IRAK : Le Comité des disparitions forcées de l’ONU exhorte le gouvernement à éclaircir le cas de Saleh AL BAYDANI

البيضاني

Le Comité des disparitions forcées de l’ONU, chargé de veiller à l’application de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ratifiée par l’Irak le 23 novembre 2010, a exhorté, le 18 octobre 2022, l’État partie à révéler le sort de Saleh Musa Ahmed Mohammed AL BAYDANI (1993) disparu depuis son enlèvement en 2009.

Citoyen yéménite, Al Baydani s’était rendu en Irak pour travailler et subvenir aux besoins de sa famille qui vit au Yémen. Le 12 août 2009, il a été arrêté dans le district de Tal Afar, dans la province de Ninive (nord-ouest, Irak) par les forces américaines qui soupçonnaient, au lendemain de l'invasion de l'Irak en 2003, tous les Arabes d'origine non irakienne d'appartenir à la "résistance armée" contre les "forces d'occupation américaines".

Au moment de son arrestation, Al Baydani était âgé de 17 ans. Les soldats américains qui l'ont arrêté ont immédiatement confisqué ses documents d'identité et, bien que l'accord sur le statut des forces (un pacte de sécurité également appelé SOFA) en vertu duquel les forces américaines sont tenues, entre autres, d'obtenir un mandat d'arrêt des autorités irakiennes avant de procéder à toute arrestation était en vigueur, aucun document officiel n'a été présenté ou notifié à Al Baydani.

Détention de la victime et condamnation à l’issue d’un procès inéquitable

Pendant les dix mois qui ont suivi son arrestation, il a été détenu au secret dans la prison d’Abu Ghraib. Il n’a finalement été autorisé à contacter sa famille pour la première fois qu’en mai 2010. Il a ensuite été transféré pendant un mois dans un centre de détention de la Zone verte contrôlée par la 56e brigade de l'armée irakienne, placée sous le contrôle et l'autorité du Premier ministre Al Maliki, brigade connue pour ses crimes et exactions contre les civils, avant d'être ramené à Abu Ghraib.

Le 18 juillet 2011, Al Baydani a été traduit pour la première fois devant un tribunal. A l’issue d’un procès expéditif, il a été condamné à mort sous prétexte d’association avec un groupe terroriste.

Al Baydani qui a contesté ces accusations lors de l'audience n'a pas eu les moyens de se défendre car il n'a jamais eu accès à un avocat depuis le début de sa détention. Un tel verdict constitue non seulement une violation du droit interne mais également du droit international qui garantissent le droit à un procès équitable et interdisent l'imposition de la peine de mort aux mineurs.

Alkarama s’était adressé au Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires

Préoccupée par le risque imminent de l’exécution d’Al Baydani, Alkarama avait envoyé le 23 août 2012 un appel urgent au Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.

Le 10 décembre 2012, après avoir été informée du transfèrement d'Al Baydani à la prison d’Al Kadhamyia, connue pour être le lieu d'exécution des condamnations à mort, Alkarama a soumis un second appel urgent au même Rapporteur spécial appelant à l’annulation de son exécution et demandant qu’il soit rejugé par un tribunal dans le respect des normes internationales du procès équitable. Selon sa famille, l'exécution d'Al Baydani a effectivement été suspendue par la suite.

Al Baydani a ainsi continué à appeler régulièrement sa famille jusqu'à la fin du mois de juin 2014. Cependant, et sans raison apparente, ses proches ont cessé de recevoir des appels de sa part. Leurs différentes tentatives pour obtenir des informations auprès des autorités pénitentiaires sont restées vaines à ce jour.

Alkarama avait saisi le Comité contre les disparitions forcées

En dernier recours, Alkarama a envoyé une communication au Comité des Nations Unies sur les disparitions forcées (CED) lui demandant d'intervenir auprès des autorités irakiennes pour exiger la libération immédiate d'Al Baydani ou, à tout le moins, qu'il soit placé sous la protection de la loi et que sa condamnation à mort soit suspendue.

Après plusieurs années de silence, l’État partie s’est adressé au Comité pour solliciter la clôture de l’action urgente concernant la victime aux motifs que celle-ci aurait été exécutée sur ordre judiciaire et qu’elle aurait été enterrée, conformément à la loi sur la santé publique no. 89 (1981) et en l'absence de ses proches, de son représentant légal ou de fonctionnaires de l'ambassade du Yémen à Bagdad pour réclamer le corps.

Alkarama a demandé au Comité onusien de maintenir le cas ouvert car, contrairement aux allégations de l’État partie, la famille d’Al Baydani n’a jamais reçu aucune information officielle quant à son sort et à l'endroit où il aurait été enterré.

En faisant droit à la demande d’Alkarama, l’organe onusien a confirmé que le sort de M. Saleh Musa Ahmed Mohammed Al Baydani ne sera considéré comme résolu et que sa disparition aura cessé uniquement que « lorsque sa famille sera dûment et officiellement informée de son sort et du lieu où il se trouve, et que ce lieu pourra être confirmé par un certificat de décès. »

Le Comité a ainsi rappelé à l'État partie qu'en vertu de l'article 24(2) de la Convention, « toute victime a le droit de savoir la vérité sur les circonstances de la disparition forcée, sur le déroulement et les résultats de l'enquête et sur le sort de la personne disparue. Tout État partie prend les mesures appropriées à cet égard. »

L’État partie dispose jusqu’au 18 novembre 2022 pour apporter des éclaircissements concernant la situation de la victime.