Egypte: 9 civils traduits devant des tribunaux militaires libérés dans le cadre d'une mesure d'amnistie

Neuf civils condamnés à des peines de prison par des juridictions militaires ont été libérés dans le cadre d'une mesure d'amnistie promulguée le 25 janvier dernier par le Conseil suprême des forces armées, à l'occasion du premier anniversaire de la révolution égyptienne. Si Alkarama accueille avec satisfaction la nouvelle de leur libération, elle reste préoccupée par la situation des milliers de civils traduits devant des tribunaux militaires et détenus arbitrairement.


Osman Ahmed Abu Zaid, son fils Badran Osman Ahmed Abu Zaid, Helal Ahmed Abu Zaid (le frère d'Osman) et Mahmoud Hamed Hanafi Mohamed ont tous quatre été arrêtés suite à une dispute avec un membre de l'ex-parti au pouvoir. Ce dernier a immédiatement informé des officiers de police qui sont venus arrêter les quatre civils un peu plus tard dans la journée. Tous ont été présentés devant la cour criminelle militaire du nord le 25 mai 2011 et accusés dêtre en possession d'armes, d'avoir tenté de tirer sur des officiers de police et d'avoir causé des dommages matériels aux commerces environnants. Les quatre hommes, condamnés à trois ans de prison, ont été placés en détention à la prison d'El-Marg.

Le 7 juin 2011, Jamil Mustafa Mohamed Seraj El-Dinne, 59 ans, s'est disputé avec un officier de police. L'agent l'a battu, arrêté et amené au poste de police d'El-Daheer où la victime est restée détenue jusqu'à son procès le 2 juillet 2011. Un autre officier de police présent au poste l'a gravement torturé pendant sa détention. M. El-Dinne n'a bénéficié aucun soin médical pour soigner les blessures résultant des tortures subies.
Il a ensuite été présenté devant un tribunal militaire qui l'a accusé d'avoir battu un officier de police dans l'exercice de ses fonctions, de tentative de vol, de possession d'armes et de ne pas respecter le couvre-feu. Il a été condamné par le Tribunal militaire du Caire le 2 juillet 2011 à 5 ans d'emprisonnement et placé en détention à la prison de Wadi El-Natron.
Le 25 février 2011, Amro Abdullah Abdul Rasul El-Beheiri, 32 ans, était présent à un rassemblement organisé sur la place Tahrir pour demander le départ d'Ahmed Shafik, l'ex-premier ministre . Les forces militaires sont intervenues rapidement pour disperser la foule et faire respecter le couvre-feu. M. El-Beheiri qui a tenté de résister a été arrêté sur le champ. Son affaire a été transférée au tribunal militaire du Caire et il a été accusé d'avoir battu un officier de police dans l'exercice de ses fonctions et de ne pas avoir respecté la loi sur le couvre-feu. Il a été condamné le 1er mars 2011 à 5 ans de prison et placé en détention à la prison Al-Wadi Al-Jadid.
Mohamed Ishak Mohamed Ahmed, 22 ans, a été arrêté chez lui le 16 mars 2011. Ce jour-là, un officier de police et des soldats sont entrés dans l'immeuble à la recherche d'un indivividu. Les agents, ne trouvant pas l'homme qu'ils cherchaient, sont entrés dans l'appartement de M. Ahmed pour lui demander s'il l'avait vu. Lorsque M. Ahmed a dit qu'il ignorait où l'homme se trouvait, les agents l'ont arrêté et l'ont emmené vers une destination inconnue. Ce n'est que trois jours plus tard que son père a fini par apprendre qu'il se trouvait dans la zone militaire B-C 23 au Caire. M. Ahmed a ensuite été transféré à la zone militaire B-C 28 avant d'être présenté le 23 mars 2011 devant le tribunal militaire du Caire et accusé d'être en possession de 22 cocktails molotov, d'avoir opposé résistance à son arrestation, d'avoir fait usage de violence, et de ne pas avoir respecté la loi sur le couvre-feu. Il a été condamné à 25 ans de prison. M. Ahmed a d'abord été détenu pendant 70 jours à la célèbre prison Tora où il a été battu et maltraité par les gardes. Il a ensuite été transféré le 31 mai 2011 à la priosn d'Abu Zaabal où il est resté jusqu'à sa libération.

Ce jour-là, le 14 mars 2011, une dispute éclate sur la route d'Abbasiya au Caire entre Mohamed Khaled Mohammed Moussa, 23 ans et un autre chauffeur de taxi. Un officier de l'armée intervient et finit par en venir aux mains et par frapper M. Moussa à la tête, jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Lorsque M. Moussa se réveille, c'est pour découvrir qu'il se trouve dans la zone militaire B-C28. Là, il a été battu et électrocuté à de nombreuses reprises.
Il a été présenté le 22 mars 2011 devant le tribunal militaire du Caire et accusé d'avoir empêché un agent d'accomplir son devoir en faisant usage d'une arme, d'avoir insulté un fonctionnaire et d'être en possession d'arme. Il a été condamné à 3 ans d'emprisonnement et placé en détention à la prison d'El-Fayoum.

Le 3 avril 2011, M. Hany Abdel Karim Abdelhamid Badr, 31 ans, était sur sa moto près de l'église Ste Marie lorsqu'il est tombé en tentant d'éviter une voiture de police. Les policiers qui ont trouvé ce comportement suspect sont immédiatement descendus de la voiture pour l'arrêter brutalement. M. Badr leur a dit qu'il était innocent, n'avait rien commis d'illégal et c'est alors que les officiers l'ont battu de plus belle et l'ont embarqué au poste de police d'Embaba où il a été encore maltraité. M. Badr a ensuite été détenu dans un centre de détention de l'armée jusqu'au 19 mai 2011. Le 20 mai, il a été présenté devant le tribunal militaire du Caire qui l'a accusé d'être en possession d'arme et d'empêcher un officier de police d'accomplir son devoir. M. Badr a été condamné à 7 ans de prison et placé en détention à la prison d'Al Fayoum.

Devant le caractère arbitraire de leur détention, Alkarama avait soumis leurs cas au Groupe de travail sur la détention arbitraire de l'ONU le 11 octobre 2011.

Les neuf hommes ont été libérés le 25 janvier dernier après des mois de détention arbitraire dans le cadre d'une mesure d'amnistie accordée par le Conseil suprême des forces armées pour 2000 personnes à l'occasion du premier anniversaire de la révolution égyptienne.

Alkarama accueille avec satisfaction la nouvelle de leur libération mais demeure préoccupée par la situation de milliers de personnes qui sont encore arbitrairement détenues en Egypte après avoir fait l'objet de procès inéquitables devant des tribunaux militaires. Nous rappelons que le GTDA des Nations unies a déclaré: " (...) les tribunaux militaires ne devraient pas avoir compétence pour juger des civils, quelles que soient les accusations portées contre eux. (Voir Avis du GTDA No. 27/2008). Aussi, Alkarama appelle les autorités égyptiennes à respecter leurs obligations en vertu de la législation internationale des droits de l'homme et de mettre un terme aux procès de civils devant des tribunaux militaires.