Aller au contenu principal
قليل وحاجب

Alkarama avait porté devant le Comité des Nations Unies sur la torture les cas de Lakhdar Guellil, (Algérie) et de Mohamed Hajib, (Maroc), deux victimes de tortures dont les souffrances ont été officiellement reconnues par le Comité contre la torture (CAT).

Lakhdar Guellil, chauffeur de taxi originaire de Djelfa, avait été arrêté le 31 juillet 1996 puis soumis à de terribles sévices par la gendarmerie d’Aïn Oussara, dont des brûlures au chalumeau qui ont conduit à l’amputation de son bras gauche. Condamné en février 1998 à 15 ans de prison à l’issue d’un procès inéquitable, il a été libéré en mars 2006 dans un état de santé gravement détérioré. Faute de voies de recours effectives en Algérie, Alkarama a saisi le Comité le 29 janvier 2016.

De son côté, Mohamed Hajib, citoyen germano-marocain, avait été arrêté à Casablanca le 17 février 2010, à son retour du Pakistan, puis détenu au secret et torturé pendant 12 jours afin de lui arracher des aveux. Condamné à dix ans de prison (réduits à cinq ans en appel), il a purgé sa peine dans des conditions marquées par de mauvais traitements. Alkarama a soumis son cas au Comité contre la torture le 30 octobre 2018.

Le 19 novembre 2021, le Comité a adopté sa décision dans l’affaire Guellil c. Algérie (communication n°736/2016). Puis, le 22 juillet 2022, il a statué dans l’affaire Hajib c. Maroc (communication n°928/2019). Dans ces deux décisions, il a exigé l’ouverture d’enquêtes indépendantes, la poursuite des responsables et l’octroi d’une réparation intégrale.

Pourtant, comme le souligne le dernier rapport de suivi adopté à sa 78ᵉ session (30 octobre – 24 novembre 2023) et publié le 8 août 2024, aucune de ces mesures n’a été mise en œuvre dans aucun des deux pays. Dans une lettre datée du 11 août 2025, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a confirmé la transmission des observations présentées par Alkarama le 9 novembre 2023 ainsi que le rapport de suivi au gouvernement algérien pour commentaires.

L’inaction nourrit l’impunité

En Algérie, le Comité avait demandé l’abrogation des articles 45 et 46 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui consacrent l’impunité des agents de l’État impliqués dans des violations graves. Or, aucune réforme n’a été engagée et aucune enquête n’a vu le jour dans l’affaire Guellil, près de trois ans après la décision.

Au Maroc, malgré la reconnaissance officielle des actes de torture subis par Mohamed Hajib, aucune réparation ne lui a été accordée. Pire encore, il continue de subir menaces et intimidations, que le Comité qualifie de représailles pour avoir exercé son droit de recours auprès de l’ONU. Là encore, plus de deux ans après la décision, aucune mesure n’a été prise par Rabat.

En refusant d’appliquer ces décisions, l’Algérie et le Maroc se placent dans une situation de violation continue de la Convention contre la torture et manquent à leur obligation fondamentale de coopérer de bonne foi avec les mécanismes internationaux de protection des droits humains.

Face à cette inertie, le Comité a décidé de maintenir le suivi international ouvert pour ces deux affaires, envoyant un signal ferme : ni l’impunité ni les représailles ne peuvent se substituer à la justice et à la réparation auxquelles ont droit les victimes de torture.