies en matière de droits de l’homme. Par exemple, Alkarama a émis de nombreux appels urgents aux procédures spéciales des Nations unies concernant le jeune Yéménite Saleh Moussa Ahmed Mohammed al-Baydani (né en 1993), disparu depuis son enlèvement en 2009. Les autorités irakiennes affirment avoir appliqué sa peine de mort, en dépit des requêtes et des lettres émises par les mécanismes onusiens demandant la suspension de l'exécution.
Alkarama exhorte les organisations de la société civile et les familles des condamnés à mort en Irak à rompre le silence et à agir rapidement pour documenter les jugements et collecter toutes les informations nécessaires, notamment les noms des juges, des responsables politiques, des chefs de milices et de toute personne impliquée dans ce crime contre l'humanité.
Alkarama se tient prête à collaborer avec les familles des victimes, y compris en déposant des plaintes devant la justice internationale contre toute personne impliquée dans des procès arbitraires et inéquitables ayant abouti à des condamnations à mort.