ARABIE SAOUDITE : DES EXPERTS DE L'ONU JUGENT ARBITRAIRE LA DETENTION DU DR AWAD AL-QARNI

عوض القرني

Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a rendu son Avis n°55/2023 concernant l'éminent professeur de droit et prédicateur saoudien Awad bin Mohammed Al Qarni dans lequel il a reconnu que la restriction de sa liberté constitue une détention arbitraire contraire au droit international relatif aux droits humains en particulier à la Déclaration universelle des droits de l'homme. 

Dans l'Avis adopté lors de sa 97ème session, qui s'est tenue du 28 août au 1er septembre 2023, les experts du Groupe de travail ont critiqué le procès inique de M. Al Qarni ouvert pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression à la suite de ses critiques à l'égard de la campagne d'arrestations et d'interdictions de voyager des intellectuels et des leaders d'opinion saoudiens. 

Alkarama s’était adressée aux expert des droits de l’homme des NU concernant le cas de M. Awad Al Qarni, sexagénaire arrêté par les services de renseignement saoudiens en 2017 lors d'une répression généralisée contre les prédicateurs, les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes et les hommes d'affaires, y compris les membres de la famille royale. 

Condamnation des autorités 

Dans son Avis, le Groupe de travail qui a repris et réfuté les réponses du gouvernement saoudien, a appelé ce dernier à prendre des mesures urgentes pour assurer la libération immédiate du Dr Al Qarni et à lui accorder un une indemnisation. 

Au vu de la fiabilité des informations fournies par Alkarama, le Comité a estimé que M. Al Qarni avait fait l’objet d’une détention provisoire arbitraire et de disparition forcée pendant plusieurs semaines après son arrestation et jusqu'à ce qu'il soit autorisé à passer un bref coup de fil pour informer ses proches qu'il était détenu à la prison de Dhahban, à Djeddah. Il a ensuite été de nouveau isolé du monde extérieur et détenu pendant près de six mois sans que sa famille ne soit autorisée à lui rendre visite. 

Ce n'est qu'après plus de cinq ans de détention que la famille de M. Al Qarni a été informée du risque qu'il encourt d'être condamné à mort. 

Le Groupe de travail a toujours affirmé que la détention de personnes dans des lieux secrets et non divulgués et dans des circonstances non divulguées de la famille d'une personne constitue une violation du droit de la personne concernée de contester la légalité de sa détention devant une cour ou un tribunal. Les experts ont noté que le Gouvernement n'avait pas fait part dans sa réponse des raisons pour lesquelles le lieu de détention de M. Al Qarni n’avait pas été révélé à la famille et à son avocat au moment de son arrestation et de sa détention. 

Le Groupe de travail a reconnu que la privation de liberté de M. Al Qarni est le résultat de l'exercice de ses droits protégés par les articles 18, 19 et  20 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et que les charges retenues contre lui sont liées à des actes relevant de son droit à la liberté d'opinion et d'expression, en particulier en tant qu'universitaire et érudit religieux appelant à une réforme de la gouvernance dans son pays, à une plus grande participation démocratique, à l’obligation de rendre des comptes et au respect des droits de l'homme. 

Actions d'Alkarama 

Alkarama s’était adressée à plusieurs experts des droits de l'homme de l'ONU au sujet du Dr Awad Al Qarni que les autorités saoudiennes accusaient d'utiliser les réseaux sociaux (Twitter et WhatsApp) pour publier des informations qu'elles qualifiaient d'« hostiles » au Royaume. 

Alors que l'Arabie saoudite continue de réprimer ses opposants en ligne, l'utilisation des réseaux sociaux reste particulièrement surveillée, et toute critique de la politique des autorités du royaume est criminalisée depuis le début du règne de Mohamed Bin Salman. 

Arbitrairement détenu depuis son arrestation, M. Al Qarni risque d’être condamné à la peine de mort pour avoir exprimé pacifiquement ses opinions sur les réseaux sociaux. 

Préoccupée par sa situation, Alkarama s’est adressée en urgence au Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire le 28 février 2023 l'appelant à exhorter les autorités saoudiennes à le libérer. 

Plainte d’Alkarama 

Dans sa plainte, Alkarama a souligné que la privation de liberté de M. Al Qarni est juridiquement infondée et donc arbitraire en ce qu’elle ne répond pas aux normes énoncées dans les Principes de base relatifs à la détention. 

Alkarama a informé les experts indépendants de l'ONU que l'accusation forgée de toutes pièces à l’encontre de M. Al Qarni et pour laquelle le ministère public saoudien requiert la peine de mort découle d'une simple utilisation des médias sociaux tels que WhatsApp et Twitter (plateforme X). 

Dans sa plainte au Groupe de travail, Alkarama a souligné le caractère arbitraire de sa détention pour avoir exercé son droit à la liberté d'opinion et d'expression, qui comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toutes sortes. 

Alkarama a également attiré l'attention des experts sur de nombreuses violations des droits fondamentaux de la victime à un procès équitable, y compris le droit de bénéficier d'une assistance juridique tout au long de son procès. 

Préoccupée que le  procès et les traitement infligés à M. Al Qarni ne soient le résultat direct de l'expression de ses opinions politiques, Alkarama a appelé le Groupe de travail des Nations unies à reconnaître le caractère arbitraire de la privation de liberté de l'universitaire saoudien et à exhorter l'État partie à le libérer sans délai, conformément à ses obligations internationales. 

En janvier 2023, Alkarama avait soumis le cas de l’universitaire au Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, au Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression et à un certain nombre d'autres procédures de l'ONU concernant le risque qu'encourt M. Al Qarni d'être condamné à la peine de mort, peine requise par le parquet saoudien. 

Alkarama a fermement condamné l'utilisation du système judiciaire comme outil politique pour assassiner des leaders d'opinion et des militants en Arabie saoudite par le biais de condamnations à mort prononcées dans des cas liés à l'exercice des droits à l'opinion et à la liberté d'expression et à la dissidence pacifique tel qu’en l’espèce.