Arabie saoudite: "Sit-in de la liberté" - Des dizaines de familles de détenus sont arrêtées

Le 10 juin dernier, des dizaines de femmes et d'enfants sont sortis manifester dans plusieurs villes saoudiennes - Al-Jawf, Hail, La Mecque, Riyad, Bouraydah et d'autres - à l'occasion d'un sit-in organisé à l'échelle nationale: "le sit-in de la liberté". Les manifestantes ont demandé la libération de leurs fils, leurs maris et leurs pères détenus pour certains depuis plus de 10 ans, en-dehors de toute procédure légale, la fin des tortures physique et psychologique en détention, et leur accès à des traitements médicaux.

Les participants ont expliqué qu'elles exigeaient la libération de tous ceux détenus sans procès pour plus de 6 mois et ceux qui ont purgé leurs peines d'emprisonnement. Bouryadah a été le théâtre de grandes manifestations où des dizaines de femmes et d'enfants se sont rassemblés. Une centaine d'hommes se sont joints au sit-in peu après. Tous ont été arrêtés.

Après que 52 femmes et enfants ont été arrêtés mardi 11 juin dans l'après-midi, un sit-in a été organisé en protestation par des dizaines de femmes et d'hommes devant le centre commercial Al-Atim à Bouraydah. Des agents des services de sécurité ont encerclé les manifestants pendant 15 minutes et ont bloqué les routes. Ils les ont battu à coups de bâton avant de les arrêter et de les amener au poste de police menottés. Tout au long de la route, les agents les ont insulté à plusieurs reprises en serrant davantage les menottes. Arrivés à proximité du poste de police, ils sont restés dans le bus dans lequel ils ont été transportés de 17h à 3h du matin en attendant d'être transférés dans des centres de détention. Ils n'ont pas été autorisés à prier à temps, et l'un d'eux a même été battu alors qu'il faisait sa prière sous prétexte qu'il prenait trop de temps pour la faire.

La plupart des manifestants ont été arrêtés lundi 10 juin 2013, le premier jour de sit-in à Bouraydah, à Riyad et à La Mecque. A Hail, les membres des tribus locales se sont interposées entre forces de sécurité et manifestants. Les agents leur ont demandé de partir en les menaçant des les jeter en prison s'ils ne suivaient pas leurs ordres. Les manifestants ont refusé mais les membres des tribus ont empêché les agents de les arrêter; les femmes et les enfants ont donc pu rentrer chez eux en toute sécurité. Un autre sit-in a eu lieu à Al-Jawf, dans un lieu beaucoup plus isolé si bien que les forces de sécurité n'ont pas pu réprimer les manifestants qui se sont rassemblées pendant plusieurs heures avant de rentrer chez eux.

L'intervention des forces de sécurité à La Mecque a été violente: les manifestants ont eu leurs habits déchirés, une dame âgée - Oum Mansour - qui souffre de mobilité réduite, a été molestée par des agents des services de sécurité qui ont tenté de la forcer à rentrer dans une voiture de police. Une autre femme, l'épouse d'un détenu, Hanine Al-Jazairi, a eu la main cassée et Sarah Faqih qui allait se marier jeudi 13 juin a été arrêtée. Les agents ont également arrêté Namour Al-Jazairi, une jeune fille de 15 ans qui a déjà passé deux ans en prison avec sa mère Hanane Al-Samkari et ses deux soeurs alors âgées de 4 à 12 ans.

Une manifestation a été organisée par des femmes à Riyad devant la Commission d'enquêtes et de poursuites : Dr Badria Al-Rashoudi et Bahia Al-Rashoudi, les filles du docteur Sulayman Al-Rahshoudi ont toutes deux été arrêtées avec Hamidah Al-Ghamdi, Hanan Al-'Amirini, Sarah et Saja Al-Samih. Ont également été arrêtés Abdallah Al-Samih, Sultan Al-Samih et leur pèreFahad Al-Samih qui a été touché par une voiture de police au cours du rassemblement. Dr. Badria All-Rashoudi et Fahad Al-Samih ont ensuite été libérés.

Les personnes détenues rapportent qu'elles ont été soumises à des abus physiques et psychologiques. Leur nourriture a été délibérément empoisonnée par les gardiens de prison. Les détenus ont été emmenés à la prison publique de Bouraydah et à la Prison Al-Malaz à Riyad où les agents des services de sécurité ont donné l'ordre de les battre. Au cours des enquêtes qui ont suivi, l'un des détenus a demandé à l'enquêteur si l'Arabie saoudite avait ratifié un traité en faveur de la liberté de rassemblement pacifique. Il lui a répondu: "Oui, c'est vrai. Mais ce n'est pas pour vous!".

Plusieurs femmes et enfants ont été libérés le 17 juin. Cependant, à Bouraydah seulement, près de 80 personnes sont encore détenues et leurs familles n'ont pas la moindre information sur leur situation actuelle. Les autorités n'ont autorisé ni appel téléphonique, ni visite. Le 17 juin, 12 des détenus arrêtés au cours du "sin- in de la liberté" à Al-Atim a commencé une grève de la faim à Dar Al-Mulahathah, 18 d'entre eux sont mineurs.

A la suite de ces arrestations, plusieurs manifestations, marches ou veillées ont été organisées en signe de protestation. A chaque fois que les proches des détenus demandent leur libération par les voies officielles, ils se heurtent systématiquement à un refus des autorités de recevoir leur requête et sont expulsés par les services de sécurité.