
Alkarama condamne avec la plus grande fermeté l’exécution par les autorités saoudiennes du journaliste et militant saoudien Turki Al-Jasser, environ sept ans après son arrestation et sa disparition forcée pour des accusations liées à l’exercice de sa liberté d’expression et d’opinion. Alkarama a saisi les mécanismes onusiens concernés, notamment le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et a demandé la condamnation de cette violation flagrante du droit à la vie, dans un contexte d’escalade des exécutions motivées par des raisons politiques en Arabie Saoudite.
Le ministère de l’Intérieur saoudien a annoncé, dans un communiqué officiel publié le samedi 14 juin 2025, l’exécution de Turki Al-Jasser pour des accusations de trahison, de collaboration avec des entités étrangères, de financement du terrorisme et de mise en danger de la sécurité nationale — des accusations qualifiées de vagues et prétextes servant à masquer une vengeance politique en raison de son opposition pacifique et de ses critiques à l’encontre de la corruption au sein de la famille royale via le compte « Kashkool » sur la plateforme X (anciennement Twitter), selon des sources de défense des droits humains.
L’avocat Rachid Mesli, directeur d’Alkarama, a souligné que cette exécution démontre la poursuite d’un schéma de répression systématique mené par les autorités saoudiennes contre les voix indépendantes et dissidentes, dans un contexte de manque de transparence et d’instrumentalisation du système judiciaire comme outil de répression plutôt que de protection.
« Ces pratiques, incluant l’arrestation arbitraire, la torture, les procès inéquitables jusqu’à l’exécution, reflètent une violation systématique des engagements internationaux de l’Arabie Saoudite et appellent à une responsabilité internationale et à une exigence d’arrêt de ces violations ainsi qu’au respect des libertés fondamentales et de l’état de droit. » a t-il poursuivi.
Arrestation et procès inéquitables
Turki Al-Jasser, dans la fin de la quarantaine, a été arrêté lors d’une descente menée par les forces de sécurité saoudiennes le 15 mars 2018, au cours de laquelle ses appareils et effets personnels ont été confisqués. Il a ensuite été disparu de force jusqu’au 29 décembre 2019, date à laquelle il a été autorisé à passer un unique appel à sa famille, avant de disparaître à nouveau. Un second appel a été permis en 2021, sans autre suite.
Dans son communiqué, le ministère saoudien a déclaré : « Turki Ben Abdulaziz Ben Saleh Al-Jasser – de nationalité saoudienne – a commis plusieurs crimes terroristes, notamment la haute trahison par espionnage et complot contre la sécurité du Royaume avec des personnes extérieures, en plus d’avoir reçu des sommes d’argent pour financer des activités terroristes, mettant en danger la sécurité intérieure, l’unité nationale et la stabilité de l’État. »
« L’enquête a permis d’établir les charges, et après renvoi devant la juridiction compétente, un verdict définitif a été rendu ordonnant son exécution. Le jugement a été confirmé en appel puis validé par la Cour suprême, et un décret royal a été émis pour son application. L’exécution par Ta’zir (peine discrétionnaire) a été effectuée le samedi 14 juin 2025 -18 Dhul Hijja 1446- dans la région de Riyad. », a ajouté le communiqué.
Cette exécution a suscité une vive onde de choc parmi de nombreux défenseurs des droits humains saoudiens, qui y voient l’illustration emblématique d’une répression implacable à l’encontre de toute expression dissidente. Ils dénoncent l’absence flagrante de garanties procédurales dans cette affaire : détention arbitraire sans procès public durant sept ans, torture, mauvais traitements, disparition forcée et absence de défense juridique.
Rappel de l’affaire Khashoggi
Cette affaire a également ravivé la mémoire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, comme l’a souligné Carlos Martinez de la Serna, directeur du programme du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), en déclarant que l’impunité entourant l’assassinat du chroniqueur du Washington Post à Istanbul en 2018 permet la poursuite de la persécution des journalistes en Arabie Saoudite.
Il a affirmé que « L’échec de la communauté internationale à obtenir justice pour Jamal Khashoggi n’a pas seulement constitué une trahison à l’égard d’un seul journaliste, mais a aussi encouragé le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto du Royaume, à continuer d’opprimer la presse. »
Alkarama réitère sa condamnation la plus ferme à l’encontre de l’exécution de M. Turki Al-Jasser, qui constitue une violation particulièrement grave des normes impératives du droit international des droits de l’homme, notamment du droit à la vie et de la liberté d’expression, tels que consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Royaume d’Arabie Saoudite est État partie.
Alkarama rappelle que le ciblage délibéré de journalistes en raison de leurs opinions ou de leurs activités professionnelles constitue une atteinte manifeste à l’article 19 dudit Pacte, lequel garantit à toute personne le droit inaliénable à la liberté d’expression, y compris la liberté de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations et des idées de toute nature, indépendamment des frontières et par tout moyen d’expression.