Égypte : les récentes condamnations à mort prononcées à l’issue de procès en masse révèlent l’indifférence des autorités pour le respect des droits de l’homme

Alkarama dénonce les récentes condamnations à mort rendues à l'encontre de 188 égyptiens – dont 53 par contumace – par la cour pénale de Gizeh dans le cadre du procès relatif à l'attaque du 14 août 2013 contre le poste de police de Kerdasa, quelques heures après les massacres de Raba'a Al Adawiya et Al Nahda.

Alkarama avait déjà fait part il y a plusieurs mois de son inquiétude concernant les procès de masse et condamnations à mort en saisissant différentes procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. À l'époque, les titulaires de mandats des procédures spéciales avaient dénoncé cette « parodie de justice ».

En déclarant sa volonté « construire une nouvelle Égypte, un état respectant les droits et les libertés, honorant ses obligations et assurant la coexistence de ses citoyens sans exclusion ni discrimination » et « un Etat qui respecterait l'état de droit ainsi que les libertés de croyance et de culte de son peuple » lors de son allocution le 24 septembre 2014 devant l'Assemblée générales (AG) des Nations Unies, le président Al Sisi avait pourtant donné l'espoir de voir l'Égypte s'engager dans le respect des droits de l'homme. Toutefois, la lourde décision rendue le 2 décembre dernier par la cour pénale condamnant ces 188 citoyens à la peine capitale révèle que le système judiciaire égyptien continue de manquer d'indépendance et d'impartialité, et ne respecte pas les droits les plus fondamentaux, en particulier ceux relatifs au droit à un procès équitable.

Un Etat de droit et une démocratie ne peuvent se construire sans un système judiciaire indépendant et impartial, ce qui demande la présence de juges et de procureurs formés à appliquer les normes internationales des droits de l'homme. Les autorités égyptiennes doivent sans délai prendre des mesures afin d'assurer que les principes d'équité des procès soient appliqués dans ses tribunaux, indépendamment des affinités politique des personnes accusées.

L'on ne pourra s'empêcher de faire le parallèle entre l'abandon des accusations de meurtre lors de la révolution de 2011, contre Moubarak et son personnel – en dépit des preuves irréfutables les impliquant directement – et la décision de condamner ces 188 personnes à mort. Bien qu'il ne puisse y avoir de justice à double vitesse, le système judiciaire égyptien a malheureusement encore démontré que les règles n'étaient pas les mêmes pour tous.

Comme souligné par Alkarama lors du deuxième examen périodique universel de l'Egypte (EPU) du 5 novembre 2014, et réitéré le 3 décembre dernier par la Porte-parole des affaires étrangères et politiques de l'Union européenne (UE) selon laquelle : « Le jugement préliminaire rendu par un tribunal de Gizeh, qui condamne à la peine de mort pas moins de 188 personnes pour avoir lancé une attaque violente contre un commissariat de police l'an dernier, suscite de vives inquiétudes. [...] L'UE est opposée à l'application de la peine capitale et considère que l'abolition de cette dernière est indispensable pour protéger la dignité humaine », Alkrama rappelle que la pratique de la peine capitale n'est et ne sera jamais une solution adéquate pour régler les problèmes de l'Égypte. Nous enjoignons en ce sens les autorités à mettre en place un moratoire sur la peine de mort en vue de son abolition.

Les autorités doivent absolument mettre fin à cette parodie de justice et garantir que le système judiciaire en place garantisse les droits de ses citoyens. Alkarama demande à ce que des mesures concrètes soient prises au niveau exécutif, législatif et judiciaire afin d'assurer la défense, la protection et la promotion des droits les plus fondamentaux de ses citoyens. Cela devrait s'inscrire dans une logique de dialogue transparent et constructif entre les différentes parties prenantes en vue de mettre fin à la polarisation et la crise de la société égyptienne.

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