Face au refus de l’Algérie de coopérer avec le Comité des droits de l’homme de l’ONU, Alkarama met les procureurs concernés devant leurs responsabilités

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En avril et mai 2016, Alkarama a saisi officiellement plusieurs procureurs algériens pour les appeler à ouvrir des enquêtes sur des crimes commis au plus fort de la guerre civile algérienne, et notamment dans les cas de la disparition forcée de Lakhdar Bouzenia, Maamar Ouaghlissi, Tahar et Bachir Bourefis ainsi que l'assassinat par le chef de Daira de Taher des frères Nasreddine et Messaoud Fedsi.

Dans chacun de ces cas soumis par Alkarama, le Comité des droits de l'homme a condamné l'Algérie après avoir établi les graves violations au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) commises par des agents de l'Etat. En dépit des décisions rendues par cette instance des Nations Unies appelant le gouvernement algérien à mener des enquêtes approfondies sur les circonstances des disparitions ou des exécutions sommaires, aucune suite n'a jamais été donnée par l'Etat partie. Dans le cadre du suivi des décisions rendues, Alkarama a envoyé des courriers aux diverses instances officielles pour leur demander la mise en œuvre de ces décisions et a informé les experts onusiens de cette démarche.

Pour rappel, Lakhdar Bouzenia, député du Front Islamique du Salut (FIS) a disparu le 27 octobre 1993 au cours de son transfèrement effectué par le Darak Al Watani (Gendarmerie Nationale) du centre de détention de Jijel vers le centre de détention de Constantine où il devait comparaitre devant la Cour Spéciale. Il n'est jamais arrivé à destination alors qu'il se trouvait entre les mains de la justice.

Maamar Ouaghlissi avait été arrêté le 27 septembre 1994 sur son lieu de travail par trois agents en civil qui se sont présentés comme des membres de la Sûreté nationale (Al Amn Al Watani). Tahar Bourefis avait été arrêté à son domicile par des militaires de l'Armée nationale populaire (ANP) dans la nuit du 22 au 23 août 1996 et son fils Bachir quelques mois plus tard, les deux hommes étaient suspectés d'avoir des sympathies pour le FIS. Depuis lors, les proches de ces victimes n'ont plus jamais obtenu de leurs nouvelles, les autorités algériennes refusant de les informer sur leur sort.

Par ailleurs, Alkarama a également sollicité l'intervention des autorités judiciaires algériennes concernant les cas des frères Nasreddine et Messaoud Fedsi. Ces derniers avaient été arrêtés et sommairement exécutés par des gendarmes et des policiers, commandés par le chef de daïra (sous-préfet) de Taher et ce en présence de nombreux témoins.

On estime qu'entre 8'000 et 20'000 personnes, selon les sources, ont été victimes de disparitions forcées et que plusieurs dizaines de milliers d'Algériens ont été sommairement exécutés. Tous ces crimes ont été perpétrés par la police et les militaires entre 1992 et 1998 à la suite du coup d'état de l'armée algérienne en janvier 1992 après la victoire du FIS aux élections législatives de décembre 1991. Les autorités ont toujours refusé depuis de faire la lumière sur les circonstances de ces crimes et de traduire en justice leurs auteurs, notoirement connus et identifiés, se prévalant des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui instaure une impunité généralisée au profit des auteurs de ces crimes.

Alkarama rappelle aux autorités judiciaires algériennes leur responsabilité légale et leur devoir moral d'ouvrir sans plus tarder des enquêtes impartiales et indépendantes, d'établir le sort des disparus, dire la vérité aux familles des victimes et leur rendre justice afin que les ayants droit de celles-ci recouvrent leur dignité.

Pour plus d'informations ou une interview, veuillez contacter media@alkarama.org (Tel: +41 22 734 1008).